A . Être un homme ou une femme

Nous commencerons par la relation entre les hommes et les femmes, nous faisons l’hypothèse que le discours auquel donne lieu le développement durable peut révéler les rapports sociaux de sexe en ce qu’ils sont en lien avec le mythe de l’éternel féminin altruiste, philanthropique et maternel.

Hypothèse 9.A : le positionnement comme homme ou femme

En analysant les réponses à la question 3180, nous avons pu voir que la variable sexe s’est révélée être une des variables les plus discriminantes. Les femmes donnent des réponses significativement plus élevées que les hommes aux items du groupe social (Z = - 4,1 ; p < 0,01), aux items du groupe femmes (Z = - 1,96 ; p < 0,01), et aux items du groupe enfants (Z = - 2,7 ; p < 0,01), montrant ainsi qu’elles relient ces groupes, composés d’items sociaux, plus au développement durable que les hommes. Le sexe est aussi discriminant sur les réponses aux dimensions verticales et horizontales (Z verticale = -3,87 ; p < 0,01, Z horizontale = -3,86 ; p < 0,01), et aux dimensions spécifiques et globales (Z globale = 2,72 ; p < 0,01, Z spécifique = - 4,9 ; p < 0,01). Cette variable sexe est par contre inopérante sur les groupes d’items socenv et environnement. Il est nécessaire de mettre ces résultats en perspective des réponses au dilemme de la question 7 (scénario) où il n’y a pas de différence significative entre les réponses des hommes et celles des femmes, et ce, aussi bien d’un point de vue statistique, que de la justification d’une réponse plutôt qu’une autre. Ainsi la différence entre les hommes et les femmes est pertinente non pas quand il s’agit de choisir entre un volet ou un autre, mais quand il s’agit d’évaluer la force d’un lien, sans que ce soit aux dépens d’un autre.

Nous pouvons aussi regarder les réponses à la question 4181 portant sur l’égalité ou l’inégalité

Nous pouvons aussi ajouter à ces analyses statistiques celles des associations lexicales des questions 1182, 2183 et 6184. Les analyses Alceste de l’ensemble des réponses, montrent que les réponses typiques des hommes et des femmes étaient, sur l’ensemble des réponses, pour les premiers « la technique du territoire » et pour les secondes « la planification et la gouvernance du territoire ». Ces classes sont aussi caractéristiques d’une approche purement technique et environnementale pour les hommes et d’une approche sociale pour les femmes renvoyant par là à des représentations plutôt environnement pour les hommes et sociales pour les femmes. Si nous reprenons les résultats de l’analyse Alceste sur la première question portant seulement sur le développement durable, la classe caractéristique des hommes est de l’ordre de l’agir, tandis que celle des femmes est de l’ordre de la prise de conscience. Si ces classes ne renvoient pas directement à un volet social ou environnement, les résultats renvoient à des positionnements réputés caractéristiques de chacun des sexes : l’action pour les hommes, la réflexion pour les femmes (Bem, 1986). Pour ce qui est de l’analyse Alceste de la question 6, cette différence entre les réponses des hommes et des femmes est moindre bien qu’une classe soit caractéristique de chacun : quand les hommes évoquent la gestion des déplacements dans un vocabulaire abstrait, les femmes donnent un exemple concret, le PDE185. Si l’on se penche maintenant sur l’analyse Evoc 2000 de la question 1 portant sur le développement durable, nous avons pu constater que les femmes produisaient une vision plus anthropocentrée de l’environnement et une vision pragmatique des enjeux socio-économiques, tandis que les hommes sont plutôt dans une approche pragmatique des enjeux environnementaux. Pour ce qui est de l’analyse Evoc 2000 de la question 6, nous ne trouvons pas de différence significative hommes/femmes en lien avec nos hypothèses, peut-être pouvons-nous tout de même mentionner la dimension politique ou du pouvoir qui est toujours présente chez les hommes et non chez les femmes qui sont plutôt dans la gouvernance.

Ainsi, les femmes privilégient plus que les hommes le volet social en général : que ce soit le groupe social ou les dimensions spécifiques et globales, verticales ou horizontales, mais aussi les items enfants et les items femmes. Cela correspond par ailleurs à ce que l’on connaît des stéréotypes de la féminité : les femmes seraient plus altruistes et attentives aux enjeux humains ; mais cela correspond aussi aux stéréotypes de la masculinité : les hommes seraient avant tout centrés sur eux et attentifs aux enjeux techniques. En cela, le développement durable offre l’occasion à ces stéréotypes d’être à nouveau actualisés, alors que le discours est normalement tourné vers l’égalité.

Concernant l’analyse cognitive, le repérage du noyau central obtenu sur l’échantillon entier, montre que la dimension transgénérationnelle est elle-même reprise de façon diverse selon les groupes et sous-groupes. Si les générations futures sont présentes quel que soit le groupe étudié, « mes enfants » ne l’est pas tant chez les hommes, que les hommes techniques ou encore les femmes administratives. Cela est à mettre en lien avec la notion de matrimoine que nous avons évoquée précédemment. Les hommes, et surtout les hommes techniques, objectivent le développement durable seulement sur une des deux dimensions des générations futures, se situant ainsi moins comme pères que comme ascendants générationnels au sens large. Mais ce qui peut nous surprendre concernant les femmes administratives est qu’elles aussi, comme les hommes, objectivent le développement durable dans le seul item « générations futures » alors que ce sont non seulement des femmes mais aussi des agents d’une filière typiquement féminine.

L’analyse des catégorisations croisées est ici pertinente, nous pouvons voir que le croisement de l’identité professionnelle et de l’identité sexuée engendre des représentations qui sont révélatrices de la stratégie identitaire normative des groupes en présence.

Notes
180.

Qu’est ce que le développement durable ?

181.

Le développement durable, la quête d’un nouvel équilibre ?

182.

Que vous évoque le mot « développement durable » ?

183.

Que vous évoque chacun des trois volets du développement durable ?

184.

Que vous évoque le développement durable mis en œuvre par l’institution ?

185.

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