4.2.1.3. Apparition de la Late Plain Ware avant le VIe siècle av. J.-C. ?

Cette hypothèse a été envisagée par T. Cuyler-Young444. Il se base sur la proposition que des populations perses-achéménides étaient présentes dans la plaine avant la fondation de Persépolis, datée de 521 av. J.-C. Pour cela, il prend en compte les données textuelles445 et des données archéologiques disponibles446. Il effectue ensuite une série de comparaisons entre les céramiques achéménides publiées par W. Sumner et des céramiques provenant de Pasargades et de sites iraniens présentant des niveaux de l’Age du Fer (essentiellement Godin Tepe), et donc datés autour de 600 av. J.-C. Il suggère par là que la céramique choisie par W. Sumner, surtout sur les bols, pourrait être utilisée bien avant 600 av. J.-C. et donc marquer l’installation des perses dans la région. Cette hypothèse est reprise par B. Overlaet qui ne commente pas les comparaisons effectuées, et se contente de la signaler447, préférant ensuite envisager que l’apparition d’une céramique différente de la LPW (Teimuran B ou Djalabad) marque l’arrivée des perses448.

Dans ses différentes publications, W Sumner considère plusieurs possibilités concernant la date de l’apparition de la céramique LPW. Dans sa thèse, il estime que les céramiques LPW peuvent être apparues à partir de 700 av. J.-C.449 Dans son article de synthèse concernant l’occupation achéménide de la région, la date d’apparition de cette céramique est discutée plus précisément450. Les parallèles les plus proches pour les céramiques publiées sont faits avec le matériel trouvé au cours des fouilles des sites de Pasargades et de la terrasse de Persépolis. Dans les deux cas, il date plutôt de la fin de la période achéménide et à Pasargades il se continue à l’époque séleucide451. Toutefois, il prend en compte les indices d’existence de constructions probablement datées d’avant la fondation de la terrasse de Persépolis pour supposer que cette céramique a pu apparaître dans la région au moins au début du VIe siècle av. J.-C.452. Il souligne toutefois que la céramique retrouvée au cours des fouilles des bâtiments aristocratiques de Bagh-e Firuzi ou du pavillon de Dasht-e Gohar, n’a pas été publiée, empêchant ainsi toute possibilité de comparaison. Enfin, dans un article plus récent, W. Sumner nuance la possibilité d’une apparition précoce de la céramique achéménide, hypothèse qu’il aurait de ce fait émise pour les seuls besoins de sa synthèse sur l’occupation achéménide de la plaine453. Il semble, dans le cadre de son hypothèse de continuité culturelle entre les populations Shoga/Teimuran et les populations perses achéménides, vouloir dater à nouveau l’apparition de céramique LPW à partir de la fin du VIe siècle. Donc la céramique Shoga/Teimuran continuerait à être utilisée jusqu’au VIe siècle. On voit ici que, suivant les publications et les circonstances, W. Sumner donne des versions légèrement nuancées de la date d’apparition de la céramique qu’il situe donc entre le début et la fin du VIe siècle. Ce n’est que dans sa thèse qu’il propose de remonter cette date jusqu’au VIIe siècle, mais il ne reprendra jamais cette hypothèse par la suite.

Pour conclure, la plupart des auteurs semblent considérer que la céramique achéménide apparaît au cours ou à la fin du VIe s. av. J.-C.454. Cette estimation se fait toutefois surtout des bases plus historiques qu’archéologiques. Cependant, l’hypothèse émise par T.C. Young d’une apparition plus ancienne, bien que peu commentée et tout à fait spéculative, n’est pour l’instant remise en cause par personne, ce qui nous oblige à conserver aussi la probabilité d’une apparition de la céramique LPW au cours du premier tiers du Ier millénaire.

Notes
444.

Cuyler Young 2003

445.

ibid. : 243-245

446.

ibid. : 245-246 faisant référence aux découvertes des vestiges architecturaux « early Achemenid » de Tilia 1978 dans les alentours de Firuzi, cf. § 5.4.3. Il se base également sur l’identification du secteur de Persepolis West à Matezzish, proposé par Sumner 1986a : 23, dont l’existence est attestée dans les textes babyloniens datés du règne de Cambyse (529-522 av. J.‑C.) (cf. § 5.1.2.3) et sur la présence d’un bas-relief néo-élamite à Naqsh-e Rustam (cf. § 5.6.1).

447.

Overlaet 2007 : 73-74

448.

Cf. § 4.2.1.2

449.

Sumner 1972 : 64.

450.

Sumner 1986a : 2-7

451.

Cf. 4.2.2

452.

Sumner 1986a : 4, 7 ; ces bâtiments sont généralement datés du règne de Cambyse (529-522 av. J.-C.), Bessac & Boucharlat 2010 suggèrent même que les monuments de Dasht- Gohar pourraient être datées du début du règne de Darius (cf. § 5.5.1.1), dans tous les cas ces constructions seraient à dater après le règne de Cyrus (550-530 av. J.-C.) c'est-à-dire à partir de la seconde moitié du VIe siècle.

453.

Sumner 1994a : 103

454.

.Boucharlat 2003 : 263 estime qu’il est très improbable qu’elle soit apparue avant le règne de Cyrus, soit le milieu du VIe siècle av. J.-C.