2.6.3. Les bouleversements récents du paysage et leurs conséquences pour la recherche archéologique

2.6.3.1. Un paysage totalement transformé

La partie nord de la plaine est certainement celle qui a connu les transformations récentes de son paysage les plus profondes, en liaison avec la mise en service du réseau d’irrigation moderne depuis le barrage Dorudzan. La région qui s’étend entre la pointe nord-ouest du Kuh-e Sabz et le sud du Kuh-e Ayyub est particulièrement intéressante à étudier car elle concentre l’ensemble des évolutions liées à la pression humaine croissante de ces quarante dernières années. Deux cartes de cette région ont été dessinées, pour la première (Pl. 11a) à partir des cartes au 1:5000 levées en 1966 dans le cadre de la mise en place du réseau d’irrigation de Dorudzan, pour la seconde (Pl. 11b) en se basant sur une image satellite Landsat récente datant de 2003.

La comparaison entre les deux documents permet d’abord d’illustrer le changement total du tracé du réseau d’irrigation306. En 1966, le système d’irrigation est organisé autour de larges canaux alimentés depuis une prise d’eau dans le Kur située à 15km en amont. Le réseau est ancien, comme en témoigne la forme méandreuse des canaux. Notons également la présence d’un qanat de quelques centaines de mètres, situé à la pointe sud du Kuh-e Ayyub, alimenté par des sources karstiques et permettant d’irriguer les terrains situés à l’est du village de Falunak. En 2003, le réseau d’irrigation a été entièrement remanié. Un large canal passant au sud-ouest de la zone étudiée alimente un réseau secondaire qui permet un maillage régulier du territoire. Les tracés de canaux modernes bétonnés sont réguliers et linéaires et le réseau traditionnel a été complètement abandonné au profit d’un système d’alimentation rationnalisé. La construction du nouveau réseau a amené une refonte totale du parcellaire traditionnel. La plaine a donc connu dans les années 1970 un intense remembrement agricole, couplé à des travaux de drainage et de nivellement des terrains.

Le secteur pris en compte permet également d’illustrer la croissance et les évolutions des surfaces habitées. En 1966, on comptait plus de 11 villages disséminés sur l’ensemble de la zone. Il s’agissait de villages traditionnels, des qaleh, à architecture de brique crue, de forme carrée à rectangulaire et de petite surface. En 2003, on observe non seulement une croissance des villages existants mais également une refonte complète du maillage d’occupation préexistant. Au nord de zone étudiée, le cas de Gorazgun est particulièrement caractéristique. En 1966, le village mesurait 1,3 ha. Il a été déplacé à 2,5 km en direction du nord-est et a été reconstruit ex-nihilo à l’ouest de Dawlatabad. L’agglomération occupe désormais une vingtaine d’hectares, soit une surface quinze fois supérieure à l’ancien hameau. Entre 1966 et 2003, la plupart des villages ont connu des croissances importantes qui peuvent non seulement s’expliquer par l’augmentation de leur population mais aussi par le regroupement de plusieurs villages, leur nombre passant de 11 à 7 entre 1966 et 2003. Le centre du secteur étudié a été complètement vidé de toute occupation pour laisser place à des champs cultivés. La pointe sud du Kuh-e Ayyub a aussi connu le développement d’une vaste zone industrielle de plus de 3 km². Une grande ferme d’élevage hors-sol de 10 ha a également été construite au sud-ouest de Gorazgun.

Du fait de la disparition de plusieurs villages, le réseau viaire a été entièrement reconstruit. Une large route asphaltée a remplacé les différents chemins qui longeaient le piedmont du Kuh- Ayyub. Le chemin de direction nord/sud, passant par les anciens villages de Malenjun et Gorazgun, a disparu, un canal empreinte désormais son tracé.

Notes
306.

Seuls les canaux principaux ont été reportés.