Considérations sur la théorie de la variabilité de l’encodage

Nos réflexions sur la théorie de la variabilité de l’encodage nous ont amenée à nous interroger en profondeur sur cette théorie, nous amenant à constater qu’il peut exister différentes formulations des hypothèses induites par la notion de variabilité de l’encodage. Nous dénombrons trois d’entre elles, qui se distinguent par les phénomènes en jeu lors de la répétition. Ces trois formulations ne font pas l’objet, à notre connaissance, de distinction particulière dans la littérature.

Premièrement, on peut considérer qu’entre les deux groupes expérimentaux de la présente expérience, un nombre différent d’éléments ou de composants sont actifs en mémoire lors de P2, et composent le contexte mental (mental set, Smith, 1995). Dans le groupe fluctuation forte, les participants viennent d’être confrontés à différents lieux, diverses interactions, plusieurs types d’informations (métiers, chiffres), des éléments musicaux, tandis que dans le groupe fluctuation faible, les participants viennent d’être confrontés à un plus petit nombre de lieux, de type d’information, etc. Or, les éléments de ce contexte mental plus ou moins latent pourraient être encodés dans les traces mnésiques associées aux éléments focaux, rendant les traces plus riches dans le groupe fluctuation forte que dans le groupe fluctuation faible.

Deuxièmement, le fait de réaliser un plus ou moins grand nombre d’activités variées entre P1 et P2 a pour conséquence de faire en sorte que l’état psychologique lors de P2 est de nature plus ou moins différente de celui de P1. On peut citer par exemple le niveau d’anxiété, la sensation de bien-être, le niveau d’arousal, la valence émotionnelle, la faim, etc. Ces éléments qui constituent le contexte mental pourraient être encodés dans les traces mnésiques associées aux éléments focaux, rendant les traces plus riches dans le groupe fluctuation forte que dans le groupe fluctuation faible.

Ces deux premières interprétations ne sont pas mutuellement exclusives, et sont davantage reflétées dans les articles récents sur l’effet de pratique distribuée (e.g., Cepeda et al., 2006).

Troisièmement, la façon d’encoder les informations est influencée par le contexte mental instancié au moment de l’encodage. C’est par conséquent la façon d’encoder l’élément cible, et non pas les composants associés à l’élément cible, qui va varier entre P1 et P2 d’une façon plus ou moins importante. Par exemple, si la personne est d’humeur joyeuse elle va formuler des stratégies mnémotechniques évoquant davantage des caractéristiques positives, qu’une personne d’humeur triste. Ainsi, selon l’hypothèse de la variabilité de l’encodage, en condition de fluctuation faible, l’encodage va être similaire à P1 puisque l’état mental n’aura pas beaucoup fluctué (encodage de type A lors de P1 et de type A lors de P2), tandis qu’en condition de fluctuation importante, l’encodage va être différent de P1 (encodage de type A lors de P1 et de type B lors de P2). Cette conception est proche des conceptions développées par Bower (1972).

Ces trois conceptions s’appliquent également à l’effet de la pratique distribuée, et nécessitent d’être testées expérimentalement. Selon que telle ou telle conception soit correcte, des recommandations différentes pourront être faites pour favoriser l’apprentissage et la rétention finale.