III . Le sentiment d’inégalité

Ce sentiment d’inégalité nous permet de voir si la perception de relations asymétriques engendre un positionnement plus en faveur du développement durable ou non. Par ailleurs, ce sentiment d’inégalité peut aussi être mis en lien avec l’appartenance socioprofessionnelle ou sexuée à un groupe dominé ou dominant, ou avec le sentiment d’appartenir ou non à un groupe privilégié. Ce qui nous a permis de postuler :

Hypothèse 5 : Le sentiment d’inégalité est influencé par le positionnement des répondant.e.s mais aussi par les groupes qui sont mis en présence

Nous commencerons par analyser les réponses apportées aux quatre relations d’inégalité que nous avions proposées aux répondant.e.s, et ce en lien avec les différents volets et dimensions du développement durable172. Globalement, ces relations sont jugées inégales puisque la

Pour ce qui est de la relation entre les hommes et les femmes, si elle est jugée comme la moins inégalitaire, cela correspond au traitement largement secondaire dont elle a fait l’objet précédemment. Mais ce qui est intéressant est que cette relation est la seule à être discriminée par les variables sexe et filière montrant par là que, bien qu’elle soit jugée moins inégalitaire, elle fait l’objet de dissensions chez les répondant.e.s. En effet, les hommes et les agents de la filière technique jugent cette relation plus égalitaire que les femmes et que les agents de la filière administrative (Z sexe = -2,36 ; p < 0,05 ; ² (1) filière = 4,46 ; p < 0,05). Ainsi la relation hommes/femmes est précisément jugée différemment par les hommes et les femmes, montrant par là qu’elle est un objet de négociation entre les dominants et les dominés. Remarquons que la relation Nord/Sud qui aurait pu interpeller les catégories A, B ou C, parce qu’elle évoque la relation entre riches et pauvres, n’est pas discriminée.

Cela dit, nous pouvons constater que certains liens existent entre l’évaluation de l’inégalité de ces relations et les réponses aux items de la question 3173. La relation entre générations est discriminante sur l’item 29 portant précisément sur les générations futures. La relation entre les pays du Nord et du Sud est discriminante sur les items horizontaux qui illustrent justement cette relation. La relation hommes/femmes quant à elle est discriminante sur les items femmes mais aussi sur les items sociaux (en dehors des items globaux). Enfin la relation humain/nature est discriminante sur le groupe environnement et sur le groupe socenv. Les réponses à la question 4174, portant sur l’inégalité de ces différentes relations, constituent donc une variable indépendante pertinente pour comprendre les réponses à la question 3, portant sur le développement durable.

Enfin, si nous regardons les corrélations existant entre les réponses à la question 3 et les réponses à la question 4, nous avons vu que l’évaluation de l’inégalité entre générations est certes en corrélation avec certains items de la question 3 de caractérisation, mais pour les répondantes seulement. Globalement la relation Nord/Sud est en corrélation avec les items portant sur la relation Nord/Sud de la question 3. La relation hommes/femmes est en corrélation avec les items femmes de la question 3, mais elle l’est pour les hommes seulement (r item 11175 = 0,23 ; n = 114 ; p <0,05 ; r item 20176 = -0,28 ; n = 113 ; p < 0,01). Pour ce qui est de la relation humain/nature elle est en corrélation avec un seul item environnement, ce qui en fait la relation la moins significative.

Nous pouvons donc voir que les femmes sont plus sensibles, dans leur représentation du développement durable, à l’inégalité entre les générations qu’à l’inégalité entre les hommes et les femmes. Cette dernière influence par contre les réponses des hommes sur le développement durable. Ainsi, nous pouvons voir à quel point les femmes investissent cette dimension transgénérationnelle aux dépens de l’égalité avec leurs contemporaines. Concernant les hommes, s’ils considèrent les femmes et les hommes comme plus égaux, cette dimension a cependant plus d’effet sur leur représentation.

Nous voyons ici que le jugement de l’inégalité des relations ne semble pas être en lien avec la priorité qui est accordée aux volets et dimensions correspondantes. Cela dit, ce jugement est une variable indépendante pertinente vis-à-vis des réponses à la question 3 du questionnaire. Ce jugement porté sur l’égalité/inégalité des relations détermine les réponses aux items en lien avec ces relations. Les relations hommes/femmes sont jugées comme les moins inégalitaires, ce qui confirme leur sous-estimation dans le questionnaire de caractérisation. Par ailleurs, le fait que cette relation soit sensible aux deux variables sexe et filière montre que l’appréciation de cette relation est clivante, car elle fait l’objet de désaccords entre les hommes et les femmes. Cependant, si nous regardons les corrélations entre les réponses à la question 3 et les réponses à la question 4, nous voyons que les réponses des hommes sur le développement durable sont en corrélation avec leur évaluation de l’inégalité de la relation hommes/femmes. Tandis que celles des femmes sont en corrélation avec leur évaluation de la relation entre générations. Cette différence est en lien avec ce que nous verrons ensuite sur la « matrimoinisation » des générations futures.

Notes
172.

Question 4 du questionnaire : Le développement durable, la quête d’un nouvel équilibre ?

ex 1 : Générations futures/Générations présentes

ex 2 : Pays du Sud/Pays du Nord

ex 3 : hommes/femmes

ex 4 : Les Hommes (êtres humains) /Nature

173.

Qu’est ce que le développement durable ?

174.

Le développement durable, la quête d’un nouvel équilibre ?

175.

item 11 : Financer l’ouverture de crèches sur fonds publics afin de permettre aux femmes d’investir la vie économique et politique

176.

Promouvoir l’égalité hommes/femmes en France et dans le monde