3. 1. 2. Effet d’intervalle en imagerie cérébrale

Wagner et al. (2000) ont cherché à mettre en rapport les effets d’amorçage comportemental et neural lors des répétitions avec la performance mnésique ultérieure.L’amorçage neural est l’observation d’une activité réduite dans une région cérébrale à P2 par rapport à P1. Les auteurs ont mesuré l’activité cérébrale, par le biais de l’IRMf, lors de l’encodage incident d’une liste de mots. Une même liste était encodée à deux reprises, soit avec un IIR de 2 minutes, ce qui constitue un intervalle court, soit après un intervalle de 25h, ce qui constitue un IIR long avec un épisode de sommeil intercalé. Une tâche de reconnaissance des mots avait lieu 48h après la seconde présentation de la liste. Comme l’encodage incident consistait à catégoriser chaque mot selon qu’il était abstrait ou concret, on pouvait analyser les performances à cette tâche lors de P2 et évaluer l’amorçage comportemental. Or, en effet, les mots répétés suite à l’intervalle court ont été catégorisés plus rapidement que les mots répétés suite à l’intervalle long. Autrement dit, l’amorçage comportemental était bien observé et était moins important en condition d’intervalle long que court.

Concernant l’amorçage neural lors de P2, les régions cérébrales montrant une diminution d’activité lorsque les items catégorisés avaient déjà été présentés étaient le cortex préfrontal inférieur gauche et le cortex fusiforme gauche, et ce, quel que soit l’IIR. Cet amorçage neural était plus important lorsque l’IIR était court que lorsqu’il était long. Ainsi, l’amorçage comportemental et l’amorçage neural étaient concordants : les items répétés suite à un IIR court étaient à la fois catégorisés plus rapidement (i.e., amorçage comportemental) et présentaient une plus grande suppression de répétition (i.e., amorçage neural) que les items répétés suite à un IIR long.

Quel était le lien entre amorçage et reconnaissance finale ? Premièrement, la reconnaissance était plus précise lorsque l’IIR était long que court. Les auteurs ont ensuite déterminé dans la condition d’IIR long, 1) la corrélation entre l’amorçage comportemental et les performances de reconnaissance, et 2) la corrélation entre l’amorçage neural dans le cortex préfrontal inférieur gauche et postérieur et les performances de reconnaissance. Ces corrélations se sont révélées significativement négatives. Autrement dit, plus l’amorçage comportemental et/ou neural était important, plus la reconnaissance ultérieure était faible.

Les auteurs interprétaient ces résultats de la façon suivante : l’amorçage suscité lors d’une répétition suite à un IIR court est associé à un traitement cognitif restreint du stimulus répété. Or, ce traitement restreint est délétère pour la rétention à long terme. Ainsi, cette étude apporte des arguments, tout comme les études précédentes, en faveur d’une interprétation de l’effet d’intervalle en termes de traitement déficitaire.

Cependant, les résultats de Wagner et al. (2000) sont à considérer avec précaution car ils n’ont pas été répliqués par Stark, Gordon, et Stark (2008). Les auteurs ont exactement répliqué, mais au plan comportemental uniquement, l’expérience de Wagner et al. Ils ont également observé que l’IIR long était associé à la fois à une reconnaissance finale plus importante et à un effet d’amorçage plus faible, et que l’IIR court était associé à la fois à une reconnaissance finale plus faible et un effet d’amorçage plus fort. Cependant, ils n’ont pas répliqué la corrélation négative observée par Wagner et al. au niveau des individus, c’est-à-dire que les individus ayant présenté le plus grand niveau d’amorçage auraient dû présenter également un plus faible niveau de reconnaissance. Les observations n’ont pas non plus été répliquées au niveau des items, c’est-à-dire que les items ayant subi le plus grand effet d’amorçage auraient dû présenter aussi un plus faible niveau de reconnaissance. Ils concluent que les deux processus mnésiques que sont l’amorçage - processus mnésique implicite - et la reconnaissance - processus mnésique explicite - agissent en parallèle sans interférer l’un sur l’autre.

Par conséquent, ces deux dernières études présentent des données contradictoires et ne permettent pas de confirmer ou d’infirmer l’idée que l’effet d’amorçage est responsable de la diminution des performances finales de reconnaissance ou de rappel lorsqu’on compare des IIR de 2 minutes et de 25 heures. De nouvelles études sont donc nécessaires pour en savoir plus à ce sujet.