2.4.2.1.2. L’impact de l’Homme sur la végétation : données archéobotaniques et palynologiques

Pour les périodes antérieures à 5500 BP, des données archéobotaniques ont récemment été publiées255 dans le cadre de campagnes de fouilles menées sur les sites de Tol-e Mushki, Tol-e Jari et Tol-e Bakun256. Elles permettent d’élaborer une ébauche de reconstitution de la végétation de la plaine de Persépolis pour les périodes néolithiques et chalcolithiques. A cette époque, les essences utilisées témoignent d’un environnement plutôt ouvert et relativement aride avec quelques arbres épars. L’extension post-pléistocène de la forêt zagrossienne n’avait donc apparemment pas encore atteint la plaine de Persépolis257. Ce résultat semble ainsi confirmer les données palynologiques du lac Maharlou.

En ce qui concerne le IIIe millénaire, les données archéobotaniques proviennent cette fois-ci des fouilles de Tol-e Malyan258. Elles permettent de reconstruire une image légèrement différente de la végétation dans la plaine de Persépolis par rapport aux données du lac de Maharlou. En effet, si la période Banesh (3500-2600 av. J.-C.) à Tol-e Malyan est marquée par la disparition progressive de certaines espèces d’arbres telles que l’érable ou le genévrier, les données archéobotaniques montrent toutefois la continuité de la présence du pistachier et de l’amandier. La fin du IIIe millénaire, correspondant au début de l’occupation Kaftari (2200-1600 av. J.-C.) du site, montre une évolution vers un paysage plus ouvert et moins boisé. En effet les charbons de pistachier diminuent et l’on retrouve plutôt des macro-restes de chênes. Les habitants de Malyan, ayant probablement consommé tout le bois disponible à proximité, cherchent du combustible plus loin, dans les forêts de chênes au nord-ouest de la plaine de Bayza259.

Au cours du IIIe millénaire, les données archéobotaniques provenant de Malyan offrent donc une image de l’évolution du pistachier différente de celle du lac Maharlou où les pollens de cette espèce ont tendance à disparaître. Du point de vue archéobotanique, l’évolution des pistachiers paraît donc plus être corrélée à l’activité humaine qu’à une évolution du climat. Le IIIe millénaire est peut-être marqué par une sécheresse accrue du climat, qui ne remet toutefois pas en cause la présence de pistachiers au nord-ouest de la plaine de Persépolis. En ce qui concerne le chêne, il existe une similitude des résultats entre les deux jeux de données : situé plus au nord, loin des zones d’habitats, le chêne est toujours présent dans les diagrammes polliniques de Maharlou et apparaît à Malyan une fois que les autres espèces plus proches disparaissent.

Le scénario décrit dans le bassin de Shiraz pour les périodes précédent le Ier millénaire doit être nuancé du fait des résultats obtenus à Malyan. Par exemple, la disparition du pistachier autour de Malyan, à la fin du IIIe millénaire, est probablement largement due au déboisement par l’Homme. Les quelques données archéologiques disponibles sur le bassin de Shiraz sont très incomplètes mais il semblerait que l’occupation reste limitée jusqu’à l’époque Sassanide260. Les évolutions, entre autre du pistachier, enregistrées à Maharlou pour le IIIe millénaire pourraient donc toutefois correspondre à des évolutions naturelles de la végétation sous l’effet des variations climatiques261.

Parallèlement, la présence de l’Homme favorise le développement de certaines espèces262. Il s’agit avant tout des espèces cultivées et en premier lieu des céréales. Elles sont présentes de manière constante dans les diagrammes polliniques, mis à part aux périodes sèches. Les données archéobotaniques montrent également qu’elles constituent la base de l’alimentation des occupants de Tol-e Malyan. Il faut également noter l’introduction de nouvelles espèces telles que la vigne, le noyer ou le platane. Dans le lac de Maharlou, la présence de plantain dès la base du diagramme pollinique semble être liée au développement de l’élevage. Dès 5500 BP, le pastoralisme serait donc pratiqué dans la région263. L’élevage est effectivement attesté depuis le néolithique grâce à des études archéozoologiques menées sur des sites préhistoriques de la plaine de Persépolis où des ossements de chèvres domestiquées ont été retrouvés 264. Pour des périodes plus récentes, les fouilles à Tol-e Malyan fournissent également des données archéozoologiques et soulignent l’importance du pastoralisme265. A partir du Ier millénaire, les études archéozoologiques font défaut, mais la pratique du pastoralisme est attestée à travers les archives de Persépolis266.

Notes
255.

Miller 2006

256.

Alizadeh 2006

257.

Miller 2006 : 113

258.

Miller 1982.

259.

ibid. : 245-247

260.

Gotch 1968 ; Gotch 1969 les deux cartes publiées par cet auteur ne montre que quelques installations préhistoriques concentrées à l’ouest de l’actuelle Shiraz ; Whitcomb 1985 : 220, la ville de Qasr-i Abu Nasr située au sud de Shiraz se développe au tournant des époques parthes et sassanides et semble marquée d’un point de vue archéologique le début d’une occupation importante du bassin de Shiraz.

261.

Cf. § 2.4.2.2.2

262.

Djamali et al. 2009 : 131-133

263.

ibid : 132

264.

Mashkour 2006

265.

Zeder 1984

266.

Sumner 1986a : 30