4.2.2.2. Les données des fouilles dans la région Mamasani

La région de Mamasani se trouve sur la route menant de Persépolis à Suse, à 150 km au nord-ouest de Persépolis et 450 km au sud-est de Suse. Elle a fait l’objet de plusieurs reconnaissances au cours de la première moitié du 20e siècle et plus récemment, en 2003 et en 2004, de fouilles sur les sites de Tol-e Nurabad, Tol-e Spid 472et Qaleh Kali473 (Tapeh Servan/Jijan) ainsi que d’une prospection par une mission irano-australienne dirigée par K. Roustaei et D. Potts. Ces travaux continuent actuellement sous direction d’A. Asgari Chaverdi et D. Potts. Il est prouvé que la région de Fahlyan présente plusieurs sites d’époque achéménide. Le pavillon fouillé à Qaleh Kali aurait pu constituer un lieu de halte sur la route entre Persépolis et Suse, même s’il paraît difficile de rattacher précisément cette zone à un des toponymes apparaissant dans les archives de Persépolis474.

Nous nous intéressons ici aux données issues des fouilles des sites de Tol-e Nurabad et Tol-e Spid qui ont fourni des données concernant la chronologie du Ier millénaire. Dans les deux cas, l’apparition d’un ensemble de céramique achéménide/LPW est bien marquée et le niveau correspondant s’intercale entre des couches plus anciennes et plus récentes.

Des indices d’occupation pourraient donc exister pour le début du Ier millénaire, mais ils semblent pour le moment difficiles à caractériser à travers les résultats obtenus475. A Tol-e Spid, entre les niveaux structurels bien datés du IIe millénaire et ceux achéménides/post-achéménides, s’intercalent deux couches. La première correspond probablement à une couche de remblai mise en place à la fin du IIe millénaire476. La seconde, située juste au-dessous du niveau achéménide est très perturbée par le creusement de nombreuses fosses : elle contient du matériel du IIe millénaire, pouvant éventuellement aller jusqu’au début du Ier millénaire477. Il est donc possible d’après les fouilleurs que Tol-e Spid ait été abandonné au cours de la première moitié du Ier millénaire478. A Tol-e Nurabad, les niveaux précédents la période achéménide ont révélé un assemblage de céramiques de type medio-élamite, voire éventuellement néo-élamite. Toutefois, la céramique est rare et il y a peu de parallèles possibles avec du matériel existant ailleurs et il est de ce fait difficile pour le moment de définir une continuité de l’occupation de ce site au cours de la première moitié du Ier millénaire479.

Pour les deux sites, une continuité de l’occupation au cours de la seconde moitié du Ier millénaire paraît mieux marquée. A Tol-e Spid, les couches sommitales ont permis de mettre à jour un assemblage de céramique locale pouvant être rapproché des formes achéménides connues par ailleurs, plus particulièrement de celles publiées par W. Sumner pour la plaine de Persépolis480. Le niveau, où apparaît cette céramique, a été daté au C14 de 550-350 av. J.-C., ce qui constitue la première datation absolue de référence de l’apparition de la céramique LPW dans le Fars. Ensuite, les études ont permis de mettre au jour une succession de 9 couches correspondant à des phases successives de reconstructions des bâtiments. La séquence est marquée par une continuité de l’assemblage de céramiques LPW. Une datation radiocarbone de la dernière couche est comprise entre 370 et 50 av. J.-C.481. A Tol-e Nurabad, la période achéménide correspond à deux couches structurelles présentant un assemblage de céramiques achéménide/LPW. Les couches supérieures sont datées post-achéménides482 mais il n’y a pas de continuité bien marquée de l’occupation avec les couches achéménides483.

Tol-e Spid présente donc une riche séquence stratigraphique, avec 10 phases d’occupation se répartissant sur l’ensemble de la seconde moitié du Ier millénaire. Sur ce site, il semble que la céramique LPW apparaît à partir de l’époque achéménide et est utilisée sur une grande partie de la seconde moitié du Ier millénaire484, venant en cela confirmer les données provenant de Tall-e Takht et de la région de Persépolis485. De plus, les résultats de la région de Mamasani démontrent l’intérêt d’obtenir des données sur des fouilles archéologiques stratifiées présentant une occupation au Ier millénaire. Si les fouilles n’ont pas permis, pour l’instant, de caractériser une occupation pour la première moitié du millénaire, elles ont toutefois permis de dater l’apparition de la céramique achéménide de tradition locale, proche de celle de la région de Persépolis, au minimum de 550-350 av. J.-C., soit l’ensemble de la période achéménide.

Notes
472.

Potts et al. 2006 pour la publication des fouilles de ces deux sites ; Askari-Chaverdi et al. 2010 pour un article de synthèse.

473.

Potts et al. 2006

474.

Potts 2008b ; Cf. § 6.4.1.3.2

475.

Petrie et al. 2006b : 181-183 ; Askari-Chaverdi et al. 2010 : 294

476.

Petrie et al. 2006a : 96 (Phase 14)

477.

Petrie et al. 2006a : 96-97 (Phase 13) ; Askari Chaverdi et al. 2010 : 291 souligne la présence d’un ensemble de céramiques hétérogène provenant en partie du niveau inférieur, qui ne serait toutefois à dater que du IIe millénaire.

478.

Petrie et al. 2006a : 128 ; Askari Chaverdi et al. 2010 : 290

479.

Weeks et al. 2006 : 78 ; Askari Chaverdi et al. 2010 : 291

480.

Petrie et al. 2006b : 182 ; Askari Chaverdi et al. 2010 : 290 soulignent entre autre la présence d’« achaemenid tulip bowl », équivalent des bols carénés achéménides, fossile directeur de l’occupation achéménide dans le Fars central (cf. 4.2.3).

481.

Petrie et al. 2006a : 99

482.

Askari Chaverdi 2010 : 291

483.

Weeks et al. 2006 : 77-78

484.

Petrie et al. 2006b : 184

485.

Cf. § 4.2.2.1