3.2.2. L’étude de la céramique de surface et la question du ramassage

La question du ramassage de la céramique a fait l’objet de débats au sein de l’équipe et finalement nous avons décidé de ne pas y avoir recours. Au cours des prospections à vue, le ramassage est généralement conseillé329, toutefois si les contraintes du terrain l’obligent, le non-ramassage des tessons peut être envisagé330.

Nous concernant, ces contraintes étaient nombreuses et elles étaient surtout d’ordre pratique. Nous ne disposions pas du temps nécessaire au cours de missions courtes, ne dépassant pas un mois, de ramasser correctement, de manière systématique, les tessons sur les sites ou points d’observation prospectés. Aucun des membres de la mission n’était en mesure d’assurer la gestion de cette céramique et nous de disposions pas d’un céramologue pour s’occuper à temps plein de l’enregistrement, du classement et du dessin des céramiques. De plus, il est difficile de sortir les tessons hors d’Iran, ils ne pouvaient donc pas être étudiés au bureau, lors de notre retour de mission. Enfin, le P.P.R.F. ne disposait pas, au début de nos prospections331, d’un système de référencement commun et des lieux de stockage adéquats de la céramique retrouvée dans la plaine de Persépolis au cours de fouilles ou de prospections. Nous avons ainsi pu constater que les tessons issus des ramassages de prospections anciennes ou en cours étaient perdus ou stockés à même le sol dans des sacs plastiques parfois sans référence à leurs lieux de prélèvement.

Nous avons également choisi de ne pas ramasser la céramique pour des raisons d’ordre méthodologique. Les différents tepes de la région ont fait, et font toujours, l’objet de nombreuses visites par des archéologues iraniens ou étrangers qui à chaque fois collectent de la céramique en surface sans suivre une procédure scientifique rigoureuse. Généralement, seules les formes diagnostiques sont prélevées et il ne reste sur les sites que des fragments de tessons difficilement identifiables. Sur certains sites prospectés, cela pourrait être une des explications au fait que très peu, voire aucune, céramiques achéménides/LPW n’ont été retrouvées. L’information que l’on peut retirer de l’étude de la céramique de surface, les assemblages présents et leur répartition spatiale, se retrouve ainsi biaisée par des ramassages antérieurs. Sur les tepes, les zones de prélèvement n’ont généralement pas été localisées avec précision et les tessons ramassés ne peuvent pas être étudiés faute d’un système de stockage et d’enregistrement.

L’ensemble de ces raisons nous a donc amenés à ne pas collecter de céramiques au cours de nos prospections. Les sites prospectés ayant été précisément localisés, il sera possible dans le futur de pouvoir procéder à des ramassages systématiques et à des études plus précises de la céramique de surface. Toutefois ces ramassages devront obéir à une procédure rigoureuse et répondre à des objectifs fixés par avance.

Le fait de ne pas ramasser n’empêchait pas de répondre à nos objectifs de prospection, c'est-à-dire caractériser précisément les indices d’occupation achéménide/LPW sur les sites connus et étudier les dynamiques d’occupation ancienne à l’échelle d’une région. Nous avons donc procédé à une identification de l’ensemble des catégories de céramique présentes sur un site. Pour l’identification des céramiques, la mise à disposition, au P.P.R.F., d’une collection de référence nous a été d’une grande aide. Lorsqu’un ensemble de céramique achéménide/LPW a pu être retrouvé, nous avons procédé à des dessins des tessons diagnostics, dessins effectués sur le terrain ou au bureau, en prenant soin de replacer, par la suite, les tessons sur la zone de prélèvement. Cette manière de procéder possède bien entendu le désavantage d’obtenir des datations des occupations moins précises et nous avons été amenés à simplifier la chronologie des occupations de la plaine332. Certains tessons, difficiles à identifier, auraient peut-être pu l’être grâce à une étude plus approfondie. Ces problèmes d’identification provenaient essentiellement du fait que les céramiques de surface sont souvent très fragmentées et érodées. Au cours de nos prospections, aucun site n’a révélé l’existence d’un assemblage de céramique homogène, présentant des formes ou des décors que nous n’aurions pas été capable d’associer à des catégories déjà connues.

Sur le terrain, l’étude la céramique s’est faite en trois étapes. Tout d’abord il fallait localiser les concentrations de céramiques et les délimiter par des prospections sur l’ensemble du site, s’il était préservé, ou dans les champs qui l’ont remplacé, s’il était détruit. Une fois localisés, nous collections les tessons diagnostics pour l’ensemble des catégories reconnues. Ils étaient ensuite identifiés en commun. Une description des pâtes, des formes et des décors était ensuite enregistrée sur les carnets de terrain et les tessons ont été photographiés. Bien que cela soit plus difficile qu’avec un dessin, les photographies nous ont parfois permis de préciser a posteriori une identification en les comparant à des typo-chronologies céramiques publiées. Les tessons étaient ensuite à nouveau dispersés sur le site de manière à ne pas laisser sur place une concentration artificielle de tessons diagnostique. Les perturbations de la répartition de la céramique de surface, sur les sites que nous avons prospectés, ont donc été limitées au maximum. Si nécessaire, la mise en place de ramassages systématiques pourra donc se faire dans le futur sans qu’il n’y ait eu d’interférence de nos prospections dans la répartition spatiale des concentrations de la céramique.

Notes
329.

Ferdière 2006 : 33

330.

Butler 1979 ; Banning 2002 : 208-209

331.

Depuis un système d’information géographique (S.I.G.) à l’échelle régionale a été mis en place par le P.P.R.F. de manière à produire une carte archéologique de l’ensemble de la plaine de Persépolis et à assurer la surveillance du patrimoine.

332.

Cf. § 4.1