5.1.3.2. Définition des différents secteurs d’étude

L’importance des surfaces à étudier était certainement le principal défi à relever pour la mise en place d’un programme de recherche archéologique. Elle demande l’emploi de méthodes adaptées à l’étude spatiale de l’organisation sur des espaces de plusieurs centaines d’hectares. Partant de notre expérience à Pasargades, nous avons choisi de concentrer l’emploi des méthodes de prospection sur cinq secteurs sélectionnés à partir des données existantes (Pl. 15). La mise en œuvre de techniques de prospection géophysique constitue la base de notre méthodologie (Pl. 16). Elle permet en effet d’obtenir des données précises sur l’organisation spatiale des vestiges d’occupation ancienne sur de vastes surfaces. Ces travaux ont été complétés par des prospections à vue, de manière à mieux caractériser la nature et la répartition des artefacts d’occupation achéménide. Ils se basent sur une réévaluation des données existantes, publiées ou, pour les prospections de W. Sumner, issues de ses archives.

Les cinq secteurs étudiés sont les suivants :

  • Le quartier royal 601  : ce secteur rassemble la Terrasse royale, les pentes fortifiées du Kuh-e Rahmat et l’ensemble des vestiges du Barzan-e Jonoubi. Les aménagements récents liés au Jubilé des 2500 ans de l’Empire Perse, organisé par le Shah en 1971, réduisent fortement les surfaces qu’il est possible de prospecter dans ce secteur. Il était par exemple impossible d’envisager des prospections dans les grandes forêts de résineux plantées à cette époque, qui s’étendent à l’ouest du quartier royal. La présence de nombreuses constructions modernes empêche également d’envisager la mise en place de prospections dans ce secteur. Les surfaces disponibles n’en sont pas moins aménagées : une station de pompage et un parking ont été construits entre la Terrasse royale et le Barzan-e Jonoubi. Les pentes du Kuh-e Rahmat sont trop escarpées pour pouvoir envisager la mise en place de prospections géophysiques dans l’emprise des fortifications. Donc, non seulement la mise en œuvre de prospections s’avère délicate dans le quartier royal, mais encore les aménagements récents ont probablement bouleversé en profondeur les couches archéologiques. Les résultats récents de prospections magnétiques menées par le Persepolis Pasargadae Research Foundation (P.P.R.F.) sur l’ensemble des surfaces libres disponibles ont par ailleurs confirmé l’importance des perturbations liées aux réaménagements récents. Nos investigations géophysiques ont donc été limitées à de petites surfaces, concentrées sur l’esplanade au pied de la terrasse, prospectées à l’aide des méthodes radar-sol et électrique. La caractérisation du plan d’occupation du quartier royal, ainsi qu’une réflexion sur ses limites, se fondent essentiellement sur une réévaluation des données existantes.
  • Persepolis Nord-Ouest 602 : ce secteur s’étend depuis l’emplacement de Persepolis West jusqu’à l’esplanade au pied de la terrasse royale. Il intègre donc une partie des zones aménagées pour le Jubilé, en particulier un vaste parking situé au nord-ouest du quartier royal. Toutefois, la grande majorité de secteur est recouverte de champs cultivés. Les recherches ont d’abord demandé un important travail de cartographie pour relocaliser Persepolis West, car les différents tepes repérés par W. Sumner ont aujourd’hui disparu, nivelés par l’exploitation agricole moderne. Des prospections à vue dans les parcelles libres ont permis de détecter des artefacts d’occupation achéménide bien au-delà du seul secteur de Persepolis West ; l’étude a donc été élargie à l’ensemble du secteur de Persépolis Nord-Ouest. Dans ce secteur, il n’existe pas d’obstacle majeur à la mise en œuvre de prospections géophysiques, si ce n’est la disponibilité des champs, qui doivent être libres de toute culture pour pouvoir être prospectés. La méthode magnétique a été privilégiée ; elle permet en effet d’obtenir des cartes géophysiques précises sur de vastes surfaces. Les prospections magnétiques se sont concentrées sur deux secteurs : à l’emplacement de Persepolis West, et immédiatement à l’ouest du vaste parking évoqué précédemment. Sur le parking lui-même, la présence de métal empêche la mise en œuvre de prospection magnétique, et la méthode électrique a été utilisée. Les données de prospections géophysiques ont été complétées par des prospections systématiques à vue dans des champs à l’ouest du secteur de Persépolis Nord-Ouest, et par le relevé de coupes archéologiques dans des fosses modernes à l’emplacement de Persepolis West.
  • Firuzi 603 : ce secteur correspond à celui défini par W. Sumner. Il intègre les différents bâtiments mis au jour par les fouilles italiennes des années 1970 à Bagh-e Firuzi, et l’ensemble de tepes repéré au sud du village actuel de Firuzi. Si les différents sites au sud ont été détruits par l’activité agricole moderne, ceux de Bagh-e Firuzi sont en grande majorité préservés. Les recherches dans ce secteur ont donc débuté par une prospection des sites en place et une réévaluation des données disponibles. L’importance des destructions au sud de Firuzi nous a amenés à concentrer nos prospections géophysiques (exclusivement magnétiques), à Bagh-e Firuzi. Ce secteur, comme Persépolis Nord-Ouest, est majoritairement recouvert de champs cultivés.
  • Le piedmont nord-ouest du Kuh-e Rahmat 604 : ce secteur intègre les pentes du Kuh-e Rahmat comprises entre la terrasse de Persépolis, au sud, et le site d’Istakhr, au nord. L’étude des piedmonts nous est apparue particulièrement stratégique, car ces zones concentrent de nombreux vestiges de carrières, de canaux ou d’aménagements funéraires rupestres pouvant apporter un éclairage intéressant sur l’intensité de l’occupation achéménide à Persépolis. Les différentes observations et prospections anciennes ont permis de révéler la présence de nombreux restes de carrières, en particulier des blocs inachevés, le long du Kuh-e Rahmat. La présence des vestiges d’un canal, entre Istakhr et la Terrasse royale, est également attestée. Enfin, de nombreuses fosses et niches funéraires rupestres ont été relevées. Il n’existe toutefois, à ce jour, aucune étude systématique de l’ensemble de ce secteur rassemblant l’ensemble des données archéologiques disponibles. Nous avons donc procédé à des prospections systématiques de cette zone du piedmont, en effectuant un relevé de la localisation et une description de l’ensemble des vestiges archéologiques. L’étude de ce secteur a également été dictée par la présence du canal, un des rares exemples d’investissement hydraulique dans la zone d’occupation de Persépolis. Le relevé topographique précis, à l’aide d’un tachéomètre, des parties rupestres et construites conservées, permet de déterminer son tracé précis et surtout sa pente, de manière à déterminer son point d’arrivée. Dans le secteur du piedmont nord-ouest du Kuh-e Rahmat, nous avons également intégré Dasht-e Gohar, où une prospection magnétique a été effectuée.
  • Le piedmont sud-ouest du Kuh-e Hussein 605 : ce secteur comprend les pentes du massif du Kuh-e Hussein, sur une longueur de près de 3 km à l’est de Naqsh-e Rustam. Comme pour les pentes du Kuh-e Rahmat, nous avons procédé à des prospections systématiques et à une localisation et une description de l’ensemble des vestiges repérés. L’étude de ce secteur intègre également une réévaluation des données disponibles à Naqsh-e Rustam.

La définition de ces différents secteurs se place dans l’objectif d’une réévaluation des données concernant l’occupation achéménide de la plaine de Persépolis. Elle se base donc sur l’étude des lieux d’implantation achéménide déjà connus, tout en élargissant leur périmètre et en adoptant une démarche de recherche systématique. Les surfaces sur lesquelles nous avons mené nos recherches ne concernent qu’une petite partie des 20 km² de la zone d’occupation de Persépolis, mais elles sont réparties sur l’ensemble de cette région. Un effort de prospection plus important a été entrepris dans les environs immédiats de la Terrasse de Persépolis, en lien avec la problématique cruciale d’une meilleure définition de la ville de Parsa/Matezzish. Il faut enfin souligner que de vastes secteurs n’ont pas été concernés par nos investigations : le sud-ouest du quartier royal et le sud-ouest de Naqsh-e Rustam. Dans les deux cas il n’y a que peu, voire pas, d’indices connus d’occupation achéménide, et il paraît difficile de se lancer dans des programmes de prospection sur d’aussi vastes surfaces sans pouvoir s’appuyer sur des sites déjà connus. Pour le secteur situé au sud-ouest du quartier royal, nous verrons que quelques artefacts achéménides avaient toutefois été relevés, mais la construction récente du village de Shamsabad a détruit toute trace de ces vestiges.

Notes
601.

Cf. § 5.2

602.

Cf. § 5.3

603.

Cf. § 5.4

604.

Cf. § 5.5

605.

Cf. § 5.6