5.1.1.2.4. Persépolis, un site archéologique « à part »

La meilleure façon d’illustrer cette réduction spatiale du site à la seule terrasse royale est de consulter des ouvrages encyclopédiques, des guides archéologiques ou des synthèses traitant de la Perse. A la rubrique Persépolis, le même et unique plan du site restreint aux limites de la Terrasse est publié de manière récurrente549. Ce plan, levé par différents architectes au cours des années 1930, correspond à celui publié par E.F. Schmidt dans le premier volume de la publication des fouilles de Persépolis (Fig. 5-1).

Figure 5‑1 : Plan de la Terrasse de Persépolis (Schmidt 1953 : Fig.21)
Figure 5‑1 : Plan de la Terrasse de Persépolis (Schmidt 1953 : Fig.21)

Pour la plupart des « grands » sites archéologiques, la carte du site n’est généralement pas limitée aux seuls bâtiments d’apparat, mais Persépolis semble faire exception550. L’image du site offerte au lecteur est restreinte et met de côté des éléments majeurs et pourtant bien connus du site, comme la seconde tombe royale rupestre située au sud-est de la plateforme, ou les vestiges du rempart en terre crue qui part de la terrasse et court sur la crête du Kuh-e Rahmat. Une impression d’isolement se dégage donc de ce plan, à partir duquel il est impossible de reconstruire le plan d’une ville, et qui rend difficile toute argumentation tendant à prouver que Persépolis correspondait à l’une des résidences royales de l’Empire et à un centre administratif actif.

Figure 5‑2 : Persépolis, plan des constructions connues (Kleiss 1980 : Abb.9)
Figure 5‑2 : Persépolis, plan des constructions connues (Kleiss 1980 : Abb.9)

Or, s’il est vrai que les résultats de l’ensemble des fouilles menées sur les bâtiments situés au sud de la terrasse royale, dans le Barzan-e Jonoubi, ont été peu diffusés, le premier plan du site publié par E. Herzfeld prenait en compte le site dans sa globalité : il incluait la Terrasse, les remparts et s’étendait jusqu’à la tombe inachevée plus au sud551. De même, il paraît difficile de se retrancher derrière le fait que la publication finale des fouilles d’E.F. Schmidt ne comporte pas de plan plus large, ce dernier ayant publié dans un ouvrage précédent un plan, certes schématique, mais complet, du site de Persépolis552. Il faut attendre l’année 1980 pour voir publier par W. Kleiss un plan complet des bâtiments connus (Fig. 5-2). Le plan ainsi agrandi et enrichi permet alors d’esquisser une discussion sur le possible caractère urbain du site553 et de rendre compte de sa complexité. Depuis sa publication, ce plan n’est toutefois que rarement repris.

Les interprétations sur la fonction ou l’organisation du site ont en commun de ne pas s’interroger sur l’existence d’une ville à Persépolis et ainsi d’en minimiser l’importance, réduisant le site à sa fonction essentiellement symbolique. La publication récurrente du plan du site limité à la seule Terrasse royale en est un symptôme particulièrement révélateur.

Notes
549.

Il serait fastidieux de faire une liste exhaustive de tous les ouvrages de référence qui comporte une carte de Persépolis ; parmi les ouvrages de synthèse sur la Perse les plus récents citons Allen 2005 : 77-fig.3.16 ou encore Huyse 2005 : 60. Pour les ouvrages encyclopédiques, pour ne prendre que ceux spécialement dédiés à l’Iran, voir Shahbazi 2009 : Figure 2 ou encore Porada 1985 : 794-Fig.1.

550.

A titre d’unique exemple Huot 2004 : 174 présente le plan de Babylone à l’époque néo-babylonienne dans son ensemble pour en souligner l’étendue impressionnante, p.224 la carte de Persépolis se limite à la Terrasse et donne une impression d’isolement ce qui est toutefois nuancée dans le texte.

551.

Herzfeld 1929

552.

Schmidt 1939 : plate 2

553.

Voir par exemple Mousavi 1992