2.2.3.2.1. La qualité des sols au nord de la plaine de Persépolis

Bien que les données pédologiques soient anciennes, il paraît intéressant, dans le cadre de notre étude archéologique, de détailler les différents types de sols cartographiés avant la mise en route du projet d’irrigation lié au barrage. La construction du barrage a en effet impliqué une refonte presque totale du paysage au nord de la plaine88, les études effectuées avant la mise en eau du barrage présentent donc une réalité pédologique moins altérée. La carte (Pl. 5) et les descriptions des sols seront essentiellement tirées d’un rapport rédigé par des ingénieurs américains concernant la faisabilité du projet de barrage à Dorudzan89. Ce barrage étant construit dans le but de développer un vaste réseau d’irrigation, le rapport comporte également une partie prospective concernant les incidences sur la production agricole. Ainsi, de façon à estimer les surfaces à irriguer, une étude pédologique détaillée a été effectuée.

Dans la plaine, quatre grandes catégories de sol ont été identifiées90 : les solonchaks (terrain présentant de fortes salinités du fait de la présence de nappes phréatiques affleurantes), les sols à gley (formés dans un contexte de saturation en eau des couches superficielles par la nappe phréatique), les sols alluviaux (variétés de composition allant de limono-argileux à sablo-argileux), les sols bruns (à dominante de limon). Les deux premiers types de sols possèdent des qualités agricoles nulles à faibles alors que les deux derniers sont aptes, voire très bons, pour l’agriculture. Sur les solonchaks et les sols à gley poussent néanmoins une végétation rare mais suffisante pour pratiquer un pâturage extensif91. Les sols alluviaux et les sols bruns sont largement cultivés et peuvent produire annuellement, suivant le soin porté à l’irrigationdes parcelles, environ une tonne de blé à l’hectare. Une étude effectuée par l’administration de l’agriculture iranienne au début des années 1970 a permis de définir précisément la répartition de ces différents sols dans la partie occidentale de la plaine92 : 6% de solonchaks, 27% de sols à gley, 38% de sols alluviaux, 23% de sols bruns. Les 6% restant correspondent aux terrains montagneux situés sur les piedmonts des massifs. Ces données montrent que si les terres arables sont majoritaires, elles ne représentent toutefois que 61% de la surface de la plaine. L’étude américaine, limitée au nord de la plaine, donne quant à elle une proportion de 59% de terres arables. Donc, la proportion de terres cultivables se situe donc autour de 60%, les surfaces restantes devant être bonifiées ou drainées pour être exploitables93.

Pour améliorer l’évaluation de la qualité des sols, six classes de sols ont été définies et cartographiées en fonction de leur potentialité agricole94. Outre la catégorie de sol, cette classification prend en compte la possibilité d’irriguer ou de drainer les terrains. Le tableau descriptif des six classes de sol est associé à la carte des sols (Pl. 5). Des sous-classes ont également été définies de façon à préciser les éventuels problèmes95 que posent les sols pour l’agriculture, problèmes qui n’apparaissent qu’à partir de la classe 2. Globalement, les sols bruns et les sols alluviaux se retrouvent dans les trois premières classes et les sols à gley ou les solonchaks dans les classes 4 ou 5, la classe 6 correspondant aux massifs montagneux. La carte permet de visualiser la répartition spatiale de chacune des classes de sols, la sous-classification permettant d’illustrer que dans une même classe de sol, les terrains peuvent présenter des différences de qualité assez importantes. Si l’on prend l’ensemble des terres arables, soit 59% des terrains cartographiés au nord de la plaine, les sols de classe 1 ne représentent cependant que 220 ha, soit moins de 0,01% de l’ensemble. Les sols de classe 1 sont ceux qui ne présentent aucune difficulté concernant leur mise en culture. C’est donc presque la totalité des terres arables qui peut présenter des problèmes dans le cadre de leur mise en culture.

La répartition spatiale des classes de sols permet de constater que la moitié occidentale de la plaine présente une plus faible proportion de terres arables que la partie orientale (Pl. 5). Le long des massifs occidentaux se développent des zones marécageuses présentant de fortes teneurs en sel, elles sont liées à la présence d’importantes résurgences karstiques dans ces reliefs96 et à la très faible pente de la plaine dans ce secteur. Dans la région de Marvdasht et autour de Persépolis, les terrains sont généralement de classe 2 ce qui en fait des bons sols agricoles, la plupart présentant cependant des problèmes d’imperméabilité. Plus au sud, on remarque l’apparition d’une salinisation des sols et donc une dégradation de la qualité des sols, ce qui est un des problèmes majeur au sud de la plaine. Au sud, un secteur, localisé autour du village de Band-e Amir fait cependant exception, il comporte entre autre l’unique zone de terrains de classe 1. Cette région fait en effet l’objet depuis le 10e siècle97 (époque Bouyide) d’un travail important de drainage, de bonification des sols et de développement d’un réseau d’irrigation à partir d’un barrage construit en-travers du Kur. Enfin, concernant les terrains montagneux désignés par la lettre r et classés 6, ils ne sont cependant pas complètement impropres à l’agriculture et supportent actuellement sur les zones de piedmont des cultures fruitières, et plus rarement céréalières. Les différents reliefs constituent également d’importantes zones de pâturages pour l’élevage extensif.

Notes
88.

Cf.§ 2.6.3.1

89.

Justin & Courtney 1966

90.

ibid. : Appendix D

91.

ibid.: D5 estiment que ces types de terrains plantés avec du fourrage peuvent supporter 20 têtes de bétail par mois et par hectare.

92.

Résultats repris par Miller 1982 : 59-60

93.

Kortum 1976 : 34, un drainage forcé de terrain à gley peut permettre leur mise en culture avec des rendements à l’hectare légèrement en-dessous de ceux des types de sol plus fertiles ; en ce qui concerne les sols salés le drainage peut faire diminuer les teneurs en sels mais les terrains restent pauvres.

94.

Justin & Courtney 1966 : Appendix D-Annexure 1

95.

Problème de salinisation, terrains marécageux, terrains imperméables, cf. légende Pl. 5

96.

Cf. § 2.2.4.3

97.

Christensen 1993 : 168 ; cf. § 6.2.3.3