5.2. Le quartier royal : la terrasse de Persépolis et ses environs immédiats

5.2.1. Définition archéologique et spatiale du quartier royal

Un quartier peut être considéré comme une partie du territoire d'une ville ayant une physionomie propre, lui conférant une certaine unité. Cette unité peut être fonctionnelle, architecturale, socio-économique, historique ou géographique606. A Persépolis, pour définir l’existence de quartiers, il faudrait pouvoir délimiter le territoire de la ville, ce qui fera l’objet des parties suivantes. Il semble toutefois acquis, a priori, qu’à côté de la terrasse royale coexistait une ville qui concentrait l’habitat, l’activité économique et peut-être une partie de l’activité administrative607. La terrasse n’était donc pas isolée mais intégrée à un plan d’organisation préexistant, celui de la ville de Parsa/Matezzish. A l’intérieur de celle-ci, la terrasse devait certainement posséder un statut à part, puisqu’elle était destinée à accueillir des manifestations royales lors des séjours du Roi à Persépolis et qu’elle concentrait une partie de l’administration impériale ainsi que le trésor royal. Les hauts murs de la terrasse royale lui confèrent de plus des limites claires et le programme architectural et iconographique cohérent ne connaît aucun équivalent dans les alentours. La seule terrasse, d’une superficie de 12 ha, pourrait donc à elle seule définir un quartier de la ville.

Différentes recherches menées aux alentours immédiats de Persépolis ont pourtant montré que de nombreux vestiges de bâtiments à caractère royal sont probablement à connecter à la plateforme, qui ne constituerait donc que la partie centrale d’un plus vaste ensemble (Pl. 17). Leur nécessaire prise en compte amène à élargir les limites du quartier royal de Persépolis608. Ces limites peuvent tout d’abord être définies par la présence d’un rempart protégeant le secteur. Outre la terrasse, il faudrait donc intégrer les pentes du Kuh-e Rahmat jusqu’à la crête couronnée par les vestiges d’un large rempart en brique crue. La question de l’existence d’autres lignes défensives doit également être posée, en particulier l’existence d’un rempart protégeant une surface beaucoup plus large que la seule terrasse royale, et qui pourrait définir physiquement les limites du quartier royal. La tentative de restitution, par A. Mousavi609 (Pl. 18), d’un second rempart englobant la terrasse royale, le Barzan-e Jonoubi et le vallon nord nous a conduits à considérer le rattachement de ces différents secteurs au quartier royal. Au sud de la terrasse de Persépolis, le secteur de Barzan-e Jonoubi regroupe un ensemble de bâtiments à caractère aristocratique ou royal, et des édifices publics ainsi que la tombe inachevée attribuée, sans fondement, à Darius III (Pl. 19). Pour le moment, nous limiterons le Barzan-e Jonoubi à ce seul ensemble ; il est possible toutefois qu’il s’étende plus au sud, au-delà de la tombe inachevée (Pl. 20). Vers le nord, le vallon (Pl. 21) qui jouxte la terrasse présente des traces d’une occupation aux époques achéménide et post-achéménide. Son intégration à l’ensemble quartier royal pose problème, les données archéologiques traduisant surtout la présence de carrières, exploitées pour la construction des bâtiments de la terrasse royale. Aujourd’hui disparus, les vestiges d’un édifice, probablement post-achéménide, correspondent aux seuls indices de présence de constructions dans ce vallon. La définition des limites du quartier royal se complique encore si l’on décide de prendre en compte toutes les installations à caractère royal jusqu’à la nécropole de Naqsh-e Rustam. Nous nous contenterons donc dans un premier temps de considérer seulement les alentours immédiats de la terrasse de Persépolis, afin d’étudier la possibilité de l’existence d’un secteur d’occupation à caractère royal cohérent à cet endroit, notre but étant de définir les contours du quartier royal en tant qu’espace d’occupation homogène.

Si l’on prend comme base la délimitation du quartier royal décrite précédemment, l’ensemble de la surface prise en compte mesure près de 60 ha. D’après ce que laissent entrevoir les quelques données archéologiques disponibles, la totalité du secteur n’aurait pas été bâtie et les différents édifices mis au jour ne permettent de restituer que très partiellement l’organisation spatiale de l’ensemble du quartier royal. Cette vaste surface semble néanmoins obéir à la mise en place d’un plan préconçu nécessitant la mise en œuvre de travaux de terrassement d’envergure, ou se traduisant par la construction d’un réseau cohérent d’infrastructures de gestion, de stockage et d’évacuation de l’eau de ruissellement. Le quartier royal est le seul secteur de la ville pour lequel on possède quelques connaissances archéologiques via la mise en place de programmes de fouille extensifs, dont les résultats, en-dehors de la terrasse, n’ont malheureusement été que partiellement diffusés. Ces données permettent toutefois de dresser l’ébauche d’un plan d’organisation d’une partie de la ville.

Notre étude de l’organisation du quartier royal se fonde essentiellement sur les quelques données archéologiques et les analyses existantes, en mettant de côté les hypothèses sur la fonction et l’organisation des bâtiments de la terrasse. Seule l’extension possible de l’occupation à caractère royal, au-delà de la terrasse, est étudiée. L’apport de données nouvelles par nos propres travaux dans ce secteur est assez limité. Les abords de la terrasse ne sont en effet pas propices à la mise en place de prospections de surface, du fait des nombreux aménagements modernes. Réétudier complètement l’ensemble des données sur le quartier royal demanderait un programme de recherche ambitieux qui irait au-delà de la seule mise en œuvre de prospections de surface. Nos travaux se sont donc limités à des tests de prospection géophysique sur l’esplanade située à l’ouest de la terrasse.

Notes
606.

Source : Centre de Documentation de l’Urbanisme, http://www.cdu.urbanisme.equipement.gouv.fr/

607.

Cf. § 5.1.2.3

608.

Moorey 1988 : 25 ; Boucharlat 1997 : 222 et Boucharlat 2005a : 230 ; Roaf 2004 : 394

609.

Mousavi 1992