L’effet de pratique distribuée

Le modèle ainsi défini, nous pouvons maintenant comprendre comment il permet d’expliquer les effets de pratique distribuée, ainsi que l’influence du délai de rétention, dans le cas d’une tâche finale de reconnaissance ou de rappel libre.

Comme l’énonce le modèle, augmenter l’IIR va typiquement mener à un stockage différentiel des composants sur un ou plusieurs niveaux. Or, en général, le stockage différentiel va faciliter la récupération ultérieure. Plus la trace mnésique contient un nombre important de composants différents, plus elle aura de chances de partager des composants avec l’indice lors du test de récupération, et donc être activée et récupérée.

Le modèle parvient à expliquer pourquoi, dans certaines situations, l’effet d’intervalle est monotone croissant et dans certaines autres, il prend une forme en U inversé (e.g., Glenberg, 1976). En effet, à tout niveau, le fait de manipuler la relation entre l’indice de récupération et l’information stockée dans la trace peut produire une performance de récupération en fonction de l’IIR qui peut être monotone décroissante, en U inversé, ou monotone croissante. La Figure 5 décrit ces prédictions en considérant un seul niveau de composant (contextuel, structurel, ou descriptif). Dans la figure du haut sont représentés de haut en bas les moments durant lesquels un événement peut être présenté et répété, de t1 à t8. En face de chaque moment sont représentés les composants encodés à ce moment-là. Les composants sont symbolisés par des lettres de l’alphabet allant de g à q, qui symbolisent les composants présents dans l’environnement et encodés dans la trace. Avec le passage du temps, ces composants environnementaux évoluent progressivement, ce qui est symbolisé par l’avancée progressive des lettres dans l’alphabet. Au moment t1 on est en présence des composants g, h, i, et j, au moment t2 on évolue vers les composants h, i, j, et k, et ainsi de suite, jusqu’au moment t8 qui contient les composants n, o, p, et q. Il s’agit, bien entendu, d’une schématisation, les changements contextuels dans une expérience n’étaient certainement pas aussi simples que dans cette représentation.

Figure 5 : Reproduction du schéma illustrant le modèle de Glenberg (1979). Dans la figure du haut sont présentés les moments auxquels un item peut être présenté et les composants (d’un seul niveau) stockés lors de la présentation. Dans la figure du bas sont présentés les composants inclus dans les traces formées lors des répétitions après quatre intervalles différents, la structure de trois indices de récupération, et le nombre de composants inclus dans les traces activées par les indices.

Considérons un item présenté à deux reprises avec des IIR différents, et les composants encodés dans la trace. Ces situations sont représentées dans la figure du bas, avec P2 se produisant toujours à t8. Par exemple, un item présenté au moment t5 puis répété au moment t8 produit une trace contenant des composants allant de k à q (troisième colonne). De la même façon, un item présenté au moment t7 puis répété au moment t8 produit une trace contenant des composants allant de m à q (première colonne). On remarque que plus l’IIR est long, plus le nombre d’éléments contextuels encodés est important, ce qui illustre la notion de stockage différentiel.

La figure représente également, en bas de la figure du bas, l’activation de la trace fournie par trois indices différents parmi tous les indices possibles au moment de la récupération (Indices n°1, 2, et 3). A l’intersection de la ligne (représentant l’indice lors du test) et de la colonne (représentant l’IIR), est représenté le nombre de composants en commun entre la trace et l’indice. L’activation de la trace, et par conséquent la performance finale, est proportionnelle à ce nombre de composants en commun. Les indices de récupération diffèrent par les composants qu’ils contiennent et peuvent être plus ou moins biaisés envers des composants stockés dans la trace à t8. En effet, le biais de l’indice se définit comme la tendance à inclure dans l’indice des composants stockés lors d’une occurrence de l’item (P1 ou P2), et d’exclure ceux stockés lors des autres occurrences. À l’inverse, un indice non biaisé contient des composants tels que les composants encodés dans la trace lors des deux présentations ont la même probabilité d’être inclus dans l’indice.

Le biais de l’indice peut être contrôlé par une manipulation expérimentale directe, ou par le DR de façon indirecte. Quand la récupération se produit après un court DR, le contexte présent au moment de la récupération est similaire au contexte au moment de la seconde occurrence. Les composants contextuels inclus dans l’indice de récupération seront par conséquent biaisés envers ceux encodés lors de la seconde présentation. Cette situation correspond à l’indice n°1, représenté dans la Figure 5. On observe que pour un tel indice, ce sont les IIR les plus courts qui induisent les meilleures performances de récupération : l’activation est la plus forte (niveau 4) pour les IIR plus courts, tandis qu’elle est la plus faible (niveau 3), pour l’IIR de longueur 6, c’est-à-dire un item présenté à t1 et t8.

L’indice n°2 est un exemple de biais envers les composants présentés lors de la seconde occurrence, mais le biais est moins important que pour le premier indice. L’activation de la trace, basée sur le second indice, est une fonction en U inversé de l’IIR. En effet, les IIR associés à la plus grande activation sont les IIR de niveau 1 et 2.

L’indice n°3 n’est biaisé envers aucune présentation. Les nombres présentés dans la figure indiquent le nombre attendu de composants activés en considérant que quatre composants différents (sur un total de n possible) sont choisis aléatoirement pour l’inclusion dans l’indice. Seulement dans ce dernier cas la performance est une fonction monotone de l’IIR. En effet, plus l’IIR est long, plus le nombre de composants différents encodés dans la trace est important. Dans la plupart des expériences, les indices de récupération ne sont pas biaisés, ce qui correspond à un indice du type 3 et à l’habituel effet d’intervalle monotone.

Pour résumer, cette théorie permet de rendre compte de la forme de la fonction de performance en fonction de l’IIR et du DR, par l’intermédiaire d’un jeu de chevauchement des composants dans la trace et dans les indices au moment du test. C’est la théorisation de l’hypothèse de la variabilité de l’encodage la plus aboutie et la plus précise disponible dans la littérature. Un ensemble d’expériences a présenté des éléments allant dans son sens. C’est l’objet de la section suivante.