2.4.1.2. Impact de l’Homme sur la végétation naturelle à l’échelle de l’Iran

Si dans certaines régions, de manière ponctuelle, la domestication des plantes a commencé dès la fin du Pléistocène (plus particulièrement lors du Dryas récent), l’amélioration climatique holocène rend possible une montée en puissance de l’agriculture au Proche Orient231, accompagnée plus tardivement, entre 10000 et 8000 BP, de la domestication232. Le passage à des stratégies de subsistance basées sur l’agriculture et l’élevage va impliquer de profonds changements de l’environnement liés à son exploitation croissante par l’Homme, qui dès lors va largement participer à l’évolution des paysages. L’action de l’Homme, devenu agriculteur et éleveur, est généralement détectée dans les archives environnementales de manières indirectes via deux grandes modifications : la transformation du couvert forestier du fait du déboisement ; la mise en place de nouveaux assemblages d’espèces végétales liée directement ou indirectement aux activités humaines233.

En Iran, une diminution importante, voire la disparition, du couvert végétal du fait du déboisement ou du surpâturage paraît attestée entre 4000 et 3000 BP. Cette déforestation a d’abord été supposée à travers les résultats des études géomorphologiques qui ont détecté des accélérations de l’érosion des versants234, puis confirmée par les études palynologiques avec une transformation généralisée des diagrammes de pollen arboré235 et de manière plus nuancée par l’archéobotanique du fait de la disparation de certaines espèces d’arbres dans les macro-restes végétaux et l’utilisation croissante d’excréments animaux séchés comme combustible236. Pour des périodes plus anciennes les données sont plus localisées et des preuves de déboisements parfois importants ont pu être relevées autour de certains sites archéologiques237. Pour les périodes plus récentes, les phases de déforestation ou de reforestation des versants sont mal documentées par les études paléoenvironnementales. La géographie historique peut apporter des informations intéressantes : les auteurs antiques semblent offrir l’image d’un Iran plutôt plus boisé qu’actuellement avec cependant un déboisement avancé des zones arides ; les géographes arabes paraissent ensuite traduire un déboisement croissant238. Enfin pour les périodes plus récentes, à partir de 1000 ap. J.-C., une étude menée dans une tourbière du nord-ouest de l’Iran239, au sud de la mer Caspienne, montre une réalité plus contrastée incluant des phases d’avancée et de recul de la forêt, puis récemment sa quasi disparition au tournant du XIXe siècle du fait de la production de charbon de bois. Si le déboisement est généralement attribué à l’Homme à partir de 4000 BP, les évolutions du couvert forestier peuvent également être dues à des variations climatiques : il est parfois très difficile de différencier les deux facteurs240.

Concernant la transformation de la flore par l’Homme, le développement des céréales fait bien entendu l’objet d’une attention particulière, mais leur développement lié à l’agriculture ne se distinguent que très ponctuellement dans les diagrammes polliniques à partir de 4000 BP. Les céréales sont présentes naturellement au Proche Orient et il est parfois difficile de détecter une éventuelle augmentation liée à leur culture. Toutefois dans les carottes de référence du lac Beysehir en Anatolie, les pollens des différentes céréales croissent de manière parallèle à partir de 3200 BP, date qui marque également le début d’une phase ponctuelle de croissance de l’impact de l’Homme sur la végétation241. Les études archéobotaniques permettent une étude plus fine, à l’échelle d’un site et de son territoire, de l’évolution de la végétation et des espèces cultivées, à travers le prisme de leur utilisation par l’Homme242. Nous verrons par la suite l’apport de ces données archéobotaniques pour la plaine de Persépolis.

Le IIe millénaire semble donc marquer par des changements important dans la végétation d’Iran. Elle correspond d’une part au début des grands déboisements, d’autre part à un impact croissant de l’agriculture sur l’environnement. Les données sont encore très centrées sur l’ouest de l’Iran et nous allons voir dans le paragraphe suivant les quelques données provenant plus particulièrement du Fars.

Notes
231.

Willcox et al. 2009

232.

Peters et al. 2002

233.

Les indices de transformation de la végétation par l’Hommes sont discutés par de nombreux auteurs, deux articles de synthèse parmi d’autres : Bottema & Woldring 1990 pour la palynologie ; Miller 1997 concernant l’archéobotanique.

234.

Résultats de 1959 de H.Bobek cité par Kehl 2009 : 12

235.

Dans le Zagros, les indices d’impact de l’Homme sur son environnement apparaissent vers 3500 BP , cf. Wright 1980 : 147 ; Bottema & Woldring 1990 estiment qu’au tournant du second millénaire av.J.-C., les études palynologiques dans le lac de Beyeshir en Turquie, montrent que l’impact de l’Homme est marqué d’une part par la baisse du pourcentage de pollen arboré, lié au déboisement, mais également plus largement par la modification des assemblages d’espèces d’arbres.

236.

Miller 1997 : 204-205

237.

ibid.

238.

Planhol 1960

239.

Ramezani et al. 2008

240.

Miller 2004 : 137-138 ; Kuzucuoglu 2007a : 24 ; Ramezani et al. 2008 : 318 ; Kehl 2009 : 12

241.

Bottema & Woldring 1990 : 243

242.

Miller 1997 et 2004