6. 2. 3. Autres théories

Les résultats observés dans nos expériences nous apportent assez peu d’éléments pour discuter des autres théories rendant compte de l’effet de pratique distribuée.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’hypothèse de traitement déficitaire (section 2.4), il semble peu probable qu’après des IIR de 24 h ou plus, des effets d’amorçage influencent les traitements réalisés par les sujets sur les items (voir cependant Tulving, Hayman, & Macdonald, 1991, pour l’existence d’effets d’amorçage à long terme). De plus, une hypothèse basée sur le fait que les effets d’amorçage sont délétères à la rétention finale devrait être en faveur des agencements pour lesquels les IIR sont les plus longs ; or l’intervalle moyen des IIR est identique dans les différents agencements. Si on se focalise uniquement sur le premier intervalle, alors l’agencement de type contractant devrait être le moins impacté par les effets d’amorçage. En toute logique, des effets de plus grande amplitude, comme les effets de récupération en phase d’étude, devraient surpasser les conséquences d’éventuels effets d’amorçage.

Concernant les hypothèses de l’accessibilité et de la reconstruction, dans la mesure où l’apprentissage a consisté en de simples répétitions des items, et non en des tests, il semble difficile de parler de reconstruction. Cependant, il est envisageable que l’accessibilité des souvenirs, c’est-à-dire la difficulté avec laquelle s’est produit la récupération des souvenirs, ait eu une influence sur les propriétés de la trace récupérée et enrichie. Ainsi, plus le souvenir est lointain (i.e., long IIR), plus la trace serait difficile à récupérer, mais plus l’impact de cette récupération serait fort pour la rétention ultérieure de l’item. Ces considérations pourraient servir à développer la théorie de la récupération en phase d’étude, c’est d’ailleurs ce que font Benjamin et Tullis (2010) dans leur proposition de modèle de remémoration récursive.

Les hypothèses mettant en avant les processus métacognitifs (e.g., Bahrick & Hall, 2005) postulent que de longs IIR favoriseraient chez le sujet le réajustement des stratégies d’apprentissage des items, contrairement aux courts IIR qui le favoriseraient moins. De tels phénomènes volontaires d’amélioration de la stratégie d’apprentissage ont probablement eu lieu lors des sessions chez les sujets ; on peut imaginer le genre de monologue intérieur suivant : « Je me souviens avoir vu cette paire auparavant, mais je ne me souviens plus du moyen mnémotechnique utilisé, je vais donc devoir en trouver un nouveau ». Cependant, il n’est pas évident de décrire comment ceux-ci auraient pu, à eux seuls, expliquer la différence entre les agencements temporels.

Au regard des effets qu’ont pu avoir les épisodes de sommeil sur les résultats, peu d’éléments peuvent être discutés étant donné que, dans tous les cas, au moins une nuit de sommeil était intercalée entre deux répétitions successives, et ce dans tous les agencements. De plus, plusieurs nuits de sommeil se produisaient pendant le DR. Ainsi, bien que le sommeil ait eu un rôle très probable dans les processus de consolidation mnésique des items appris, il est très difficile de prédire comment le sommeil pourrait expliquer à lui seul les effets de l’agencement temporel.