6. 1. Synthèse des résultats

Les expériences présentées dans le présent travail ont permis de répliquer, suite aux travaux de Tsai (1927), Cull (2000) et Gay (1973), que l’effet de l’agencement temporel des répétitions sur plusieurs jours sur la rétention ultérieure correspond à une réalité, du moins pour le type de matériel et pour les agencements particuliers utilisés ici. Nous avons mis en évidence que l’agencement de type expansif était en général associé à de meilleures performances de rappel indicé que les agencements de type uniforme et contractant. Parfois l’effet de l’agencement n’était pas significatif, comme dans l’Expérience 3 lorsque le délai de rétention (DR) était court ; parfois il n’y avait pas de différence significative entre les agencements expansif et uniforme, comme dans l’Expérience 2. Dans les autres cas, l’agencement expansif était significativement plus efficace que les agencements uniforme et contractant. Ainsi, nos observations vont dans le sens des prédictions intuitives selon lesquelles il est efficace de faire des révisions fréquentes en début d’apprentissage puis que l’on peut ensuite se permettre d’attendre plus longtemps pour réviser (e.g., Lyon, 1914).

Le fait d’avoir observé des résultats significatifs dans ces expériences est un signe, selon nous, de la robustesse des effets observés : malgré tout le « bruit expérimental », l’avantage de l’agencement expansif a pu être montré. En effet, les expériences ont été réalisées dans des conditions relativement écologiques, puisque la nature du paradigme employé faisait en sorte que l’expérience était intégrée dans la « vie de tous les jours » des participants. Entre les sessions expérimentales, les participants étaient confrontés à un nombre très important d’informations, vivaient des événements, des périodes d’effort intellectuel et physique, des périodes de repos et de sommeil, des expériences émotionnelles variées, tout ces événements étant évidemment incontrôlables. Ainsi, bien que les sessions expérimentales elles-mêmes aient bénéficié d’un important contrôle expérimental, de nombreux éléments se produisant dans la vie des sujets a pu influencer et interférer avec les processus d’apprentissage et de rétention tout au long de la période expérimentale. Malgré tous ces effets potentiellement parasites, l’effet s’est révélé significatif ce qui est la preuve, selon nous, de la validité externe du phénomène.

Nos études utilisaient un protocole dans lequel l’agencement temporel était un facteur intra-sujets, et nous avons globalement répliqué les résultats des études de Tsai (1927) et Gay (1973) dans lesquelles le facteur agencement était un facteur inter-sujets. Le fait d’obtenir des résultats similaires en utilisant des protocoles différents renforce également l’idée de la réalité du caractère optimal de l’agencement expansif.

L’apport novateur du présent travail est d’avoir montré que l’effet de l’agencement temporel pouvait être modulé par le DR. En effet, dans l’Expérience 3, bien que les trois agencements aient été associés à des performances similaires peu après la fin de la phase d’apprentissage (i.e., J15), l’avantage de l’agencement expansif ne s’est révélé significatif que progressivement au fur et à mesure de l’allongement du DR (i.e., J19 et J26). Cette observation suggère que l’agencement expansif était associé à un taux d’oubli plus faible que les deux autres agencements. Dans la section suivante (6.2) nous nous attacherons à mettre ces résultats en lien avec les théories existantes relatives à la pratique distribuée.

Il est également important de mentionner que nous avons mis en évidence des effets de l’agencement temporel opposés à ceux observés sur une courte échelle de temps. En effet, lorsque des items sont répétés sur une échelle temporelle de quelques minutes (e.g., Balota et al., 2006 ; Karpicke & Roediger, 2007 ; Logan & Balota, 2008), il a été montré que l’agencement de type expansif est parfois le plus efficace lorsque le DR est court, mais est toujours le moins efficace lorsque le DR augmente. Nous développerons cette question dans la section 6.4.

Dans la section 6.3, nous discuterons de la notion de taux d’oubli, notion qui nous semble mériter d’être approfondie et davantage considérée. Dans la section 6.5, nous discuterons également de la question de la généralisation de nos résultats.