4.1.1.1. Du Néolithique au Ier millénaire av. J.-C.

L’occupation de la plaine de Persépolis remonte au Paléolithique. En effet des prospections ont pu mettre en évidence des traces d’occupation remontant à la fin de la période paléolithique377. Les périodes précédant le néolithique n’ont pas été indiquées dans notre tableau chronologique (Table 1), car nous n’en avons effectivement reconnu aucun artefact au cours de nos prospections378.

Pour les périodes allant du néolithique (à partir du VIIe millénaire) jusqu’à la fin de l’Age du Bronze (au tournant du Ier millénaire), la chronologie de la plaine de Persépolis se base sur la séquence mise en place d’abord par L. Vanden Berghe au cours de ses prospections et de ses sondages sur différents sites de la région379. Il s’agit avant tout d’une chronologie relative basée sur les successions des différentes catégories de céramique caractérisant des cultures qui portent le nom des différents sites où elles ont été reconnues. La périodisation chrono-culturelle proposée par L. Vanden Berghe, affinée par W. Sumner, se divise comme suit : Mushki (av. 6000-5800 av. J.-C.) et Jari (5800-5000 av. J.-C.) pour le Néolithique ; Bakun (5000-4000 av. J.-C.) pour le Chalcolithique ; Kaftari (2200-1600 av. J.-C.) et Shoga/Teimuran (1600-900 av. J.-C.) pour l’Age du Bronze. Par la suite, les prospections menées par W. Sumner dans la plaine de Persépolis ont permis de compléter cette chronologie par la mise en évidence de deux nouvelles cultures, situées à la transition du chalcolithique et au début de l’Age du Bronze, caractérisées par des céramiques retrouvées au cours de ses prospections : Lapui (4000-3500 av. J.-C.) et Banesh (3500-2600 av. J.-C.)380. Une version récente de cette chronologie a été publiée par W. Sumner dans le cadre des publications des fouilles de Tol-e Malyan (Anshan) sous le titre de « Kur River Basin Sequence » 381 , sur laquelle se base la chronologie utilisée au cours de nos recherches dans la plaine de Persépolis (Table 1).

Cette séquence, issue des données de sondages anciens et de prospections, peut être considérée comme un cadre général. Parallèlement, des fouilles sur plusieurs sites de la plaine ont révélé des stratigraphies complexes permettant d’étudier la succession de différents niveaux d’occupation au sein des grandes ensembles chrono-culturelles évoqués précédemment. Ainsi, M.M. Voigt et R.H. Dyson proposent, sur la base des stratigraphies révélées au cours des différentes fouilles ouvertes sur les sites de Tol-e Bakun A et B, de diviser le Bakun en trois périodes distinctes382 : Bakun ancien, moyen et récent. Il en est de même pour le Banesh où les résultats des fouilles ouvertes à Tol-e Malyan ont mis en évidence l’existence de trois phases d’occupation distinctes : Banesh ancien, moyen et récent383.

Les fouilles les plus récentes ont permis d’obtenir des datations radiocarbones absolues et de préciser la chronologie de certaines de ces périodes. Jusqu’à récemment ces datations radiocarbones étaient rares et provenaient pour l’essentielle des fouilles effectuées à Tol-e Malyan (Anshan)384. Sur ce site, elles ont permis non seulement de dater de manière absolue la séquence chronologique du Banesh mais également de mettre en évidence l’existence d’un hiatus de près de 400 ans entre la période Banesh (proto-élamite) et Kaftari (élamite)385. Des campagnes de fouilles récentes, entreprises entre les années 2000 et 2005, sur des sites d’occupation néolithique et chalcolithique ont eu pour but d’améliorer la connaissance des ces périodes plus anciennes et en particulier d’en préciser la chronologie386. Il apparaît, d’après ces nouvelles contributions, que la chronologie du néolithique est particulièrement complexe et présente, suivant les auteurs, d’importantes variations387. Ces données récentes, pour certaines encore préliminaires, n’ont pas encore fait l’objet d’une synthèse globale. Si ces nouvelles données permettent de proposer de nouvelles hypothèses388, elles ne semblent pas remettre en cause profondément la séquence chronologique mise en place par L. Vanden Berghe et W. Sumner389.

Notes
377.

Rosenberg 1988 ; Rosenberg 2003

378.

Sumner 1972 : 35-36 note également qu’il n’a pas pu caractériser d’occupations antérieures au néolithique au cours de ses prospections.

379.

Vanden Berghe 1952, 1954, 1959

380.

Sumner 1972 : 40-44 sur les deux nouvelles catégories de céramique mises en évidence au cours de ses prospections. Pour le Lapui voir aussi Sumner 1988a

381.

Sumner 2003 : Table 12, elle correspond au tableau chronologique de la région, chaque période est associée aux secteurs de fouille de Tol-e Malyan qui ont fourni des couches d’occupations correspondantes ; certaines périodes n’ont pas été identifiées sur le site et d’autres, comme le Jari, le Lapui ou l’Achéménide, ne l’ont été que par de la céramique de surface. Une première version de cette table a été publiée dans Sumner 1987 : 314-315. Voigt & Dyson 1992 : 135-143 ont également publié une synthèse de référence sur la chronologie de la plaine de Persépolis jusqu’au IIe millénaire où sont reprises les grandes divisions chrono-culturelles, les auteurs dressent également de nombreuses comparaisons avec d’autres régions d’Iran.

382.

ibid. : 137-140

383.

Alden 1979 : 47-62 et Sumner 2003 : 53-54 sur la caractérisation et la définition des différentes phases chronologiques du Banesh. La chronologie du Banesh se base également sur les fouilles du site de Tol-e Kureh entreprises par J.R. Alden, cf. Alden 2003.

384.

Voigt & Dyson 1992 : 142-143 notent le peu de datations absolues disponibles pour la séquence chronologique de la plaine de Persépolis ; Sumner 2003 : 55-57 et Table 13 publie l’ensemble des dates obtenues sur la période Banesh et le début du Kaftari dans les sondages effectués à Malyan tout en incluant trois dates concernant la phase de transition Lapui/Banesh obtenues suite aux fouilles menées par J.R. Alden à Tol-e Kureh

385.

Miller & Sumner 2003

386.

Les résultats de nouveaux sondages ouverts sur les sites de Tol-e Bakun A et B, Tol-e Jari A et B et Tol-e Mushki ont été publiés par Alizadeh 2006. Des fouilles ont également été entreprises sur le site d’occupation néolithique de Tol-e Bashi et publiées récemment par Pollock et al. 2010. Des prospections systématiques de surfaces ont aussi été entreprises sur le site néolithique de Kushk-e Hezar, cf. Alden et al. 2004. Enfin Nishiaki 2003 a publié du matériel inédit issu des fouilles japonaises des années 1950 sur les sites de Tol-e Mushki, Tol-e Jari, Tol-e Bakun et Tol-e Gap.

387.

Par exemple Alizadeh 2006 : 8 date la période Mushki de 6400 à 6000 av. J.-C., Nishiaki 2003 : fig. 3 de 6000 à 5400 av. J.-C. et Alden et al. 2004 : 27-fig.2 de 6200 à 5700 av. J.-C., notons que Sumner 2003 : Table 2 propose la date de 5800 av. J.-C. pour la fin du Mushki. Pollock 2010 : 262-264 publie 12 dates issues des fouilles menées à Tol-e Bashi s’étendant sur le néolithique mais précise p.264 que ces données doivent être affinées pour permettre de mettre en place une chronologie absolue précise.

388.

Par exemple pour la transition Mushki/Jari, Alizadeh 2006 : 46 atteste grâce aux datations radiocarbones, voir ibid. : 119-121 pour le détail des datations obtenues et sur l’antériorité du Mushki par rapport au Jari avec toutefois l’existence possible sur une centaine d’années d’une coexistence des deux cultures.

389.

ibid.  : 6-11 propose une nouvelle terminologie des différentes périodes préhistoriques, c'est-à-dire postérieures à l’Age du Bronze et au début du IVe millénaire, indépendantes des noms des sites sur lesquelles elles ont été reconnues. Cette terminologie se base sur celle adoptée à Choga Mish pour la Susiane et se divise en cinq phases : « Formative Fars, Archaic Fars, Early Fars, Middle Fars, Late Fars». Cette terminologie n’ayant pas été reprise dans les publications plus récentes, nous avons décidé de conserver celle proposée par Sumner 2003.