4.2.2. Continuité de la Late Plain Ware après la période achéménide

4.2.2.1. Les données du Fars central

La question de l’occupation du Fars entre la fin du IVe siècle et jusqu’à la fin du Ier millénaire, donc pour les périodes séleucides et le début de la période parthe, a été abordée récemment par R. Boucharlat455 et P.F. Callieri456. Leurs études permettent d’obtenir une image actuelle de l’état de la question d’un point de vue architectural, épigraphique et matériel. Nous ne nous intéresserons ici qu’au devenir de la seule céramique LPW à partir du milieu du IVe s. av. J.-C.

Comme le fait remarquer P.F. Callieri457, W. Sumner458 s’est en partie construit une collection de référence pour la céramique achéménide à partir des tessons retrouvés dans les déblais des fouilles entreprises par E. Herzfeld sur le Temple des Fratarakas. Or, il se trouve que cet édifice, en tout cas son occupation principale, est à dater de l’époque post-achéménide459. P.F. Callieri estime donc que la continuité de l’assemblage de céramiques pourrait être née de cette construction d’un assemblage de céramique d’horizons chronologiques différents460. Les céramiques choisies par W. Sumner pour identifier l’occupation achéménide ne serait pas strictement achéménide461.

Les parallèles régionaux prouvent que la céramique LPW a été utilisée après la période achéménide. A Pasargades, les céramiques de référence prises en compte proviennent du niveau II mis au jour sur le Tall-e Takht. Cette couche est toutefois à dater de la fin de la période de transition fin-achéménide/séleucide462. Ici, la céramique présente de plus une grande continuité entre la fin de l’Achéménide et la période séleucide. Quant à la céramique de la terrasse de Persépolis, elle ne peut pas être datée d’avant 520 av. J.-C., la date de sa fondation et elle date très probablement dans sa grande majorité de la fin de la période achéménide463. L’utilisation de la LPW se continue donc au cours des périodes post-achéménides, de manière certaine au cours de l’époque séleucide.

Pour sa part, W. Sumner semble parfaitement conscient que la céramique LPW pourrait être également post-achéménide464. Rappelons en effet que dans sa thèse cet ensemble de céramique est estimée pouvoir être datée à partir de 700 av. J.-C. pour la borne inférieure et 300 av. J.-C. pour la borne supérieure465. C’est pour cette raison que cette céramique a d’abord été appelée « Late Plain Ware » (LPW) car son utilisation devait largement dépasser les bornes de la période strictement achéménide. Ce n’est que pour les besoins de l’article de synthèse sur l’occupation achéménide de la plaine de Persépolis qu’il publie ces céramiques sous l’appellation « Achaemenid ceramic forms » 466. Il précise néanmoins, au cours de sa discussion sur la chronologie, que des comparaisons ont pu être faites entre cette céramique et celle mis au jour à Persépolis ou à Tall-e Takht467, en précisant que dans les deux cas la céramique est plutôt datée de la fin de l’Achéménide voire du post-achéménide. Donc, il suggère, plus qu’il n’affirme, une datation des céramiques publiées qui peut être assez basse. Il faut enfin noter que dans ses publications postérieures, W. Sumner réemploiera de nouveau le terme de LPW468 pour désigner la céramique dite achéménide.

Le problème se pose de la continuité de cette céramique après le séleucide, c’est à dire jusqu’à l’époque parthe voire sassanide. Les données concernant l’occupation parthe de la plaine de Persépolis sont très maigres et exposées par P.F. Callieri469 : elles se limitent à quelques tessons de surface de Tol-e Malyan ou retrouvés au cours de la fouille de sépultures et à d’autres tessons repérés sur le site de Bayza (Pl. 43 – site KR0510)470. Une meilleure définition de cette limite supérieure n’est ici pas de notre ressort et mériterait des données issues des fouilles d’un site stratifié471. La LPW continue donc à être utilisée à la période post-achéménides jusqu’à une date qui reste donc à définir.

Notes
455.

Boucharlat 2006

456.

Callieri 2008

457.

ibid. : 44

458.

Sumner 1986a : 3

459.

Boucharlat 2006 : 455 ; Callieri 2003; Callieri 2008 : 51-66

460.

ibid. : 44

461.

Toutefois, sur les planches de céramiques achéménides publiées par W. Sumner, aucune n’est indiquée explicitement comme provenant des alentours du Temple des Fratarakas, cf. les légendes de Sumner 1986a : 5-ill.1 et 6-ill.2. Elles proviennent de Persepolis West ou de divers sites présentant en surface des concentrations de céramiques achéménide/LPW retrouvés dans la plaine de Persépolis

462.

Stronach 1978 : 183 ; Boucharlat 2005a : 228-229 ; Boucharlat 2006 : 260 ; Callieri 2004 : 100 propose de dater la fin du niveau II au début du IIe siècle av. J.-C. ; Callieri 2008 : 38, 40 et 44 ; Askari-Chaverdi & Callieri 2009 : 33-35 estiment de plus que cette continuité est confirmée par les données obtenues récemment au cours des fouilles d’une installation agricole menées dans le cadre des fouilles de sauvetage entreprises dans le Tang-e Bulaghi, non loin de Pasargades ; enfin voir les réserves de Levine 1980 et Haerinck 1984 : 303-304 sur la stratigraphie des fouilles du Tall-e Takht.

463.

Schmidt 1957 : 96, plate 71-74 ; E.F. Schmidt précise qu’une grande partie de la céramique publiée provient des fouilles du « Garrison Quarter » ouvertes au sud-est de la terrasse. La datation précise de la construction de ces baraquements est peu claire, Schmidt 1953 : 207 suppose que leur construction est contemporaine de celle des fortifications, donc de l’époque de Darius, plus loin p.209 il évoque des tablettes de fondations datant du règne de Xerxes retrouvées dans un contexte stratigraphique très perturbé, toutefois elles ont été retrouvées dans la couche d’occupation la plus ancienne. De ce fait, Roaf 1983 : 158 et fig.156 décide de dater la construction de ces bâtiments de la fin de la période achéménide (450-330 av. J.-C.). La plupart des céramiques publiées par E.F. Schmidt serait de ce fait assez tardive.

464.

Boucharlat 2006 : 454, il suggère que cette extension de la chronologie s’est imposée à lui du fait qu’il n’existait, et n’existe toujours pas de céramique séleucide bien caractérisée.

465.

Sumner 1972 : 64

466.

Voir les légendes de Sumner 1986a : 5-ill.1 et 6-ill.2 (Pl. 13 et 14)

467.

Callieri 2008 : 38-39

468.

Par exemple Sumner 1994a

469.

Callieri 2008 : 43

470.

Cf. § 6.2.3.2.2 et § 6.2.3.5.1

471.

ibid. : 44 porte ses espoirs sur les sondages qu’il a entrepris sur le Tall-e Takht