5.1.1.2.3. Les recherches archéologiques à Persépolis après Ernst Herzfeld

La majesté et le poids symbolique des ruines de Persépolis, attirant l’intérêt des scientifiques, ont eu en permanence des conséquences contradictoires sur les orientations de la recherche archéologique menée sur le site.

A. Mousavi, dans un article paru en 2002543, décrit dans le détail l’histoire de l’étude archéologique du site depuis la fin du 19e siècle jusqu’à la révolution islamique de 1979. Cette synthèse, qui prend en compte les travaux menés par les différents archéologues aussi bien occidentaux qu’iraniens, permet de constater que la très grande majorité des travaux archéologiques entrepris a concerné les différents bâtiments de la terrasse. Outre la promesse d’un fort retentissement que peut avoir toute nouvelle découverte sur la terrasse de Persépolis, l’exposé de l’histoire des études archéologiques du site permet également d’en souligner plusieurs autres raisons.

Le site de Persépolis possédant une haute valeur symbolique et sentimentale pour les Iraniens, les différents travaux scientifiques ont toujours été largement impulsés, voire directement pilotés et financés, par les différentes autorités politiques en place. Les visites successives de souverains iraniens témoignent de cet attachement au site et de l’importance que revêtent aux yeux de l’état iranien le dégagement et la conservation des ruines de Persépolis. Cet intérêt joue forcément un rôle positif, et le soutien financier aux travaux archéologiques menés à Persépolis est en effet constant. Il s’accompagne de la mise en place d’une politique de préservation des vestiges à long terme, ainsi que de la mise en œuvre de projets scientifiques ambitieux. Du côté occidental, le prestige du site amène également des institutions, en premier lieu l’Oriental Institute of Chicago, à financer des recherches archéologiques.

Les travaux à Persépolis profitent donc de moyens importants et de l’utilisation de techniques novatrices. Par exemple, dès le milieu du 19e siècle, le Shah Nasser ed-Din tente de faire procéder à une campagne de photographie sur le site544, alors que cette technique venait tout juste d’être inventée. L’intérêt des politiques se focalise avant tout sur les vestiges de la terrasse, leur mise en valeur étant toujours la priorité principale. La restauration et la préservation des différents monuments présenteront par ailleurs un défi constant. Les dimensions du site, et donc les difficultés rencontrées pour le préserver, participent du reste à l’émergence d’une politique patrimoniale iranienne. L’histoire récente du site montre en effet que la conservation des vestiges de Persépolis a concentré, et concentre encore, une grande partie de l’énergie des différents archéologues ou architectes qui se sont succédés sur le site545. La taille et la surface des vestiges découverts sont telles que le travail de conservation est colossal. Si l’on ajoute, à l’attrait d’une archéologie monumentale, le fait que les politiques de recherche et les nécessités de conservation du patrimoine se soient surtout focalisées sur la terrasse, on comprend alors que l’archéologie des alentours de Persépolis ait largement été délaissée546.

Pourtant, dès les travaux d’E. Herzfeld, des fouilles ont été entreprises sur les tepes au sud de la terrasse, dans le secteur de Barzan-e Jonoubi, puis ont été poursuivies modestement par A. Sami. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, A. Tadjvidi est le premier archéologue à centrer un programme de fouilles sur le secteur situé au sud de la terrasse, axé sur la compréhension du site dans toute sa complexité spatiale et chronologique547. Néanmoins les résultats de ses fouilles, dont un rapport est disponible en persan548, ont été peu diffusés. Par la suite, ils sont soit passés sous silence par les différents chercheurs qui s’intéressent à Persépolis, soit très rapidement évoqués.

Le prestige des monuments de la terrasse a donc attiré de tout temps l’attention sur le site. Les effets positifs sont d’ordre patrimonial, et même scientifique, car il se crée une émulation créatrice autour de l’étude de Persépolis. En revanche, les alentours de la terrasse royale sont non seulement délaissés mais sacrifiés, comme cela a probablement été le cas dans le cadre des aménagements de la fête du Jubilé de 1971.

Notes
543.

Mousavi 2002

544.

ibid. : 217-218

545.

ibid. : 235-238 sur les efforts de restauration effectués par A. Sami ; ibid. : 245 sur la dégradation des monuments suite à des pluies torrentielles qui obligent S. Shahbazi à mettre en œuvre d’importants travaux d’aménagement.

546.

ibid. : 245

547.

ibid. : 240

548.

Tadjvidi 1976, en persan, n’a jamais été traduit donc très peu diffusé, il faut cependant mentionner deux notes publiées en anglais dans Iran Tadjvidi 1970, 1973