2.2.4.4. Les aquifères dans le bassin sédimentaire

Comme le montre la carte piézométrique des environs du site de Persépolis (Pl. 9), le niveau de la nappe phréatique est généralement assez proche de la surface. Son niveau supérieur est environ de 4 m à proximité de la terrasse de Persépolis, il diminue vers le sud pour atteindre 1 m aux environs de Band-e Amir. Ces données peuvent être généralisées à toute la plaine, le niveau piézométrique étant compris en moyenne entre 2 et 4 m, il peut cependant atteindre des profondeurs comprises entre 10 et 30 m dans des secteurs limités au sud-ouest du bassin170. La profondeur de la nappe phréatique peut également connaître de fortes variations saisonnières du fait de l’évaporation, cette évaporation étant plus importante dans les cas où la nappe est proche de la surface171. Les importantes réserves d’eau renfermées dans les couches sédimentaires du bassin sont donc aisément accessibles par le creusement de puits ou par des forages peu profonds.

Les données, exposées dans le paragraphe précédent, reflètent cependant une réalité remontant aux années 1960 à 1980172 ; l’intensification de l’agriculture, donc parallèlement de l’irrigation, a toutefois provoqué des changements rapides du niveau de la nappe et du volume des aquifères dans le bassin de la rivière Kur. Il n’existe pas de données hydrogéologiques récentes publiées à l’échelle de la plaine qui pourraient permettre de chiffrer ces évolutions. Cependant dans le cadre d’études agronomiques ou géomorphologiques menées aux alentours de Marvdasht, en liaison avec les processus de salinisation des sols, nous avons quelques indications sur les fluctuations récentes des nappes phréatiques.

Il existe par exemple de nombreux indices d’une baisse globale du niveau de la nappe. Au cours de nos prospections dans la plaine, les agriculteurs nous affirmaient que pour assurer l’irrigation de leurs champs, ils étaient amenés à pomper l’eau de plus en plus profondément, plusieurs dizaines de mètres, pour obtenir de l’eau de bonne qualité. Des publications hydrogéologiques récentes attestent d’une diminution générale des aquifères dans l’ensemble de l’Iran à cause d’un pompage excessif. A l’échelle du pays, l’exploitation des nappes phréatiques a été multipliée par 2,7 depuis les années 1960173 ce qui implique, au moins dans plus de 168 vallées agricoles iraniennes, une baisse moyenne de 1 m du niveau supérieur des nappes phréatiques174. Le déclin des aquifères semble directement corrélé à la prolifération des pompes motorisées, associées à des réseaux de canaux creusés à même le sol. Elles remplacent peu à peu les systèmes d’irrigation traditionnelle, tels que les qanats 175. La région de Persépolis n’échappe pas à ces constatations générales. A la faveur d’une enquête sociologique menée sur un village près de Dorudzan, l’augmentation du nombre de pompes diesels sur le territoire communal a été estimée à 122% sur une trentaine d’années176.

L’augmentation des surfaces cultivées et l’intensification de l’irrigation ont une seconde conséquence qui peut paraître paradoxale par rapport à la baisse générale du niveau piézométrique discutée précédemment. D’après des données obtenues entre 1971 et 1985177, les niveaux des nappes superficielles paraissent plus élevés. Cette élévation est artificiellement créée par l’infiltration des volumes croissants d’eau utilisés pour l’irrigation.

Le modèle hydrogéologique actuel du bassin sédimentaire de Persépolis peut donc être modélisé par la présence d’une nappe superficielle dont l’existence et le niveau dépend de l’intensité de l’irrigation ; d’une nappe plus profonde largement exploitée pour l’irrigation et dont le niveau baisse de manière régulière. Il semble qu’avant la mise en place d’une agriculture intensive et mécanisée dans la plaine, le niveau piézométrique de la nappe était généralement proche de la surface et facilement accessible. Des nappes phréatiques fossiles plus profondes pouvaient exister mais devaient être difficiles à exploitées.

Notes
170.

Nadji 1997 : 174 ; les estimations sont proches dans Kortum 1976 : 62 où l’auteur remarque, dans les années 1970, que les agriculteurs ne pompent pas à plus de 15m de profondeur ce qui doit représenter le niveau supérieur de la nappe la plus profonde.

171.

Kehl 2006 : 4 ; lors de carottages effectués au même endroit, au sud de la plaine vers Kerameh (Pl. 2), entre les mois d’avril et septembre 2001, le niveau de la nappe phréatique est passée de 3,5 m à 8 m, soit 4,5 m de différence entre le printemps et l’automne.

172.

La légende de la figure Kortum 1976 : Abb.6 cite deux sources qui ont servi à la mise au point de la carte reproduite ici, qui correspondent à des rapports officiels publiés en 1964-1965. Les chiffres qu’utilise Nadji 1997 sont en grande partie tirés d’un rapport non publié du ministère de l’énergie concernant les données hydrologiques du Fars entre les années 1971 et 1985.

173.

Ardakanian 2005 : 20

174.

Kehl 2006 : 3 ; cite des communications personnelles de chercheurs iraniens affirmant que le niveau général de la nappe baisse dans la partie sud de la plaine de Persépolis.

175.

Foltz 2002 : 364 sur le déclin récent des qanats sur le Plateau Iranien.

176.

Ajami 2005 : 329-Table 1, dans le village étudié le nombre de pompe diesel est passé de 27 à 60 entre 1967 et 2001.

177.

Nadji 1997 : 175