B . Un volet social hétérogène

Nous avons ensuite testé l’hétérogénéité du volet social apparue dans l’étude des textes fondateurs du développement durable. Rappelons que la dimension verticale/horizontale joue sur la solidarité entre endo et exo-groupe (Nord/Sud), et que l’égalité globale/spécifique joue sur l’égalité entre tou.te.s et l’égalité de quelques-un.e.s avec tous.te.s.

Hypothèse 2 : Le volet social est parcouru de deux dimensions, la solidarité verticale (Sud) et horizontale (Nord), ainsi que de l’égalité entre tou.te.s (globale) et l’égalité pour quelques un.e.s (spécifique).

Dans le cadre de l’analyse des réponses à la question 3 de caractérisation, nous avons pu comparer les réponses aux différents groupes d’items mettant en jeu la solidarité verticale et horizontale ainsi que l’égalité spécifique et globale. La différence est significative entre les réponses aux items composant la dimension verticale et la dimension horizontale (Z = - 8,23 ; p < 0,01), au profit de la dimension horizontale ; tout comme entre les items composant la dimension globale et la dimension spécifique (Z = - 6 ; p < 0,01) au profit de la dimension globale. Nous pouvons ajouter que si la dimension horizontale a en moyenne des réponses plus faibles, elle a aussi un écart-type plus élevé (1,29 vs 1,46) montrant ainsi que le désaccord est plus important sur celle-ci.

Ces résultats montrent que la priorité est accordée d’une part aux items qui concernent le groupe d’appartenance des répondants (le Nord) et d’autre part aux items qui, en étant rassembleurs, gomment les rapports de force qui peuvent exister entre différents groupes sociaux. Cette priorité qui est donnée au Nord par des répondants eux-mêmes du Nord, montre que le favoritisme endogroupe des populations du Nord, est transposé au concept du développement durable qui, pourtant, a le souci de redistribuer les cartes de la gouvernance après la décolonisation. Par ailleurs la préférence pour les items globaux montre certes que l’action collective est préférée au clivage des groupes mais, là encore, il y a une minimisation des rapports sociaux de force (ex : Nord/Sud).

Néanmoins cette contradiction est renforcée par les items distracteurs et notamment les items 24 (le développement durable aide les plus pauvres à moins polluer) et 28 (le développement durable empêche les pays du Sud de se développer). Le premier est le plus en lien avec le développement durable, et le second est celui qui l’est le moins. Le développement durable est perçu non pas comme un obstacle supplémentaire pour les plus défavorisés, mais plus comme une solution positive, en dépit des réponses apportées par ailleurs aux items sociaux.

Cette contradiction dans les réponses n’est évidemment pas délibérée chez les répondants, elle témoigne de la complexité à penser le développement durable.

Nous pouvons éclairer ces résultats par les entretiens au cours desquels les participants, s’ils évoquent des relations asymétriques, évoquent autant la relation Nord/Sud (les entretiens A, B, P et Y) que les inégalités sociales au sein même des pays du Nord. Le participant Y le fait mais pour dire que ces inégalités restent moindres comparées à celles des pays du Sud :

‘« Je me dis qu’on est quand même dans des pays où on ne meurt pas de faim. On est quand même moins concerné, les injustices sociales sont beaucoup moins fortes qu’ailleurs. On n’est quand même pas en Afrique. Donc on se soucie moins. Ca va peut-être vous choquer ce que je vais dire, mais moi je travaille sur les quartiers nord et on se fait peur avec les banlieues, mais on y meurt pas de faim, la question c’est plus est-ce que je vais pouvoir avoir un Iphone comme tout le monde. Donc on est quand même dans des problématiques de riches quoi . »’

Parmi les participant.e.s O, X et R qui évoquent ces inégalités, alors que les sujets O et X le font directement en évoquant les équilibres sociaux et territoriaux, le sujet R pointe du doigt la dissolution dans le mot « gouvernance », des rapports de pouvoir réels, mais sans évoquer les inégalités sociales en tant que telles.

De plus, les réponses à l’item 2 de la question 4169 montrent que la relation pays du

Ainsi l’hypothèse 2 est confirmée. Nous nuancerons cependant ces conclusions quand nous traiterons des variables des répondants : le sexe, l’encadrement et la fonction.

Nous pouvons donc voir que le volet social est hétérogène. Le Nord est préféré au Sud, et certains groupes spécifiques sont moins liés au développement durable que si l’on désigne la population dans son ensemble. Les rapports de force existants sont transposés au développement durable, impliquant ainsi un déni de ces rapports sociaux asymétriques. Il faut croire qu’une gouvernance se voulant égalitaire occulte ces rapports asymétriques et leur désignation. De plus ce modèle d’une gouvernance égalitaire ne se retrouve pas dans les résultats de notre échantillon : la préférence reste accordée à l’endogroupe dominant du Nord au risque de conserver les rapports de pouvoir existants.

Notes
169.

Le développement durable, la quête d’un nouvel équilibre ? ex 2 : Pays du Sud/Pays du Nord