2.4.2.1. Les données paléobotaniques

2.4.2.1.1. Etude palynologiques du lac Maharlou dans le bassin de Shiraz

[Etude palynologiques du lac Maharlou dans le bassin de Shiraz248]

Avant de considérer précisément les résultats obtenus à Maharlou et de les extrapoler à la région de Persépolis, les positions géographiques respectives des deux bassins doivent être prises en compte. Le bassin de Shiraz est en effet séparé de la plaine de Persépolis par une succession de massifs culminants à plus de 2000 m qui isolent les deux régions. La pluie pollinique que le lac de Maharlou va recevoir est alors étroitement liée à la végétation du seul bassin de Shiraz. Il est donc difficile de transposer directement les données de Maharlou à la plaine de Persépolis. Les évolutions climatiques que cette étude démontre peuvent toutefois être considérées raisonnablement comme des indicateurs de tendances régionales249.

Figure 2‑9 : Diagrammes polliniques simplifiés obtenus dans le lac de Maharlou
Figure 2‑9 : Diagrammes polliniques simplifiés obtenus dans le lac de Maharlou (repris de Djamali et al. 2009 : 128-fig.5)

Les prélèvements effectués dans le lac de Maharlou permettent de faire remonter l’étude de la végétation jusqu’à 5500 BP et donc de couvrir l’ensemble de l’Holocène récent. Les sommets des carottes étant très perturbés, les évolutions sur les deniers 400 ans n’ont pas pu être étudiées. D’un point de vue chronologique, le diagramme palynologique obtenu à Maharlou balaie tout l’Age du Bronze et englobe le Ier millénaire. Ces résultats vont également rendre possible des comparaisons avec les dynamiques enregistrées dans les archives palynologiques du Zagros occidental et de préciser pour la région du Fars les tendances pressenties250.

D’une manière générale, les auteurs de l’étude palynologique sur le lac de Maharlou observent une première différence par rapport à l’ouest de l’Iran dans le fait que la végétation dans le bassin de Shiraz paraît généralement marquée par un caractère beaucoup plus steppique sur l’ensemble du diagramme. Concernant le détail de l’évolution de la végétation depuis 5500 BP, ils divisent le diagramme pollinique en cinq périodes (Fig.2-9) :

  • Autour de 5500 BP : le spectre pollinique ne présente qu’un très faible pourcentage de pollens arborés. A cette date, la reforestation du Zagros, déjà achevée dans sa partie occidentale251, apparaîtrait donc avec un retard 1000 ans dans le bassin de Shiraz, situé dans le Zagros oriental. Bien que connaissant probablement une amélioration progressive, le climat serait donc resté relativement plus sec et plus aride au cours de la première moitié de l’Holocène.
  • Entre 5500 BP et 5100 BP : le pourcentage de pollen arboré augmente, il s’agit essentiellement des pollens de pistachiers et de chênes. Cette augmentation laisse présager une phase d’amélioration climatique générale dans la région. L’apparition du chêne est à corréler avec une possible croissance des pluies printanières.
  • Entre 5100 BP et 4000 BP : cette période est marquée par un déclin du pistachier marquant peut-être une phase climatique plus sèche. Cette période serait également caractérisée par une baisse des concentrations de pollen dans les échantillons ce qui pourrait être due à une plus forte sédimentation dans le lac, liée à une érosion accrue des versants recouverts d’une végétation moins dense. Cette dégradation du climat, marquée par un recul de la végétation, correspondrait avec un léger retard par rapport à celle observée dans les archives climatiques plus à l’ouest.
  • Entre 4000 BP et 2800 BP : on observe une remontée du pourcentage de pollen de pistachiers traduisant une probable amélioration du climat. La végétation steppique qui dominait au cours de la période précédente est remplacée par les formations forestières à pistachiers et amandiers en place actuellement.
  • Entre 2800 BP et 400 BP : au début de cette période on observe un déclin du pourcentage de pollen de pistachiers. Ce déclin serait lié au développement de l’agriculture et au surpâturage. Parallèlement, l’augmentation d’espèces plutôt steppiques indiquerait également l’apparition d’un climat plus sec. Deux pulsations arides aux alentours de 2800 BP et de 2100 BP sont particulièrement bien marquées dans le diagramme représentant la part du pollen arboré par rapport au pollen non arboré (Fig.2-9). La date de 2100 BP pourrait cependant être plus récente252. Après 2000 BP, le diagramme présente une baisse des espèces steppiques ainsi qu’une remontée du chêne qui représente presque la moitié du pourcentage de pollen. La région de Shiraz connaît donc probablement de meilleures conditions climatiques qui permettent le développement d’une forêt de chênes au nord du bassin. Par contre, il ne semblerait pas y avoir de rétablissement du pistachier probablement à cause du déboisement par l’Homme des versants situés aux alentours immédiats du lac de Maharlou.

Les résultats de cette étude permettraient donc d’obtenir un aperçu assez précis des successions des périodes sèches et humides dans le Fars central, dans la mesure où ces données puissent être interpolées à l’échelle régionale. Une des principales conclusions concernerait l’arrivée de l’optimum holocène qui parait très tardif à Maharlou, marqué par un retard de la croissance du couvert forestier. Ensuite, les résultats montreraient que la seconde moitié de l’Holocène serait marquée par deux phases plus arides, la première entre 5100 BP et 4500 BP, la seconde aux alentours de 2800 BP et de 2100 BP. La première phase correspondrait à la dégradation climatique progressive au cours du IIIe millénaire qui a été bien documentée à l’ouest de l’Iran253. La seconde phase couvrirait le Ier millénaire. Le Ier millénaire semblerait donc dans son ensemble plutôt aride et présente deux pulsations climatiques courtes très sèches encadrant à peu près la période achéménide. A partir de 3000 BP, des épisodes plus secs sont documentés à l’ouest de l’Iran mais pour des périodes plus récentes254.

Notes
248.

L’ensemble des données sont tirées de Djamali et al. 2009

249.

Sanlaville 1997 : 250 détaille les précautions à prendre dans les interpolations interrégionales des variations du climat, il estime qu’elles sont légitimes pour les données palynologiques mais remet en cause la précision des datations du fait de l’effet « réservoir » des milieux lacustres qui induisent un rajeunissement ou un vieillissement des datations C14.

250.

Cf. § 2.4.1

251.

Cf. § 2.4.1.1

252.

Elle se rapprocherait alors de la date de 1500 BP pour laquelle, dans le lac de Mirabad, une phase ponctuelle sèche a également été détectée, Cf. § 2.4.1.1

253.

Cf. § 2.4.1.1

254.

Cf. § 2.4.1.1