2. L’environnement de la plaine de Persépolis

2.1. La plaine de Persépolis dans l’environnement du Proche-Orient

Dans l’imaginaire occidental, les paysages proche-orientaux correspondent généralement à de vastes étendues désertiques au milieu desquelles percent quelques ruines antiques et de rares oasis. Cette image a souvent été véhiculée, à leur insu, par les archéologues eux-mêmes alors qu’au cours du XIXe siècle ils mettaient à jour de grands sites archéologiques, en Egypte ou en Mésopotamie, où les fouilleurs ont fait ressurgir un passé, forcément glorieux, du néant40. Il est vrai que le Proche Orient offre des terrains d’études privilégiés pour les archéologues. Pour la plupart, ces régions sont situées à la marge de vastes domaines désertiques ou steppiques où l’occupation humaine sédentaire est précaire et peut être remise en cause assez rapidement du fait de dégradations, même minimes, des équilibres environnementaux. Des régions entières ont pu ainsi être abandonnées rapidement et donc des paysages qui avaient été façonnés par l’Homme se retrouvent en quelque sorte fossilisés. Les dynamiques d’érosion et les recouvrements sédimentaires étant très limités, les archéologues peuvent alors retrouver et étudier les traces presque intactes des civilisations passées. Cet état de fait est frappant par rapport au monde occidental, de climat tempéré, où ce type de milieu est presque absent. Les sites archéologiques se limitent donc souvent à quelques arases de murs, les élévations ayant été le plus souvent remployées, arasées par les labours ou encore érodées.

Néanmoins le Proche Orient présente une grande variété de milieux, parmi lesquels les zones désertiques ou semi-désertiques ne sont qu’une des composantes. L’occupation humaine s’est essentiellement développée dans des régions au climat plus tempéré, présentant des potentialités agricoles fortes. Depuis le Néolithique jusqu’à aujourd’hui, ces régions ont pu connaître une occupation intensive et continue qui a impliqué une évolution permanente des paysages. L’empreinte de l’Homme est souvent très importante, la succession de phases d’occupation ayant pour conséquence une évolution profonde des paysages. L’équilibre entre l’Homme et son environnement est parfois difficile à trouver : les deux sphères interagissant étroitement, les dynamiques environnementales entraînent de nouvelles stratégies d’adaptation alors que l’occupation humaine transforme les écosystèmes. A cela s’ajoute la capacité organisationnelle et culturelle d’une société à se conformer aux exigences de son milieu41. Les paysages orientaux possèdent donc une histoire longue et complexe avec laquelle il faut composer pour tenter de restituer un paysage à une époque donnée. L’étude archéologique de ces régions doit, comme en Occident, prendre en compte les dynamiques actuelles, qui ont pu se mettre en place à des époques plus anciennes. La croissance économique et démographique du siècle dernier accentuant fortement l’empreinte de l’Homme sur son environnement, une étude des mécanismes de l’occupation actuelle et de ses conséquences sur l’environnement est également essentielle pour analyser un paysage actuel parfois complètement transformé.

L’Iran est un bon exemple de cette variabilité des milieux proche et moyen orientaux. A l’intérieur de ses frontières actuelles, on rencontre une grande variété de types de climats42 :de tempéré vers la mer Caspienne à désertique au centre de l’Iran en passant par subtropical le long du Golfe Persique. Le relief joue un rôle primordial dans la définition des différentes zones climatiques, les massifs influencent fortement les circulations des masses d’air, donc les régimes de précipitations, les variations d’altitude quant à elles influencent les températures. Le paysage de l’Iran est majoritairement montagnard. Des reliefs élevés s’étendent depuis l’Alborz au nord jusqu’au contrefort du Makran à l’est en englobant tout le Zagros, ils entourent le haut-plateau iranien désertique qui occupe le centre du pays. L’environnement montagnard est souvent très rude, majoritairement aride43 à semi-aride44. Les écarts entre les températures diurnes et nocturnes sont importants, de plus les pluies sont irrégulières, parfois torrentielles, et concentrées sur la saison hivernale. Ce domaine montagnard connaît cependant de fortes variabilités, parfois très locales, qui permettront à l’Homme de s’implanter de manière durable. Les massifs montagneux sont également d’importants réservoirs d’eau et sont parcourus par des rivières pérennes qui circulent entre les reliefs au sein de bassin alluviaux propices à l’agriculture. C’est dans un tel contexte que s’inscrit la plaine de Persépolis, environnement fertile au sein des montagnes semi-arides du Zagros méridional (Pl. 1).

Notes
40.

A titre d’exemple Dieulafoy 1913 : 1 « Quand on s’éloigne de Dizfoul et que l’on se dirige vers le Sud, on voit bientôt émerger de la plaine déserte une sorte de montagne que termine au sommet un plateau horizontal. C’est là Kaleh-è Chous, l’acropole de Suse que la fosse de Daniel, le triomphe d’Esther et les campagnes d’Alexandre ont rendue célèbre ».

41.

Sanlaville 2000 : 186 ; Wilkinson 2003 : 3

42.

Zohary 1973

43.

Précipitations saisonnières inférieures à 150 mm/an

44.

Précipitations saisonnières comprises entre 150 et 500 mm/an