Au cours des pages précédentes, la question de la fonction de Persépolis a été peu abordée du point de vue de l’archéologie. En général, l’archéologie n’a pas joué un rôle moteur et n’est considérée qu’incidemment dans le débat. Les fouilles archéologiques servent essentiellement à déterrer de nouveaux objets ou éléments d’architecture, dont l’interprétation permet a posteriori de renforcer les différentes théories. L’analyse spatiale des vestiges de Persépolis, ou la dynamique temporelle d’occupation du site, deux approches de base de l’interprétation des données archéologiques525, sont généralement mises de côté au profit d’un débat souvent abstrait. L’étude des déterminants environnementaux pourrait également donner des éléments de réponse à la construction de Persépolis, mais la géographie n’est souvent abordée que du point de vue de la situation de Persépolis à l’échelle de l’Empire, et rarement à l’échelle microrégionale.
La prise en compte du site dans sa complexité ne peut pas se faire puisque nombre de chercheurs constatent que, malheureusement, les données archéologiques témoignant de cette approche sont absentes526. Par voie de conséquence, l’étude du site sera souvent limitée aux seuls vestiges monumentaux, mettant de côté les vestiges situés sur les pentes du Kuh-e Rahmat, une partie des bâtiments de la partie sud de la terrasse, ou encore l’ensemble de constructions fouillées dans le Barzan-e Jonoubi. Autre conséquence, les orientations de la recherche archéologique s’inspirent le plus souvent des centres d’intérêt de la communauté des iranologues, l’archéologie aura donc du mal à faire émerger des problématiques nouvelles.
D’une grande partie de la bibliographie traitant de Persépolis ressort l’image d’un site figé. La terrasse aurait été construite ex-nihilo par la seule volonté de Darius, et les imposants vestiges ont traversé les siècles pour témoigner de la puissance et de l’idéologie des souverains achéménides. Le caractère ex-nihilo de la terrasse royale renforce par ailleurs l’étrangeté d’un site qui, généralement, n’est pas replacé dans un contexte archéologique régional riche de nombreuses occupations antérieures et postérieures à sa fondation. Même si, comme on le verra, les preuves archéologiques sont peu nombreuses, le site n’a pas pu être construit sans le soutien d’une exploitation des ressources naturelles de la région et la présence d’infrastructures. Ces problématiques n’ont été que peu abordées par les archéologues. Les quelques données existantes, souvent mal diffusées, ne sont pas prises en compte, par méconnaissance mais aussi peut-être car elles pourraient desservir les thèses défendues.
L’évolution des recherches d’E. Herzfeld à Persépolis et de ses interprétations sont en cela particulièrement illustratives de l’attrait qu’exerce l’ensemble monumental de la terrasse de Persépolis.
Sur les principes de base de l’interprétation des données archéologiques voir par exemple Demoule 2002 : 189-190
L’absence de témoin archéologique est un argument largement employé par les tenants d’une capitale symbolique sans véritable fonction économique ou administrative, cf. Pope 1957, Frye 1974 : 385