Les processus d’encodage et de stockage

Selon le modèle de Glenberg (1979), lors de la présentation d’un stimulus verbal, les processus perceptuels encodent les caractéristiques physiques du stimulus. Ces caractéristiques sont utilisées pour accéder aux composants sémantiques associées au stimulus. Une fois ces composants récupérés, une trace à composants multiples est créée en mémoire pour représenter l’occurrence du stimulus dans l’expérience. Cette trace contient des composants propositionnels issus de la mémoire sémantique, ainsi que d’autres composants de la trace, spécifiques à l’épisode, et qui sont déterminés conjointement par le stimulus traité, la nature de la tâche, les stratégies du sujet et le contexte dans lequel le stimulus a été présenté. Ce modèle se place dans le courant général des modèles à traces multiples développées dans les années 1970 (e.g., Hintzman, 1988 ; Hintzman & Block, 1971).

Les composants de trois niveaux, contextuels, structurels, ou descriptifs, diffèrent quant à la probabilité qu’ils soient inclus dans les traces représentant les différents items ; un composant inclus dans de nombreuses traces est dit général. Les composants contextuels sont généraux car les mêmes composants contextuels sont inclus dans toutes les traces encodées dans un contexte spécifique.

Les composants contextuels représentent le contexte dans lequel l’événement est encodé et incluent des informations telles que les caractéristiques de l’environnement physique, le temps, et les état affectifs et cognitifs du sujet. Les événements perçus sont inclus dans le flot de conscience du sujet, comme le mentionnait Bower (1972). Par exemple, la trace qui représente la présentation d’un mot dans une tâche de rappel libre contient le fait que ce mot soit présenté, mais également qu’il l’a été dans une pièce donnée, dans une certaine liste, en réalisant une opération cognitive précise. Les composants contextuels ont un statut particulier dans le sens où les éléments contextuels sont encodés automatiquement pendant la tâche et parce qu’on considère qu’ils peuvent influencer l’encodage des autres composants contenus dans la trace. Le fait que tous les composants soient finalement soumis aux variations de contexte fait que la variation contextuelle est primordiale dans cette théorie.

Une répétition est potentiellement efficace dans la mesure où des informations différentes sont stockées lors des deux présentations d’un événement répété. Le contexte lui-même est constitué de divers éléments qui ne varient pas tous au même rythme au fil du temps, et ont donc des taux de fluctuation variables. Il existerait les composants dits locaux, qui fluctuent rapidement et continuellement, comme par exemple les items présentés. D’autres composant fluctuent plus lentement, comme par exemple l’augmentation de la sensation de faim au fil de l’expérience. D’autres composants enfin, les caractéristiques dites globales du contexte, sont invariants ou fluctuent très lentement, et sont donc très généraux. Selon l’auteur, on peut expérimentalement séparer les effets dus aux différents taux de fluctuation des composants contextuels dans leur influence sur la performance mnésique finale.

L’amplitude de la fluctuation du contexte et donc la quantité de changement dans les composants contextuels stockés dans la trace est directement liée à l’intervalle entre les présentations d’un même item. La corrélation positive entre le nombre de composants différents stockés dans la trace et l’IIR est appelé « stockage différentiel » (differential storage).

Les composants structurels représentent la structure que les sujets imposent sur les événements individuels, c’est-à-dire les associations, groupements et catégorisations réalisés sur les stimuli. Ces composants ne sont pas encodés automatiquement mais dépendent des processus de contrôle engagés par le sujet. Ces composants spécifiques sont déterminés par le contexte local, défini par exemple par les items présentés juste avant ou juste après un item cible. Lors de la répétition d’un item, le sujet peut, par exemple, être en train de traiter un ensemble d’items différents de ceux de la première présentation, ce qui permet le stockage de composants différents dans la trace du stimulus. Puisque des changements contextuels induisent des changements dans les composants structurels, les composants structurels seront eux-mêmes caractérisés par un stockage différentiel lorsque l’IIR augmente.

Lors de la répétition d’un stimulus, la variabilité dans les composants structurels encodés est fonction à la fois des processus de contrôle et du contexte local. On peut inciter le sujet à encoder différents aspects du stimulus lors des deux occurrences en changeant la tâche d’orientation réalisée lors des deux occurrences. Plus simplement, les changements dans le contexte local peuvent faire varier les composants structurels inclus dans la trace.

Les composants descriptifs, enfin, concernent les éléments strictement relatifs aux stimuli. Par exemple, dans l’apprentissage de mots, ces composants incluent des informations sur l’orthographe, l’articulation, la signification, etc. Ces composants dépendent du traitement dans lequel le sujet est engagé et du contexte, par exemple de la profondeur de traitement. Bien que les composants descriptifs soient les plus uniques inclus dans la trace, c’est-à-dire les plus spécifiques à la trace, il est possible de manipuler leur encodage ou de créer des stimuli qui incluent tous les mêmes composants. Par exemple, forcer le sujet à prononcer à voix haute des stimuli qui riment entraîne l’inclusion de composants descriptifs similaires dans toutes les traces. Ces composants deviendront alors généraux.

Selon l’auteur, la trace d’un stimulus répété après un IIR long inclura un plus grand nombre de composants contextuels, structurels et descriptifs que la trace d’un stimulus répété après un IIR plus court. Cependant, la théorie ne prédit pas toujours une augmentation de la performance mnésique ultérieure proportionnelle à l’amplitude du stockage différentiel (c’est-à-dire l’amplitude avec laquelle des composants différents et variés sont stockés dans la trace lors des répétitions). En réalité, la corrélation entre stockage différentiel et performance à la tâche mnésique peut varier en amplitude et même en direction en fonction de l’environnement de récupération. Nous allons décrire ces processus dans la partie suivante.