3. 2. 4. L’étude de Lindsey et al. (2009)

L’étude de Lindsey et al. avait pour objectif de comparer la validité respective des modèles de Mozer et al. (2009) et de Pavlik et Anderson (2005), et pour ce faire, ils se sont attachés aux situations dans lesquelles plus de deux occurrences d’un item se produisent. Il s’agissait d’observer quelles étaient les prédictions des deux modèles concernant l’effet de l’agencement des répétitions, c’est-à-dire quel agencement (uniforme, expansif, ou contractant) était le plus bénéfique pour la rétention finale. Il se trouve que l’effet de l’agencement temporel n’avait jamais été simulé auparavant. Les auteurs ont réalisé des milliers de simulations de chacun des modèles pour la situation suivante : un item était présenté lors de trois occurrences -ce qui correspond à deux IIR successifs de durées variables- puis testé après un certain délai de rétention (DR). La durée totale entre P1 et P3 n’était pas fixée. Les DR étaient compris entre 10 secondes et 300 jours, et les auteurs faisaient varier aléatoirement les paramètres libres des modèles. Pour un DR donné, le modèle donnait en réponse les durées du premier et du second IIR qui produisaient la meilleure performance de rappel final. De façon intéressante, les deux modèles faisaient des prédictions robustes mais contradictoires concernant l’agencement optimal. Les résultats sont présentés dans la Figure 7, avec les prédictions du modèle de Pavlik et Anderson en haut et celles du modèle de Mozer et al. en bas. Les graphes présentent, en fonction du DR en abscisses, la proportion des simulations qui concluaient que l’agencement uniforme (en bleu), expansif (en vert), ou contractant (en rouge) était l’agencement optimal. Le modèle de Pavlik et Anderson prédisait toujours qu’un agencement contractant était le plus efficace. Le modèle de Mozer et al. faisait des prédictions différentes qui, d’une part, contredisaient celles du modèle de Pavlik et Anderson, et, d’autre part, variaient selon la durée du DR. Au fur et à mesure de l’allongement du DR, la proportion des prédictions qui donnaient l’avantage à l’agencement expansif augmentait tandis que la proportion des prédictions qui donnaient l’avantage à l’agencement uniforme diminuait. Les prédictions en faveur de l’agencement contractant restaient relativement faibles. Ainsi, selon les prédictions du modèle, l’agencement expansif était supposé devenir de plus en plus avantageux avec l’augmentation du DR. Or, les rares données empiriques existantes sur l’effet de l’agencement (e.g., Landauer & Bjork, 1978 ; Tsai, 1927) ont observé que l’agencement contractant était le moins favorable des trois agencements ; ces résultats vont donc à l’encontre de ceux du modèle de Pavlik et Anderson, et dans le sens du modèle de Mozer et al. (2009). Par ailleurs, les simulations ont prédit que lorsque le DR augmente, les durées des IIR optimaux augmentent également, ce qui est cohérent avec les données empiriques existantes (e.g., Cepeda et al., 2008).

Figure 7 : Reproduction des résultats des simulations réalisées par Lindsey et al. (2009) du modèle de Pavlik et Anderson (2005, en haut), et de Mozer et al. (2009, en bas). En abscisses est représenté le délai de rétention (RI) en jours. En ordonnées est représenté le pourcentage relatif des simulations révélant l’avantage d’un agencement particulier (uniforme en bleu, expansif en vert, contractant en rouge).

Les éléments présentés dans cette section montrent bien que la modélisation mathématique se révèle un outil intéressant pour étudier les effets de la répétition d’une information sur la mémorisation, dans la mesure où on peut apporter des arguments en faveur d’une théorie en confrontant les prédictions a priori du modèle aux résultats empiriques observés à posteriori. En l’occurrence, le modèle de Mozer et al. (2009) semble le plus abouti car ses prédictions sur les résultats de Cepeda et al. (2008 ; 2009) -qui sont les plus écologiques en terme de durée des intervalles- étaient très fiables. Il est très intéressant pour notre problématique de l’agencement temporel des répétitions à long terme d’analyser les prédictions faites par le modèle de Mozer et al. Aujourd’hui, aucune étude à notre connaissance, ni à celle des auteurs, n’a montré d’interaction entre les effets de l’agencement temporel à long terme et la durée du DR ; il est intéressant d’observer que ce modèle prédit un avantage croissant de l’agencement expansif sur les autres lorsque le DR augmente.