Différence de taux d’oubli entre les différents agencements

Afin de mieux se représenter les taux d’oubli induits par chacun des agencements, nous avons transformé la Figure 19 en représentant le délai de rétention en abscisses, et les différents agencements par différentes courbes. La Figure 24 présente ces données. Chaque courbe représente les niveaux de rétention pour un agencement donné au fur et à mesure du passage du temps pendant le DR.

Figure 24 : Résultats de l’Expérience 3 avec en ordonnées le nombre de bonnes réponses et en abscisses le délai de rétention, en fonction de l’agencement temporel (couleur de la courbe).

La Figure 24 permet de visualiser que la courbe de rétention la plus plate est globalement celle de l’agencement expansif, puisque les diminutions de scores entre J15 et J26 sont de 2.33, 1.88, et 2.78, respectivement pour les agencements uniforme, expansif, et contractant. On remarquera que l’on n’observe pas la forme habituelle de la courbe d’oubli ; au lieu d’être fortement décroissante au début du DR puis de moins en moins fortement décroissante (e.g., Wixted & Ebbesen, 1991), la courbe est initialement relativement plate entre J15 et J19 puis diminue plus fortement ensuite. En toute logique, cette « anomalie » est due au fait que, globalement, les groupes de participants (J15, J19, et J26) n’étaient pas complètement équivalents. Une autre anomalie, due probablement à la même raison que la précédente, est l’augmentation de la performance entre J15 et J19 pour l’agencement expansif seul. D’autre part, comme seulement trois points sur cette courbe de rétention sont disponibles, il est difficile de comparer les pentes des agencements entre elles. Selon l’intervalle considéré, ce n’est pas toujours le même agencement qui produit la courbe la plus plate. Par exemple, entre J15 et J19, ce sont les items de l’agencement expansif qui étaient les moins oubliés (augmentation de 0.14), tandis qu’entre J19 et J26, ce sont ceux de l’agencement uniforme qui était les moins oubliés (diminution de 1.80). L’agencement contractant présente le taux d’oubli le plus important quand on le considère d’une façon générale (diminution de 2.78 entre J15 et J26).

Nous pensons que la théorie de la remémoration récursive, telle que développée chez Hintzman (2004 ; 2010) et Benjamin et Tullis (2010) pourrait expliquer ces résultats : la récupération en phase d’étude pourrait permettre non seulement de faire augmenter la rétention finale des items, mais également de ralentir leur taux d’oubli. Nous développerons ce point dans la discussion générale, à la section 6.2.2.

Il aurait été intéressant, du point de vue de cette théorie, de tester la reconnaissance des paires pendant la phase d’apprentissage et en particulier lors de P2. Il est probable que des différences très importantes de taux de reconnaissance soient apparues entre les agencements à P2, étant donné les longs IIR employés dans cette expérience. Il est possible également que toutes les paires ne soient pas reconnues lors de P3, contrairement à l’Expérience 2.

D’une façon générale, et de façon intéressante, les résultats sont apparues cohérents avec les prédictions du modèle de Mozer et al. (2009), décrites dans Lindsey et al. (2009). Or ce modèle simule une combinaison des hypothèses de la variabilité de l’encodage et de la récupération en phase d’étude. Cette expérience apporte donc indirectement des arguments expérimentaux en faveur d’un modèle mixte.

Il est nécessaire de rappeler ici que ces courbes ne sont pas réellement des courbes de rétention dans la mesure où des sujets différents appartiennent aux trois groupes de sujets (J15, J19, J26). En effet, pour pouvoir déterminer correctement des courbes et des taux d’oubli, la procédure adaptée est de tester à différents intervalles un sous-ensemble du matériel expérimental pour un même sujet (comme l’ont fait par exemple Litman & Davachi, 2008). Il est nécessaire pour confirmer ces observations, qui ne font que suggérer des pentes d’oubli différentes, de répliquer ces résultats avec une méthode appropriée. Toutefois, le fait de tester chaque participant plusieurs fois sur un sous-ensemble du matériel augmente la difficulté du protocole, puisque les participants doivent alors se rendre disponibles pour des sessions supplémentaires de test.