Causes potentielles de la différence de résultats entre les Expériences 1 et 2

Cette différence inattendue de résultats entre les deux expériences peut être due à de nombreux facteurs. L’interprétation la plus simple de cette différence est la suivante : la condition d’agencement uniforme est passée d’un niveau ‘faible’ (5.50 sur 8) à un niveau ‘élevé’ (6.08 sur 8) lors du passage de l’Expérience 1 à l’Expérience 2, les autres agencements ne présentant pas d’évolution.

Premièrement, il est possible que certains participants de l’Expérience 1 n’aient pas réalisé leurs sessions d’apprentissage dans les meilleures conditions. Il est possible par exemple que pour des raisons de manque de temps ou par baisse de motivation, certaines sessions aient été réalisées plus rapidement ou avec moins de sérieux. Cependant, il n’y a pas de raison évidente pour laquelle l’agencement uniforme en ait été plus affecté que les autres agencements.

Deuxièmement, une meilleure procédure de contrôle des effets de primauté et de récence a été mise en œuvre dans l’Expérience 2 par rapport à l’Expérience 1. Cependant, l’observation des positions sérielles respectives des items (voir l’Annexe n°5) dans les sessions d’apprentissage, en fonction des différents agencements, ne révèle pas de défaut flagrant qui nous aurait échappé pendant la constitution des listes dans l’Expérience 1. De nouveau, il n’y a pas de raison évidente pour laquelle l’agencement uniforme ait été plus affecté que les autres agencements par ces éventuelles différences.

Troisièmement, certaines différences de procédure existant entre les deux expériences pourraient expliquer les différences de résultats. Tout d’abord, les temps de présentation des paires en phase d’apprentissage étaient soumis à des contraintes différentes dans les deux cas. Dans l’Expérience 1, ils dépendaient des participants puisque ceux-ci décidaient eux-mêmes de passer de paire en paire, tandis que, dans l’Expérience 2, ils étaient fixés à 30 secondes. On ne peut pas exclure que les participants aient géré le temps imparti de manière différente dans les deux expériences. On peut imaginer par exemple que dans l’Expérience 1, le participant déclenchait le passage à la paire suivante si et seulement s’il avait l’impression qu’il était arrivé au maximum de son apprentissage. A contrario, on peut imaginer que, dans l’Expérience 2, les 30 secondes allouées à chaque paire étaient investies au maximum par le participant, menant à deux situations : 1) son apprentissage pouvait être perçu comme non terminé au bout des 30 secondes, et il était forcé de passer à la paire suivante, ou 2) l’apprentissage de la paire pouvait être perçu comme terminé avant les 30 secondes et il profitait du temps restant pour ‘réviser’ les paires apprises précédemment dans la session. Cependant, et de nouveau, il n’y a pas de raison évidente pour laquelle l’agencement uniforme ait été plus affecté par ces stratégies que les autres agencements.

D’autre part, les modalités de réponse lors de la tâche de rappel indicé étaient elles aussi soumises à des contraintes différentes. Les réponses étaient données oralement dans l’Expérience 1, alors qu’elles étaient écrites dans l’Expérience 2. Cette différence seule ne nous semble pas pouvoir être responsable de la différence de résultats observés dans les deux expériences. De la même façon, dans l’Expérience 1, aucune limite de temps n’était imposée, mais les participants devaient répondre le plus vite possible. Dans l’Expérience 2, l’item n’était présenté que pendant 10 secondes et un signal sonore forçait le sujet à tourner la page de son carnet sans retour en arrière possible. De nouveau, cette explication ne nous semble pas pertinente pour expliquer pourquoi, en condition de temps de réponse limitée (Expérience 2), les items de l’agencement uniforme et eux seuls étaient mieux rappelés qu’en condition de temps illimité (Expérience 1). Cette explication pourrait être logique dans le cas contraire, mais pas dans celui-ci.

Une piste plus probable est liée à l’introduction de la tâche de reconnaissance pendant la phase d’apprentissage dans l’Expérience 2. Suite aux 30 secondes de présentation de chacune des paires, les participants devaient juger si la paire présentée avait déjà été rencontrée précédemment. Cette consigne explicite incitant les participants à se demander si les occurrences d’items étaient des répétitions n’était pas donnée dans l’Expérience 1. Ainsi, dans l’Expérience 2, le fait d’insister explicitement sur la reconnaissance des paires a peut-être favorisé les processus de récupération en phase d’étude, par rapport à l’Expérience 1. Peut-être que les participants, pour répondre à cette tâche, ont davantage « sondé » leur mémoire pour tenter de se souvenir des moyens mnémotechniques éventuellement mis en œuvre lors d’une occurrence précédente. Or, c’est justement pour l’agencement uniforme que cette différence aurait pu jouer de la façon la plus prégnante. En effet, on peut supposer que au bout de 24h, c’est-à-dire lors de P2 dans l’agencement expansif, la reconnaissance des items répétés était facile et évidente, et ce dans les deux expériences. À l’inverse, on peut supposer que au bout de 72h, c’est-à-dire lors de P2 dans l’agencement contractant, la reconnaissance des items répétés était difficile et moins probable, et ce, dans les deux expériences. A mi-chemin entre ces deux situations, la reconnaissance des items répétés au bout de 48h, c’est-à-dire lors de P2 dans l’agencement uniforme, était probablement de difficulté intermédiaire ; c’est peut-être spécifiquement sur ces items-là que le fait d’inciter les participants à se souvenir d’anciennes occurrences a pu jouer un rôle favorisant la récupération en phase d’étude, et par conséquent, des performances finales plus élevées. Ainsi, les résultats de l’Expérience 2 étaient possiblement « contaminés » par la tâche de reconnaissance, que nous souhaitions pourtant ne pas constituer d’interférence avec l’apprentissage.