2.2.4. Hydrologie

2.2.4.1. Le Kur et ses affluents

La rivière Rud-e Kur constitue l’élément structurant de l’hydrographie de la plaine de Marvdasht. Elle possède un bassin versant d’environ 26000 km² (Pl. 3).Il s’agit d’une rivière pérenne dont la source, Chechmeh Safid, se trouve à environ 70 km à vol d’oiseau au nord de Marvdasht sur les pentes sud du massif de Kuh-e Sayid-Mohammad117. Elle coule ensuite en direction du nord-ouest puis, après 90 km, entame un coude à 180° en direction du sud-est pour ensuite, après 70 km, rejoindre la plaine de Marvdasht par les gorges du Tang-e Dorudzan (Pl. 2). Le tracé du Kur devient ensuite très méandreux alors qu’il arrive dans la plaine de Marvdasht du fait de sa faible pente. Au sud-est, la rivière se jette dans le lac Bakhtegan via un delta marécageux.

Le long de ses 300 km, le Kur est rejoint pas plusieurs affluents. Dans la plaine de Persépolis, la rivière est alimentée par deux affluents principaux présentant des débits moyens annuels comparables118, le Main qui rejoint le Kur au sud de la plaine d’Abarj et le Pulvar119, dont le confluent avec le Kur est situé à proximité de la pointe sud-est du Kuh-e Sabz, au sud-ouest de la ville de Marvdasht. Le Main prend sa source dans les montagnes situées au nord-est de Dorudzan et traverse la plaine de Abarj. Le Pulvar, le plus long des deux affluents, prend sa source à une centaine de kilomètres plus au nord de son confluent avec le Kur. Il traverse une succession de gorges et de bassins dont la plaine de Dasht-e Morghab, où a été fondée la capitale achéménide de Pasargades, puis il passe par les gorges du Tang-e Bolaghi et parcourt à nouveau deux autres plaines de plus petites tailles avant d’atteindre la plaine de Persépolis via la vallée du Tang-e Sivand.

Figure 2‑4 : Graphique et tableau des débits moyens mensuels (en million de m
Figure 2‑4 : Graphique et tableau des débits moyens mensuels (en million de m3) de la rivière Rud‑e Kur (calculés sur 15 ans entre 1950 et 1964) et des débits mensuels des deux années présentant les valeurs de débits extrêmes

Les données hydrologiques récentes du Kur sont difficilement accessibles et ne sont en tout cas pas publiées. Des séries d’enregistrements complets ont été récoltées dans les années 1950/1960 à une station mise en place dans le cadre des études préliminaires au projet de construction du barrage sur le Kur, construit en amont des gorges du Tang-e Dorudzan (Fig. 2-4). Ces données correspondent à la plus longue séquence en continue, sur quinze années du calendrier persan, de données hydrologiques disponibles sur le Kur, ceci pour la période antérieure à la construction du barrage. Elles reflètent donc les variations naturelles du régime de la rivière avant que celui-ci ne soit régulé par le barrage de Dorudzan.

Le régime de la rivière Kur connaît d’importantes fluctuations saisonnières et annuelles. Le tableau et le graphique (Fig. 2-4), construits à partir des moyennes sur quinze ans des débits mensuels, montrent clairement une augmentation du débit à la fin de l’hiver et au printemps, centrée sur les mois de mars et avril120. Cette période correspond à la fonte des neiges hivernales dans le bassin versant, majoritairement montagneux, du Kur. Ce régime est caractéristique des rivières pérennes de l’ouest et du centre du Plateau Iranien où la fonte des neiges accumulées durant l’hiver en haute montagne gonfle leur cours121 alors que les précipitations commencent à diminuer au début du printemps122. Une étude statistique portant sur les évolutions mensuelles des débits d’un grand nombre de rivières d’Iran, a cependant montré que le Kur, par rapport à d’autres cours d’eau situés au sud-ouest du Zagros ou plus à l’est, se rattachait à un groupe de rivières au débit assez stable en-dehors du pic de débit printanier123.

La seule prise en compte des moyennes de débit a néanmoins tendance à lisser les données et il est intéressant de considérer les années extrêmes. Ainsi les années 1954/1955 (1333 dans le calendrier persan) et 1963/1964 (1342) correspondent respectivement à l’année de plus fort et de plus bas débit. La courbe des moyennes mensuelles de l’année 1954/1955 présente un débit maximal au mois de décembre, il atteint plus de 400 millions de m3 en un mois, alors que le maximum printanier d’une année moyenne est de 132 millions de m3. Cette courbe témoigne d’un épisode de très fortes précipitations hivernales produisant un important gonflement de la rivière qui a provoqué d’importantes inondations. La courbe des moyennes mensuelles de l’année 1963/1964 présente quant à elle très peu de variations de débit entre les mois d’été et d’hiver, avec toutefois un léger pic au printemps. Ainsi, sur plus de six mois (du 22 mai au 21 novembre) le débit mensuel est inférieur au débit d’étiage d’une année moyenne, témoignant d’une année sèche où les précipitations ont dû être particulièrement faibles.

Les textes des géographes arabes ne semblent pas quant à eux évoquer de crues historiques pour la région de Persépolis, catastrophes qui peuvent parfois se retrouver durablement gravées dans la mémoire collective124. Des crues historiques sont cependant connues à Shiraz125 et, eu égard à leur proximité géographique, il est possible qu’elles aient également eu lieu dans le bassin du Kur, tout en considérant que les deux bassins hydrographiques sont différents. Seules les études menées récemment font explicitement référence à des crues de la rivière Kur, entre autre celles de l’année 1954/1955 où son débit a atteint 815 m3/s. D’après les habitants de la région, une plus forte crue se serait produite 17 ans auparavant126. Les études menées dans les années 1960 dans le cadre de la construction du barrage de Dorudzan, évoquent la récurrence des inondations qui surviennent tous les ans et détruisent ou bouchent les réseaux d’irrigation127. Les coupes stratigraphiques dans les terrasses de la rivière enregistrent également des épisodes de crues qui ont pu remanier des sédiments plus anciens et déposer des couches de sédiments alluviaux plus grossiers128. Il est donc possible que les populations passées de la plaine de Persépolis aient été confrontées à des épisodes de crues récurrentes contre lesquelles ils ont pu chercher à se prémunir par la construction de digue ou de barrages129.

Notes
117.

Les données hydrographiques des cours d’eau de la plaine sont essentiellement tirées de Kortum 1976 : 48-61 et Justin & Courtney 1968 : Appendix A

118.

Kortum 1976 : 51- tabelle 8 ; Ghassemi et al. 1995 : 358, si dans les deux cas les estimations de débit pour les deux affluents sont proches, elles présentent des différences d’évaluation du débit moyen annuel allant du simple au double, ceci s’expliquant probablement par l’étroitesse de l’intervalle de temps pris en compte.

119.

Cette rivière peut également porter le nom de Sivand.

120.

Données tirées de Kortum 1976 : 51-Tabelle 7

121.

Beaumont 1985 : 31- table2

122.

Cf. § 2.2.2.1

123.

Beaumont 1973

124.

Certains anciens villages de la région de Persépolis (entre autre dans le Tang-i Dorudzan) ont été construits en hauteur sur les piedmonts, le village moderne s’étant reconstruit dans la vallée. Il s’agit peut-être là d’une modification de l’occupation liée à la construction du barrage qui permet désormais de prévenir les fortes crues, les habitations modernes peuvent donc être construites dans la plaine. Avant la construction du barrage, le fait de construire les villages en hauteur représentait probablement la meilleure protection contre les destructions liées aux inondations.Le Strange cite cependant le Fars Nameh dans lequel le Kur est connu pour sa partie amont comme la « rivière rebelle » car il était impossible de la canaliser, cf. Le Strange 1905 : 277.

125.

Des crues sont survenues à Shiraz en 1688, au mois de janvier 1908 et au mois de mars 1910, d’après Melville 2001 : 43

126.

Justin & Courtney 1968 : chap.2-08

127.

ibid.

128.

Kehl et al 2009 : 69

129.

Cf. § 6.2.5.1