3.2.4. Méthodologie des prospections dans les champs

Les prospections dans les champs ont été mises en œuvre dans trois cas : la localisation de céramiques dans les champs ayant remplacé un tepe arasé, autour de Band-e Amir, dans le secteur de Persépolis Nord-Ouest en liaison avec les prospections magnétiques. D’un point de vue général, nous recherchions surtout à évaluer les valeurs de concentration des tessons dans les champs, indicateur, parfois diffus, d’une occupation ancienne des régions étudiées. Nous avons adapté notre méthodologie aux contraintes du terrain, tout en respectant une méthodologie prédéfinie, adaptée à la configuration particulière de chaque secteur prospecté. Il ne s’agissait pas à proprement parler d’une prospection systématique, entreprise dans un carroyage régulier en procédant à un ramassage des artefacts par carré. L’objectif était donc d’évaluer des variations de concentration, plus que des valeurs absolues. Nous cherchions par exemple à évaluer le bruit de fond de céramique qui peut donner des indications quant aux dynamiques d’occupation ancienne mais également sur les pratiques agricoles344.

Sur chaque secteur, les prospections ont été effectuées champ après champ, en formant une ligne de 4 à 6 archéologues, régulièrement espacés, avec un intervalle minimum de 20 m. Pour les champs trop larges pour être couverts en une seule fois, deux passages ont été nécessaires. Chaque prospecteur devait compter la céramique le long de sa ligne et tous les 100 m, un bilan du nombre de tessons était effectué et répertorié par prospecteur sur des fiches d’enregistrement, à raison d’une fiche par champ. Lorsque la céramique était plus dense, des comptages intermédiaires ont été effectués à des intervalles plus courts, au maximum tous les 20 m. Cela permettait d’éviter les erreurs de comptage et d’obtenir un maillage plus fin, donc une information plus précise sur la répartition de la céramique. Sur la fiche d’enregistrement, nous avons également relevé systématiquement les coordonnées GPS des angles du champ, pour permettre sa localisation précise, ainsi que l’état de surface du champ et les conditions de visibilité. Lorsqu’une concentration de céramiques était délimitée, des comptages plus précis sur des carrés de 1 m de côté, localisés au GPS, ont été effectués pour affiner les estimations de densité de tessons. Nous avons choisi deux manières de présenter les cartes de répartition.

Pour la région de Band-e Amir345, les superficies prospectées étant importantes et pour permettre d’éditer des cartes lisibles à l’échelle de la région, nous avons choisi de représenter les valeurs de concentration par champ. De plus, ce procédé permet de localiser précisément les champs prospectés. Il n’a pas été jugé utile, dans le cadre de l’interprétation des résultats, d’aller à un niveau de détail plus élevé. Nous avons pondéré le nombre de tessons par la surface du champ de manière à obtenir une estimation de la valeur de concentration des tessons à l’hectare. Les lignes étant espacées de 20 m, seule une partie de la surface des champs a été couverte et par conséquent le nombre de tessons retrouvés ne correspond par à la totalité de ceux présents sur la parcelle346. La valeur de concentration à l’hectare est donc généralement très faible et assez éloignée de la réalité. Elle permet toutefois de rendre compte de tendances de concentration d’artefact et donc de l’intensité de l’occupation ancienne. Nous avons décidé de représenter les valeurs de concentrations suivant un code couleur pour que le lecteur ne considère pas les valeurs de concentration comme des valeurs réelles. L’échelle de couleur choisie, allant du vert au rouge, est logarithmique. Les concentrations de céramiques étant généralement très faibles autour de Band-e Amir, ce type d’échelle permet de favoriser une visualisation plus fine des variations dans le domaine des faibles densités. La correspondance estimé des codes couleur en valeur de tessons rapporté à la surface (t/ha) est la suivante : code 0 = moins de 1 t/ha (il correspond au bruit de fond céramique) ; code 1 = de 1 t/ha à 7 t/ha ; code 2 = 7 t/ha à 13 t/ha ; code 3 = de 13 t/ha à 25 t/ha ; code 4 = de 25 t/ha à 40 t/ha ; code 5 = de 40 t/ha à 65 t/ha ; code 6 = de 60 t/ha à 140 t/ha.

Dans le secteur de Persépolis Nord-Ouest (Pl. 15), les prospections ont été effectuées sur deux grands champs347. Il était ici nécessaire d’éditer la carte de répartition de céramique avec un niveau de détail plus grand que celui choisi à Band-e Amir pour permettre une comparaison avec les cartes de prospection magnétique. Nous nous intéressions ici aux variations de concentration de céramiques à l’intérieur des champs qui pourraient être corrélées aux anomalies magnétiques repérées. Les valeurs de concentration ont été exprimées en nombre de tessons par mètre carré. Elles ont été calculées par comptage en ligne, mais aussi en multipliant les carrés de comptage de 1 m² de côté dans le zones de fortes concentration. Comme à Band-e Amir, nous avons utilisé une échelle logarithmique pour éditer la carte de répartition. Nous souhaitions en effet mettre en valeur les petites variations de concentrations, entre 0 et 5 tessons/m². A partir de cette valeur, les zones de fortes concentrations sont représentées comme des surfaces homogènes. A l’intérieur, les variations de densité sont de ce fait lissées par l’emploi de ce type d’échelle alors que nous avons pu constater des valeurs maximales de 82 tessons/m². Une étude plus fine des répartitions dans les zones de fortes concentrations pourrait se révéler intéressantes mais demanderait la mise en place d’un carroyage de prospection plus fin. Nous cherchions surtout à délimiter des zones de concentration de céramiques par rapport à des secteurs stériles.

Notes
344.

Ferdière 2006 : 38 ; ce bruit de fond peut être due à de multiples facteurs, parmi eux on peut citer l’épandage de fumier qui peut contenir des tessons ou des phénomènes morphologiques et l’apport de céramique depuis les versants des reliefs ou lors des crues de la rivière, des tessons de céramiques sont également régulièrement utilisés pour remblayer des chemins autour des champs, enfin il peut tout simplement s’agir de poteries cassées et abandonnées par les paysans ayant travaillé dans les champs. L’étude du bruit de fond peut apporter des indices intéressants concernant les pratiques agricoles, par exemple pour l’Iran aux alentours de Shiraf, voir Wilkinson 1989.

345.

Cf. § 6.2.2.3

346.

Nous avons testé la largeur de la bande de terrain couverte par un prospecteur le long d’une ligne. Une telle estimation pourrait en effet permettre d’estimer un pourcentage de la surface prospectée. Nous nous sommes aperçus que cette bande de terrain pouvait être variable suivant les prospecteurs et suivant l’état de surface du champ prospecté. Nous avons constaté qu’un prospecteur peut visualiser des tessons entre 2 et 5 m de part et d’autre la ligne suivie. La surface couverte serait comprise entre 20 % et 50 % de la surface des champs. La difficile détermination de la largeur de la bande couverte par un prospecteur peut être illustrée par les estimations données par A. Ferdière au fil de ses différentes publications : Ferdière & Rialland 1994 : 33 estime la bande à 5 m de large de part et d’autre ; Ferdière 2006 : 32 l’estime entre 3 et 4 m.

347.

Cf. § 5.3.3.2.3