4.2.1. Le problème du hiatus du début du Ier millénaire

4.2.1.1. Continuité de la céramique Shoga/Teimuran ?

La date retenue par W. Sumner pour la fin de l’occupation Shoga/Teimuran, la période d’occupation attestée et caractérisée précédant la période achéménide, dans la plaine de Persépolis est 900 av. J.-C.415. Ce terminus ante quem a été obtenu grâce aux fouilles entreprises sur le site de Darvazeh Tepe416, situé au sud du massif du Kuh-e Rahmat (Pl. 42).

Le site de Darvazeh Tepe a connu plusieurs campagnes de sondages et de fouilles. Durant l’hiver 1951-1952, L. Vanden Berghe a ouvert une tranchée de sondage mais a abandonné au bout de quelques jours du fait de l’isolement du site et des difficultés d’approvisionnement417. Par la suite, en 1968 et en 1969, M.B. Nicol a procédé à deux campagnes de fouille sur le site, la surface totale fouillée atteignant près de 3000 m²418. Sur la base de datations radiocarbones, il estime d’abord que l’occupation du site serait située entre 1750 et 750 av. J.-C.419. Par la suite, il daterait l’occupation principale du site entre 2100 et 650 av. J.-C.420 D’après lui, le site aurait été habité sur l’ensemble du IIe millénaire et la majeure partie de la première moitié du Ier millénaire. Il estime donc que le site a pu abriter les premières populations achéménides de la région. Les résultats des fouilles à Tol-e Darvazeh n’ont cependant pas été publiés précisément. L. Jacobs421 reprendra une partie des archives pour tenter d’effectuer une analyse plus fine de la stratigraphie et de l’organisation spatiale des structures mis au jour. Elle remet en cause en grande partie la chronologie mise en place par M.B. Nicol. Une prise en compte des datations C14 corrigées montre que l’occupation du site se concentre sur 1000 ans, entre 1800 et 865 av. J.-C.422. Bien que les prélèvements des échantillons C14 n’aient pas été localisés précisément dans la stratigraphie, il est toutefois attesté qu’ils proviennent bien des couches d’occupation ancienne, uniquement de période Shoga/Teimuran. C’est donc sur cette base que W. Sumner propose la date de 900 av. J.-C. pour la fin de l’occupation Shoga/Teimuran de la plaine423.

Pour combler le hiatus, certains archéologues ont suggéré par la suite d’abaisser cette date de 900 av. J.-C.à 800 voire 700 av. J.-C.424. Mais ces propositions sont tout à fait spéculatives et ne se basent sur aucune nouvelle donnée. Il faut toutefois considérer une persistance de la céramique Shoga/Teimuran comme possible. Sur la signification de cette continuité les avis entre spécialistes divergent. W. Sumner suggère que l’apparition de la céramique Shoga/Teimuran pourrait correspondre à l’arrivée de premières populations perses aux alentours du milieu du IIe millénaire425. Il le fait en constatant une certaine continuité de l’occupation, puisque près de 50% des réoccupations achéménides se font sur des sites présentant des occupations Shoga/Teimuran ou Qaleh426. Ainsi, la céramique LPW publiée par W. Sumner ne serait qu’un développement très tardif des traditions céramiques locales Shoga/Teimuran, donc pré-achéménide, apparus avec les premiers perses. B. Overlaet rejette l’hypothèse arguant du fait que les styles des céramiques Shoga/Teimuran ne ressemblent en rien à ceux connus pour les assemblages iraniens contemporains427. R. Boucharlat propose pour sa part une continuité possible de la céramique Shoga/Teimuran au début du Ier millénaire par des populations nomades dont on n’a pas encore trouvé la trace428. On le voit, les avis divergent et pour notre part nous avons choisi de garder la date de 900 av. J.-C. pour la fin de la période Shoga/Teimuran et de considérer cette céramique comme faisant partie des traditions de l’Age du Bronze.

Notes
415.

Sumner 1986a : 4

416.

Cf. § 6.2.3.3.2

417.

Vanden Berghe 1954 : 398-399 ; Jacobs 1980 : 16 sur les difficultés rencontrées par L. Vanden Berghe

418.

Nicol 1969 et 1971

419.

Nicol 1969

420.

Nicol 1971

421.

Jacobs 1980

422.

Jacobs 1980 : 115-119 ; Sumner 1994a : 101 sur la base de la présence de céramiques Kaftari sur des sites connaissant des réoccupations Shoga/Teimuran propose de dater l’apparition de cette céramique à partir de 1600 ap. J.-C. sur la base des datations obtenues à Tol-e Malyan.

423.

Sumner 1986a : 4

424.

Sumner 1989a : Table 1 place la fin du Teimuran à 800 av. J.-C. ; Sumner 1994a : 103 remonte éventuellement la date de la fin de la période Shoga/Teimuran à 800-700 av. J.-C.; Overlaet 1997 : 20 en conclusion d’un article sur les résultats des sondages, étudiés à partir de L. Vanden Berghe sur le site de Tol-e Teimuran, suggère de dater la fin de cette période de 700 av. J.-C. ; Boucharlat 2003 : 263

425.

Sumner 1994a

426.

ibid. : 102 ; le tableau (ibid. : 102-Table 1) présenté par W. Sumner pourrait toutefois être interprété différemment, sur les 28 sites présentant une occupation Qlaeh ou Shoga/Teimuran dans la plaine de Persépolis, seuls 8 ont été réoccupés à la période achéménide, soit moins de 30%. Notons de plus que sur la plupart des grands tepes à occupation longue nous avons eu des difficultés à retrouver les indices d’occupation achéménide, cf. § 6.2.7.2.1.

427.

Overlaet 2007 : 73

428.

Boucharlat 2003 : 263