3. 3. 3. Reconsolidation

En parallèle des processus de consolidation, d’autres types de processus peuvent potentiellement contribuer à l’avantage des IIR longs sur les IIR courts. En particulier, on peut s’intéresser à l’ensemble des processus à l’œuvre lors de la réactivation des représentations mnésiques durant P2. Il a été suggéré que le fait de réactiver une trace mnésique après une période de consolidation initie un processus de reconsolidation qui fournit une opportunité supplémentaire de consolidation (Alberini, 2005 ; Nader, Schafe, & LeDoux, 2000 ; Sara, 2000). De même que la consolidation, la reconsolidation fait l’objet de nombreuses publications actuellement dans le champ des neurosciences. La reconsolidation se définit comme le processus par lequel un souvenir déjà consolidé, lorsqu’il est réactivé, entre à nouveau dans un état instable pendant lequel il redevient sensible aux interférences, puis subit finalement une période de reconsolidation qui le fait revenir à un état stable.On appelle « reminder » l’événement qui déclenche la réactivation du souvenir et la phase de labilisation (ou fragilisation) des souvenirs.Il a été montré en effet que, chez l’animal, lorsqu’on réactivait un souvenir après qu’il ait été consolidé et qu’on injectait en même temps une substance bloquant la synthèse protéique, alors le souvenir disparaissait (e.g., Lattal & Abel, 2004). On empêcherait ainsi le processus de reconsolidation. La même injection sans que le souvenir soit réactivé auparavant ne modifiait pas le souvenir.

Des études s’intéressant à la reconsolidation des souvenirs épisodiques chez l’humain ont été menées ces dernières années (Forcato, Argibay, Pedreira, & Maldonado, 2009 ; Forcato et al., 2007 ; Forcato, Rodríguez, Pedreira, & Maldonado, 2010 ; Hupbach, Hardt, Gomez, & Nadel, 2008 ; Hupbach et al., 2007 ; Hupbach, Gomez, & Nadel, 2009) et ont montré que des souvenirs épisodiques pouvaient être perturbés si on les réactivait juste avant d’apprendre un nouveau matériel similaire. Par exemple, dans l’étude de Hupbach et al. (2007, Expérience 3), des étudiants devaient retenir des objets présentés dans un panier le jour 1. Le jour 3, certains d’entre eux recevaient un reminder tandis que les autres n’en recevaient pas. Le reminder consistait à mettre les participants en présence du panier en les incitant à se souvenir de ce qu’ils avaient fait le jour 1 sans toutefois mentionner les objets. Ensuite, tous les participants apprenaient un deuxième ensemble d’objets, différent de ceux du jour 1. Les souvenirs des objets présentés le jour 1 étaient testés le jour 5. Les sujets ayant reçu le reminder ont introduit des items appris le jour 3 dans le rappel des items du jour 1, contrairement aux sujets n’ayant pas reçu le reminder. (Toutefois, la présence du reminder n’influençait pas le taux de bonnes réponses des items appris le jour 1). Cette expérience suggère donc que, le jour 3, le reminder a rendu instables les souvenirs du jour 1, et ainsi les traces des items du jour 3 ont pu s’intégrer aux traces des items du jour 1. Quand il n’y avait pas de reminder, les traces des items appris les jours 1 et 3 coexistaient simplement en mémoire. De façon intéressante, l’Expérience 2 a montré que lorsque le test final avait lieu le jour 3, juste après l’apprentissage de la deuxième liste, cet effet d’interférence n’était pas observé. Ainsi le processus de reconsolidation, en l’occurrence l’intégration des traces du second épisode aux traces du premier épisode, semble nécessiter du temps pour se mettre en place et ne s’observe pas immédiatement. D’autre part, Forcato et al. (2007) ont montré que le désavantage dû à la reconsolidation ne pouvait se produire que si les items interférents apparaissaient dans une certaine fenêtre temporelle après l’apparition du reminder. Ils ont en effet montré qu’un intervalle de 5 minutes ou de 6 heures entre le reminder et la présentation des items interférents perturbait le souvenir des items initiaux alors qu’un intervalle de 10h ne le perturbait plus. Il existerait donc une fenêtre temporelle de plusieurs heures pendant laquelle le souvenir réactivé serait labile, mais suite à cette fenêtre temporelle le souvenir ne serait plus sensible à la perturbation et pourrait subir le processus de reconsolidation.

Ces observations laissent penser que l’apprentissage avec un long IIR est plus avantageux qu’avec un court IIR car un phénomène de reconsolidation (non perturbée) se produit au moment de P2 uniquement dans le cas du long IIR. En 2009, Hupbach et al. se sont interrogés sur l’origine des interférences en répliquant le même type d’expérience qu’en 2007. Il s’est avéré que les participants ayant été mis en présence du reminder attribuaient par erreur des objets vus le jour 3 à la liste des objets vus le jour 1, mais pas l’inverse. Les auteurs, ainsi que les résultats d’autres études, suggèrent que le reminder sert à réactiver le souvenir initial afin de le mettre à jour en y ajoutant des informations nouvelles plus pertinentes. Cette hypothèse a le mérite de montrer en quoi un processus qui rend instable des souvenirs auparavant stabilisés a une utilité pour l’individu.

Ainsi, d’une façon générale, les études sur la reconsolidation suggèrent que la réactivation suite à une période de consolidation mènerait à des processus de réorganisation des traces mnésiques qui aboutiraient à l’amélioration mnésique, ce qui ne serait pas le cas lorsque la réactivation survient trop précocement.