2. 1. Théorie de la variabilité de l’encodage

2. 1. 1. Généralités et historique

La théorie de la variabilité de l’encodage est l’une des théories les plus souvent mentionnées dans l’explication des effets d’espacement et d’intervalle. Elle est toutefois également évoquée pour expliquer d’autres effets psychologiques, comme par exemple les effets de récence et de contiguïté (e.g., Howard & Kahana, 2002). Elle est intitulée dans la littérature « encoding variability theory », mais certains auteurs l’intitulent également « contextual-variability theory ». L’objectif de cette section est de décrire cette théorie ainsi que de mettre en avant ses atouts et ses limites dans l’explication des effets de pratique distribuée. Nous profitons de cette introduction pour situer le cadre conceptuel de la mémoire dans lequel nous nous positionnons. D’une façon globale, nous considérons que la mémoire déclarative est constituée de traces, créées par le processus d’encodage, qui sont réactivées au moment de la récupération. L’encodage est le processus par lequel une information perçue est transformée en trace mnésique dans l’esprit et le cerveau.

D’une façon générale, l’hypothèse de la variabilité de l’encodage postule qu’une même information peut être encodée en mémoire de plusieurs façons différentes. En outre, plus les différents encodages d’une même information sont différents entre eux, plus seront disponibles de « routes » de récupération de cette information au moment où celle-ci devra être récupérée. Autrement dit, plus une information aboutit à une (ou des) trace(s) mnésique(s) diversifiée(s), meilleur sera le rappel ultérieur. Un des facteurs les plus importants susceptibles de faire varier la façon d’encoder l’information est le contexte présent au moment de l’encodage. En effet, la trace mnésique créée lors de l’encodage d’une information inclut également certains éléments du contexte courant. Le second principe de la théorie est que, lorsque l’IIR augmente, les contextes d’encodage sont de plus en plus différents entre P1 et P2. Il découle de ces postulats que de longs IIR sont bénéfiques à la récupération finale. Nous constaterons également que certaines formalisations de la théorie mettent en avant l’idée que la performance de récupération finale est déterminée par la concordance entre les éléments contextuels présents lors du test et les éléments contextuels encodés dans les traces mnésiques. Nous reviendrons en détail sur ces points.

Certains principes clés de la théorie de la variabilité de l’encodage ont été énoncés la première fois par Estes en 1955, qui a avancé l’idée novatrice de fluctuation aléatoire des stimuli lors des intervalles entre les essais successifs. Selon l’auteur, un stimulus exactement identique pouvait être traité par le sujet de façon différente lors de différents essais, et ces fluctuations de traitement suivaient des lois probabilistes. Cependant, le modèle proposé par Estes visait à expliquer les phénomènes de conditionnement et d’extinction et non directement les effets observés en mémoire déclarative qui nous intéressent ici.

Le terme de « variabilité de l’encodage » apparut en 1968 dans un article de Martin. Celui-ci postulait, dans le cadre d’un apprentissage déclaratif -en l’occurrence un apprentissage de paires de mots- qu’un même item peut être encodé de différentes façons. En particulier, un même item peut se voir attribuer différentes significations, ou différentes interprétations par le sujet, lors de ses différentes apparitions. Le fait d’interpréter de façon similaire ou différente un même item qui est présenté deux fois va influencer sa récupération ultérieure.

Il est important de noter dès à présent que dès ces premières énonciations de la théorie, la reconnaissance des stimuli lorsqu’ils étaient répétés (c’est-à-dire la récupération en phase d’étude) avait une grande importance. En effet, dans des articles précédents (e.g., Martin, 1967), Martin avait observé que la performance finale était diminuée si les items répétés n’étaient pas reconnus lors de leur répétition. Nous reviendrons sur ce point dans la section 2.2.