3. 2. 3. Le modèle de Mozer et al. (2009)

Le modèle MCM (Multiscale Context Model) de Mozer et al. avait pour objectif de caractériser l’état et l’évolution de la force de la trace mnésique d’items appris lors d’une ou plusieurs sessions. La particularité de ce modèle était de pouvoir faire des prédictions sur la performance de rappel d’un item en fonction du (ou des) IIR et du DR, mais également de la nature de l’item à apprendre.

Le modèle se basait sur deux fonctions essentielles de l’apprentissage : la fonction d’espacement et la fonction d’oubli. Ces deux fonctions sont décrites dans la Figure 6. La fonction d’espacement décrit une courbe en U inversé de la performance finale (axe des ordonnées) en fonction de l’IIR (axe des abscisses) : pour un IIR très court, ce qui correspond à une répétition massée, la performance est faible. Lorsque l’IIR augmente, la performance augmente également jusqu’à un IIR optimal, puis se met à décliner jusqu’à atteindre une asymptote correspondant à une performance moyenne (e.g., Glenberg, 1976 ; Cepeda et al., 2008). La fonction d’oubli décrit une performance qui décroît selon une fonction puissance (e.g., Wixted & Carpenter, 2007 ; Wixted & Ebbesen, 1991) en fonction de la durée du DR.

Concrètement, le modèle MCM est un modèle complexe qui combine les propriétés de deux modèles antérieurs, le modèle SAM de Raaijmakers (2003), présenté dans cette section, et le modèle MTS de Staddon, Chelaru, et Higa (2002). Ce qui a été inspiré du modèle SAM est, d’une part, la notion de fluctuation contextuelle progressive, inspirée par la théorie de la variabilité de l’encodage (e.g., Glenberg, 1979), et, d’autre part, l’importance de récupérer la trace de la (ou des) occurrence(s) antérieure(s) au moment de la répétition, inspiré par la théorie de la récupération en phase d’étude (e.g., Thios & D’Agostino, 1976). Ainsi, ce modèle constitue également une simulation d’un modèle « mixte ». Ce qui a été inspiré du modèle MTS est la notion d’utilité prédictive que nous allons développer.

Figure 6 : Reproduction des fonctions d’oubli et d’espacement décrites dans le modèle de Mozer et al. (2009). La fonction d’espacement (spacing function) représente le rappel lors du test suite à deux sessions d’apprentissage séparées par un IIR donné (ISI). La fonction d’oubli (forgetting function) représente le rappel en fonction du DR (en abscisses).

Les théories de l’utilité prédictive (predictive-utility theories) ont pour postulat que la mémoire possède une capacité limitée et/ou est imparfaite et permet des intrusions. Pour pouvoir atteindre des performances optimales, certains souvenirs doivent être effacés s’ils ne sont pas nécessaires dans le futur. Anderson et Milson (1989), à partir d’une analyse rationnelle, ont pu estimer la probabilité future d’avoir besoin d’un souvenir. Quand un item est étudié de nombreuses fois avec un IIR donné, l’analyse rationnelle suggère que la probabilité de besoin diminue rapidement suite au dernier épisode d’étude, une fois qu’un DR plus grand que l’IIR s’est écoulé. Par conséquent, augmenter l’IIR doit mener à une trace mnésique plus persistante. (Nous développerons davantage ces notions dans la section 3.3). La notion d’utilité prédictive est implémentée dans le modèle MTS de Staddon et al. (2002). Sans décrire dans le détail les équations du modèle, celui-ci énonce que quand un item est présenté de façon répété avec des IIR courts, la trace peut être représentée par des intégrateurs ayant des constantes de temps courtes et, par conséquent, la trace va décliner rapidement. Augmenter l’IIR fait donc en sorte que les intégrateurs ont des taux de déclin plus faibles.

Le modèle MCM implémentait ces notions d’une façon complexe. De façon simplifiée, il considérait que lorsqu’un item est étudié, une trace mnésique est formée qui inclut le contexte psychologique ; ce dernier est supposé fluctuer de façon aléatoire avec le temps. La probabilité de rappel ultérieur dépend en partie de la similarité entre les représentations du contexte lors de l’étude et lors du test. La caractéristique de ce modèle qui le distingue des autres (en particulier de celui de Raaijmakers, 2003) est que le contexte est supposé varier sur de multiples échelles temporelles, ce qui lui permet de modéliser des situations dans lesquelles l’apprentissage a lieu sur de multiples sessions.

L’objectif des auteurs, dans une perspective d’application, était de pouvoir prédire l’espacement optimal en fonction de plusieurs éléments comme le type de matériel et la nature des essais d’apprentissage. Leur approche consistait à récupérer empiriquement les paramètres de la fonction d’oubli grâce à un test réalisé juste avant la session de répétition, puis à partir de ces données, de faire des prédictions sur la fonction d’espacement, ce qui permettait ensuite de faire des recommandations en termes d’intervalles optimaux.

Les auteurs ont réalisé une simulation à partir des données des expériences de Cepeda et al. (2008 ; 2009). Les paramètres de la fonction d’oubli étaient calculés à partir des résultats du rappel indicé au début de la seconde session d’apprentissage, et donc après des IIR variables. La courbe d’espacement était quant à elle déterminée à partir des résultats du rappel final. À partir des équations du modèle et des paramètres déterminés, les courbes d’espacement pouvaient être prédites et comparées aux courbes observées. Or, les courbes prédites se sont révélées très similaires aux courbes observées. Le modèle s’est révélé capable d’anticiper le sommet des courbes d’espacement et la forme globale de ces courbes en fonction du DR. De plus, avec les paramètres déterminés grâce aux données de Cepeda et al. (2008 ; 2009) et sans nouvelle modification, ils ont obtenu une simulation proche de la réalité pour les données recueillies dans la méta-analyse de Cepeda et al. (2006).

L’existence de plusieurs modèles aboutis rendant compte des effets de pratique distribuée appelle leur comparaison afin de déterminer lequel est le plus pertinent.