2.4.1. Le cadre général des changements environnementaux holocènes

2.4.1.1. Les variations climatiques holocènes à l’ouest de l’Iran et en Anatolie

Depuis la fin du dernier maximum glaciaire, l’ensemble du Proche Orient est marqué par d’importantes fluctuations climatiques qui ont été essentiellement étudiées à partir des archives sédimentaires et palynologiques214. Concernant la fin du Pléistocène, le scénario généralement admis correspond à l’existence, après une période marquée par un climat plus froid et plus sec, d’une période plus humide, particulièrement entre 12500 BP et 11000 BP. Cette amélioration est suivie par une pulsation climatique plus froide et plus sèche avant le radoucissement généralisé de l’interglaciaire Holocène215. L’ensemble de ces fluctuations fait l’objet de débats entre spécialistes suivant les spécificités des régions ou la nature des archives étudiées. Nous allons évoquer ici les discussions concernant les variations holocènes, depuis 10000 BP (VIIIe millénaire av. J.-C.).

Concernant les fluctuations climatiques en Iran au cours de la période Holocène, le principal point à éclaircir concerne l’apparition de l’optimum climatique holocène, plus humide et plus chaud, qui fait suite à la période froide et sèche de la fin du Pléistocène. Cet optimum holocène est assez bien documenté dans tout le Proche-Orient, aux alentours du Golfe Persique, en Egypte ou au Levant et se situerait entre 10000 et 7000 BP216. Cependant l’optimum holocène ne semble pas aussi marqué dans le domaine continental anatolien et iranien où la transition Pléistocène-Holocène ne correspond pas à une nette amélioration du climat. L’existence d’une phase post-glaciaire plus sèche en Iran est tout d’abord pressentie suite à des études stratigraphiques menées au nord du pays217. Par la suite, l’ensemble des données palynologiques obtenues sur des lacs situés à l’ouest de l’Iran (lacs Urmia, Zéribar et Mirabad, auxquels sont associées généralement les études effectuées sur le lac Van situé en Turquie à proximité de sa frontière avec l’Iran) confirment que le début de l’Holocène ne semble pas marqué par un climat très humide. Ainsi W. Van Zeist et S. Bottema affirment que si l’Holocène ancien correspond bien à une extension de la forêt dans les zones méridionales du Proche et Moyen Orient, l’intérieur des terres restaient recouvert par une végétation steppique218. Les variations de niveau des lacs semblent également traduire la présence d’un climat plus sec en Anatolie et en Iran que dans le reste du Proche Orient aux alentours de 9000 BP219. Cette région évolue donc vers une amélioration des conditions climatiques plus progressive au cours de l’Holocène220. Ce réchauffement est signalé par l’expansion maximale de la forêt qui n’est atteinte qu’aux alentours de 7000 BP en Anatolie221. Plus à l’est, elle est datée plutôt aux alentours de 6000 BP d’après les données palynologiques provenant du lac de Zeribar222. Des études isotopiques récentes menées sur les lacs de Zeribar223 et de Mirabad224 ont permis de montrer que l’optimum climatique, correspondant à un maximum de précipitations printanières, est à dater aux alentours de 5400 BP : le couvert forestier étant alors déjà à son maximum. Donc entre 7000 et 5000 BP, le centre de l’Iran a pu connaître des conditions climatiques favorables, des précipitations plus importantes et régulièrement réparties sur l’année ainsi que des températures plus clémentes.

Pour la seconde moitié de l’Holocène, les données sont plus lacunaires et ne permettent que très imparfaitement de retracer l’évolution récente du climat en Iran225. Cette période correspond de plus à l’avènement des grandes civilisations proche orientales dont le développement allait de pair avec une intensification de l’agriculture. A partir de l’Holocène récent, l’Homme va donc avoir un impact important sur l’environnement : les changements enregistrés dans les archives climatiques, en particulier les archives palynologiques lacustres, peuvant en grande partie lui être imputés. Les changements de végétation liés à des variations climatiques naturelles sont alors plus complexes à identifier. Des données isotopiques obtenues à l’ouest de l’Iran ont toutefois permis de montrer qu’après 5400 BP, le climat va se dégrader et le régime des précipitations s’inverser, ces dernières redevenant presque exclusivement hivernales226. Le millénaire suivant se caractérise alors dans les archives climatiques par une période plus sèche227. Aux alentours de 4000 BP228 d’après les données palynologiques, 4500 BP229 pour les données isotopiques, le climat et la végétation actuels sont en place. Des pulsations plus sèches auraient depuis pu affecter le climat aux alentours de 1500 BP et 500 BP230.

Concernant le Plateau Iranien, la première moitié de l’Holocène paraît donc plus sèche que l’ensemble de Proche-Orient, l’optimum climatique étant atteint plus tardivement. La seconde moitié de l’Holocène, à partir du IIe millénaire av. J.-C., correspond à la période de mise en place des conditions climatiques semi-arides actuelles. L’Holocène récent paraît également marqué par plusieurs épisodes de sécheresse accrue.

Notes
214.

Sanlaville 1997 ; plus particulièrement pour l’Iran Kehl 2009

215.

Sanlaville 1997

216.

Roberts & Wright 1993 ; Sanlaville 1997 ; Riehl et al 2009 : 160

217.

Bobek 1955 : 41-42, l’auteur place cette période entre 9000 et 4000 av.J.C.

218.

Zeist & Bottema 1991 : 125, Stevens et al. 2006 : 498 évoque même un climat généralement plus sec au début de l’Holocène suite à des études de carottes prélevées dans le lac de Mirabad.

219.

Roberts & Wright 1993 : 215

220.

ibid. : 217-fig. 9.18 étudient les dynamiques climatiques entre 9000 et 6000 BP tracent, sur une carte général du Proche-Orient, une limite passant par le sud de l’Anatolie, incluant l’Iran, au nord de laquelle le climat était certainement plus sec à la date de 9000 BP qu’à celle de 6000 BP, inversement au sud de cette ligne le début de l’Holocène devait être plus humide; Riehl et al 2009 : 155 note un décalage de 4500 ans entre le début de l’expansion du chêne entre les deux régions, celle-ci commençant aux alentours de 14000 BP dans le Levant, 9500 BP dans le Zagros ; enfin Kuzucuoglu 2007b : 468 estime que d’un point de vue général l’optimum climatique holocène intervient avec environ deux millénaires de retard dans les domaines continentaux d’Anatolie et du Zagros.

221.

Sanlaville 1997 : 256

222.

Zeist & Bottema 1991 : 55

223.

Stevens et al. 2001

224.

Stevens et al. 2006

225.

Kehl 2009 : 11

226.

Stevens et al. 2001

227.

Voir Kuzucuoglu 2007b pour une synthèse sur les évolutions du climat au cours du IIIe millénaire et la mise en place progressive d’un climat plus sec qu’à l’Holocène ancien.

228.

Zeist & Bottema 1991 : 125

229.

Stevens et al. 2001 : 754

230.

Stevens et al. 2006 : 499 ; Ramezani 2008 : 318