3. 2. Modélisation mathématique

L’effet de pratique distribuée a fait l’objet de plusieurs tentatives de modélisation mathématique. Loin de vouloir décrire dans le détail ces modèles, nous décrirons dans cette section en quoi, selon nous, les efforts de modélisation ont permis d’apporter de nouveaux éléments pour répondre au problème de l’origine des effets observés.

En général, les modèles mathématiques de l’effet de pratique distribuée complètent des modèles de mémoire existants pour les faire s’adapter à ces effets (e.g., les modèles ACT-R de Pavlik & Anderson, 2005 ; et SAM de Raaijmakers, 2003) ou combinent les caractéristiques de plusieurs modèles en un seul (e.g., le modèle MCM de Mozer et al., 2009). Le modèle de Pavlik et Anderson, par exemple, essaie de modéliser les effets de pratique distribuée en intégrant auparavant les lois, mieux connues, déterminant la courbe d’oubli et la courbe d’apprentissage.

En quoi est-il utile de réaliser des modèles mathématiques de phénomènes psychologiques ? En premier lieu, la modélisation permet d’aboutir à la description simple des phénomènes observés, sans nécessiter de faire appel à des théories psychologiques. Par exemple, une description verbale n’est pas aisée pour décrire l’interaction entre l’IIR et le DR observée par exemple dans Cepeda et al. (2008). Une description par le biais d’équations permet de simplifier notre appréhension de la globalité d’un phénomène, en remplaçant plusieurs lignes d’explication verbale.

De la même façon, les modèles mathématiques permettent d’appréhender la complexité des phénomènes et de certaines théories. Par exemple, la théorie de la variabilité de l’encodage décrite par Glenberg (1979) est particulièrement complexe au regard des notions de chevauchement de composants contextuels, de fluctuation aléatoire, etc. Il est certain que le développement de ce type de théories est rapidement limité si on s’en tient à des descriptions verbales qui favorisent le flou dans la description de la théorie et donc dans les prédictions du modèle. Benjamin et Tullis (2010) déclarent à ce sujet que « la majorité des approches théoriques n’ont pas été implémentées computationnellement et sont par conséquent sujettes à des différences d’interprétation ».

En second lieu, les modèles permettent de faire des simulations qui font gagner du temps par rapport à des expériences empiriques longues et, parfois, peuvent même remplacer des expériences qui, en pratique, ne peuvent pas être réalisées. Par exemple, Lindsey et al. (2009) expliquent qu’il est impossible de tester expérimentalement toutes les combinaisons d’agencement temporel de plus de deux épisodes d’apprentissage, sur toutes les durées possibles, avec différents matériels. Grâce aux modèles mathématiques, on peut simuler une situation complexe et la valider ensuite empiriquement en ne testant que certains cas parmi tous les cas possibles.

Enfin, les formulations mathématiques et les simulations font émerger de nouveaux questionnements et de nouvelles pistes d’exploration dans l’étude d’un effet. En particulier, plusieurs modèles (Raaijmakers, 2003 ; Pavlik & Anderson, 2005 ; Mozer et al., 2009) placent au cœur de leur formulation la notion de niveau d’activation de la trace en mémoire, et son évolution avec le temps. Cette notion est assez rarement mentionnée dans la littérature sur les effets de pratique distribuée (sauf par exemple dans Anderson & Schooler, 1991) et, quand elle est mentionnée, elle l’est de façon floue et peu explicitée. Or, il nous semble que la notion d’activation ou de force d’un souvenir est un concept très important qui peut être utile pour décrire et expliquer les effets de répétition.

Nous présenterons trois modèles qui ont eu une certaine influence dans la littérature des effets de pratique distribuée. Il s’agit des travaux de Raaijmakers (2003), Pavlik et Anderson (2005), et Mozer et al. (2009).