2. 1. 2. Le modèle de Bower (1972)

C’est Bower en 1972 qui a véritablement développé la notion de variabilité de l’encodage, en reprenant les formulations de Estes (1959) et de Martin (1968). Bower plaçait au centre de sa théorie la notion d’encodage, en définissant l’encodage comme un processus opérant sur le stimulus réel et fournissant en sortie le stimulus fonctionnel, cette transformation se faisant par le biais de divers opérateurs d’encodage. Selon Bower, plusieurs stimuli fonctionnels sont possibles pour un stimulus réel donné, et le choix de l’encodage réellement opéré sur un stimulus est un événement probabiliste. De plus, l’auteur postulait que, lors d’un essai, un seul et unique encodage se produit sur le stimulus réel. Il énonçait également qu’un stimulus est reconnu comme une répétition seulement si il a été encodé de la même façon lors des deux présentations.

Le choix des opérateurs d’encodage mis en oeuvre sur un stimulus est déterminé entre autres par un ensemble de facteurs contextuels. Selon Bower, le contexte comprend les stimulations externes prévalentes lors de la présentation des stimuli (comme la posture, la température, la pièce, les bruits de fond, etc) ainsi que les stimuli internes physiologiques (comme la gorge sèche, les battements cardiaques, les gargouillis d’estomac, la nausée, l’ennui, etc). Encore plus important, selon Bower, est ce que le sujet est en train de penser, le « monologue interne produit par le flux libre de la conscience » qui décrit la situation expérimentale. Cette description par le sujet contient sa conception, instant par instant, de la structure de la tâche expérimentale, les instructions, la nature du matériel rencontré, les stratégies d’encodage utilisées et ce qu’il pense être utile de faire, et ce qu’il pense du but de l’expérience. Il survient tout un ensemble d’associations libres qui comportent des pensées sur « la stupidité (sic) de l’expérimentateur, sur sa propre stupidité, ce qu’il a mangé au déjeuner, ce qu’il fera ce soir », etc… L’auteur suppose que ces facteurs influencent l’état de la machinerie d’encodage de telle sorte que les certains types d’encodage deviennent plus ou moins probables par rapport à d’autres. Autrement dit, des changements du contexte auront pour conséquence des changement dans l’encodage. Ces changements sont de deux types, systématique (intentionnel) et aléatoire (involontaire).

L’expérimentateur peut produire des changements systématiques dans l’encodage en présentant du matériel non destiné à être appris explicitement, comme des éléments contextuels, en même temps que les items cibles. Le sujet a alors pour consigne de penser à la relation entre le matériel et le contexte. On peut utiliser par exemple des mots polysémiques, tel que avocat, et induire un sens différent à chaque présentation. On peut aussi utiliser des éléments qui vont attirer l’attention des sujets, comme par exemple écrire une lettre en rouge. On peut aussi faire varier le contexte en modifiant le moment pendant lequel le sujet passe l’expérience : après manger, le matin ou la nuit, dans une salle différente, debout ou assis, la couleur du fond d’écran, etc.

L’auteur pense cependant que ce sont les changements aléatoires qui sont responsables des effets de pratique distribuée. Bower postule qu’il se produit un phénomène de dérivation (drift) graduelle du contexte au fil du temps dans la mesure où un ensemble d’événements se produisent pendant le passage du temps expérimental. Ainsi, lorsque le temps passe suite à un instant t, le contexte courant est de plus en plus différent du contexte au moment t. Ce changement contextuel induit une modification des opérateurs d’encodage. Selon l’auteur cependant, ce changement contextuel est rarement total, les « états d’esprits » revenant de façon cyclique.

Dans le cas où une répétition d’un stimulus a lieu, la seconde occurrence va faire augmenter la performance de mémoire lors d’un test ultérieur, car elle fournit une occasion pour de nouveaux éléments d’être encodés et ajoutés à la trace mnésique. L’avantage apporté par ce second épisode dépend de l’amplitude des changements d’encodage réalisés pendant l’intervalle entre les présentations, puisque plus il y a d’encodages réalisés, plus la récupération ultérieure sera facilitée.