3. 1. 1. Effet d’espacement en imagerie cérébrale

Xue et al. (2010a et 2010b) et Callan et Schweighofer (2010) avaient pour objectif d’étudier les bases neurales de l’effet d’espacement, et pour ce faire, ils ont utilisé des paradigmes relativement similaires. Les stimuli étaient présentés quatre fois, et ces quatre présentations étaient soit massées, c’est-à-dire présentées successivement avec un intervalle inter-essais d’une seconde, soit espacées, c’est-à-dire que les présentations successives étaient séparées par un intervalle plus important comportant d’autres items (entre 6 et 20 items intercalés chez Xue et al. ; entre 5 et 10 minutes dans Callan et Schweighofer). Les deux études différaient par les items utilisés, et par conséquent sur la zone d’intérêt anatomique analysée, puisque le phénomène de suppression de répétition impacte les régions perceptives qui sont spécifiques aux items traités. Xue et al. (2010a) faisaient apprendre aux sujets un ensemble de visages, Xue et al. (2010b) un ensemble de caractères coréens, et Callan et Schweighofer un ensemble de paires mot-pseudomot. La problématique étudiée dans les études était cependant quelque peu différente : Xue et al. se demandaient si l’effet d’espacement était dû à la suppression de répétitionneurale réduite dans la condition distribuée, tandis que Callan et Schweighofer ont essayé de départager la théorie du traitement déficitaire de la théorie de la variabilité de l’encodage.

Xue et al. (2010a) voulaient tester l’hypothèse selon laquelle l’effet d’espacement est dû à un déficit de traitement des occurrences répétées d’un item en condition massée, ce déficit étant lui-même associé à un amorçage perceptuel à court terme. Cette hypothèse a été avancée en 1998 par Russo et al., comme nous l’avons vu dans le chapitre 2. L’hypothèse des auteurs était que l’apprentissage espacé devrait entraîner une meilleure reconnaissance finale par rapport à un apprentissage massé en réduisant la suppression de répétition pendant l’apprentissage.

Les auteurs ont utilisé des visages non familiers qu’ils ont répétés 4 fois, soit de façon massée, soit de façon distribuée (entre 6 et 20 items intercalés, moyenne de 12 items). Un test de reconnaissance des visages était réalisé une heure après l’apprentissage. La phase d’apprentissage était réalisée dans un IRM, ce qui permettait d’observer les activations cérébrales associées aux répétitions et donc d’observer la suppression de répétition. La zone cérébrale d’intérêt était dans cette étude le cortex fusiforme, puisqu’une activité de cette région est classiquement observée lors de la perception de visages.

Les résultats ont révélé, d’une part, l’effet d’espacement comportemental classique, c’est-à-dire que l’apprentissage espacé permettait une meilleure reconnaissance finale des visages que l’apprentissage massé. D’autre part, au plan cérébral, les auteurs ont montré que le cortex fusiforme bilatéral était davantage activé pour les items qui étaient reconnus ultérieurement que pour les items non reconnus ultérieurement. Cette même zone présentait également le phénomène de suppression de répétition c’est-à-dire que son activité diminuait au fil des répétitions d’un même item, de telle façon que les items reconnus ultérieurement correspondaient à une situation de plus faible suppression de répétition. Enfin, l’activité du cortex fusiforme bilatéral était affectée par le type d’apprentissage, tel que l’apprentissage espacé était responsable d’une suppression de répétition de moins grande ampleur. Ainsi, la reconnaissance finale était associée à une plus faible suppression de répétition durant l’apprentissage, or l’espacement réduisait la suppression de répétition et améliorait la reconnaissance finale. Cette étude apportait donc des arguments en faveur du rôle causal de la suppression de répétition dans l’effet d’espacement.

Xue et al. (2010b) ont tiré les mêmes conclusions en utilisant comme matériel des caractères coréens nouveaux pour les sujets. Ainsi l’espacement réduisait d’une part la suppression de répétition neurale dans la région du cortex fusiforme gauche et, d’autre part, améliorait la reconnaissance finale.

Callan et Schweighofer (2010) ont fait apprendre aux sujets des paires mot-pseudomot à quatre reprises. Ils ont comparé les prédictions faites par deux hypothèses : celle du traitement déficitaire, plus particulièrement celle de la suppression de répétition, avec celle de la variabilité de l’encodage. Leurs régions d’intérêt étaient les zones cérébrales connues pour présenter une activité lors de l’encodage de matériel verbal, notamment l’operculum frontal gauche. Selon la théorie du traitement déficitaire, à l’encodage, les traitements devraient être moins importants lors des répétitions en condition massée dans un ensemble de zones dont l’operculum frontal. Selon la théorie de la variabilité de l’encodage, l’activation des régions hippocampiques et parahippocampiques devrait être plus importante lors des répétitions en condition distribuée, reflétant une plus grande activité de traitement sémantique des items. La tâche de rappel indicé était réalisée 10 minutes puis un jour après la phase d’encodage.

Les résultats ont montré, en plus de l’effet d’espacement comportemental classique, que l’activité dans la région de l’operculum frontal gauche était plus importante en condition espacée, et qu’elle diminuait de répétition en répétition dans la condition massée uniquement. Ces résultats vont dans le sens de la théorie du traitement déficitaire. A l’inverse, il n’a été observé aucune différence de pattern d’activité dans l’hippocampe au fil les épisodes successifs entre les conditions massée et espacée, ce qui n’est pas concordant avec la théorie de la variabilité de l’encodage.

Ainsi, les trois études ayant porté sur l’effet d’espacement ont révélé des résultats concordants avec l’hypothèse du traitement déficitaire : la répétition massée se caractérise par une diminution d’activation des régions cérébrales d’intérêt au fil des répétitions, contrairement à la répétition distribuée. Peut-on tirer les mêmes conclusions lorsqu’on compare des IIR plus longs ?