2.6. L’occupation actuelle de la plaine

2.6.1. L’intensification de l’agriculture depuis les années 1960

L’aspect agricole constitue le caractère dominant du paysage actuel de la plaine de Persépolis qui représente une des régions de production importantes d’Iran. L’exploitation agricole s’est intensifiée depuis les 40 dernières années. Elle touche l’ensemble des terrains non-montagneux du bassin et une partie des piedmonts, ceci sous l’effet de plusieurs facteurs, le premier étant bien entendu la nécessité de subvenir aux besoins d’une population croissante295.

La région dispose de vastes surfaces de terres arables qui ont été en partie gagnées sur les marécages. Pour la plupart, ces derniers ont été drainés ou sont en voie de l’être. Actuellement, toute la partie sud-est de la plaine, entre le piedmont sud-ouest du Kuh-e Rahmat et le Kur, connaît d’importants travaux de drainage et de viabilisation des sols. Un réseau dense de profonds canaux a été creusé de manière à évacuer l’eau saumâtre en direction du kevir de Neyriz au sud. Les terrains restent encore très chargés en sel et l’activité agricole dans cette partie de la plaine demeure précaire. Au nord-ouest, les vastes zones marécageuses qui s’étendaient sur la majeure partie de la plaine de Zarqan jusqu’à la plaine de Bayza (Pl. 2) ont été drainées dès la fin des années 1960296 et sont actuellement intensément cultivées. Ces zones présentent toutefois des sols très imperméables et connaissent de ce fait d’importants problèmes de salinisation, liés en partie à une irrigation par inondation mal contrôlée297.

La présence d’eau en abondance a également permis l’important développement récent de l’agriculture. L’eau provient des sources karstiques, des nappes phréatiques ou des trois rivières pérennes : le Kur, le Pulvar, et plus modestement le Main. L’exploitation des sources reste assez marginale ; pour la plupart, elles sont effectivement intermittentes. Toutefois au nord-est de Persépolis, le long du Kuh-e Siah, l’existence d’un complexe de sources karstiques permet d’alimenter un vaste secteur de vergers sur les piedmonts à proximité du village de Seidan (Pl. 11). L’exploitation des aquifères s’est quant à elle intensifiée depuis une quarantaine d’années et la plaine de Persépolis a vu se multiplier les installations de pompage. L’étude récente de la production agricole d’un village situé à proximité de Marvdasht a montré que le nombre de pompes avait augmenté de 120% entre 1967 et 2001298. Les rivières, dont le lit est très incisé, étaient peu exploitées jusqu’aux années 1970, la région en aval de Band-e Amir mise à part299. L’année 1971 marque un tournant pour l’agriculture du bassin de Persépolis : elle correspond à la mise en eau du barrage de Dorudzan destiné à alimenter un vaste réseau d’irrigation sur l’ensemble de la plaine. Outre l’apport d’eau, la mise en place de nombreux canaux en béton va participer au drainage de vastes zones marécageuses, en particulier celles de la plaine de Zarqan et Bayza. De plus, les ramifications de ce réseau serviront de base à un important remembrement du parcellaire agricole et à un changement en profondeur des modes de production300.

Ce remembrement est également dicté par une intensification et une mécanisation croissante de l’agriculture301. L’agriculture traditionnelle, sur des petites parcelles situées à proximité des villages, a souvent laissé la place à de vastes champs de plusieurs hectares, donnant naissance par endroit à des paysages d’openfields. Les secteurs situés au sud de Band-e Amir ou vers Seidan constituent probablement les derniers exemples préservés de parcellaire traditionnel. Parallèlement, une activité d’élevage, bovin ou aviaire, essentiellement hors-sol, s’est développée sur l’ensemble de la plaine qui a vu se construire un grand nombre de ferme d’élevage. L’élevage extensif caprin ou ovin se poursuit mais se limite aux zones montagneuses, les secteurs de pâturage dans la plaine diminuant avec l’accroissement des terrains agricoles.

Notes
295.

ibid.  : la population de l’Iran est passé de 19 millions à 70,4 millions entre 1956 et 2006

296.

Pour un état des lieux des marais dans la plaine de Persépolis à la fin des années 1960 voir Cornwallis 1968. A cette date une partie des zones humides de la région étaient déjà en partie drainée ; ibid : 154-155 estime la surface de la zone marécageuse au nord du Kuh-e Lapui à plus de 120km².

297.

Cf. § 2.2.3.2.2

298.

Ajami 2005 : 329-Table 1 et p.330-331 sur les conséquences de la mise en place de ces pompes sur l’organisation de la production agricole.

299.

Cf. § 6.2.3.3.1

300.

Justin & Courtney 1966 : B29-B37 détaillent, dans l’étude d’impact de la mise en place du barrage de Dorudzan, les changements futurs à appliquer aux modes de production traditionnels.

301.

Ajami 2005 : 337-340 offre une étude précise de ces transformations et de leurs conséquences à l’échelle d’un village de la banlieue de Marvdasht, p. 330 il note par exemple une augmentation de 200% des rendements en blé entre 1966 et 2001.