5.2.2.2. Les pentes du Kuh-e Rahmat et le système défensif à l’est de la terrasse

Sur les pentes du Kuh-e Rahmat, une butte de terre continue constitue les restes d’un rempart en brique crue qui vient compléter le système défensif de la terrasse. E. Herzfeld supposait dès le début de ses travaux à Persépolis que ces vestiges correspondraient à des remparts625. E.F Schmidt en proposera une première reconstitution à partir de photographies aériennes626. Une succession de monticules de terre reliés par des buttes laissait supposer la présence, à intervalle régulier, de tours construites sur le même modèle que celles connues sur la terrasse royale.

Cette hypothèse sera confirmée grâce aux fouilles dirigées au cours des années 1970 par A. Tadjvidi, sur une portion de 120 m de rempart située à proximité de la partie sommitale du relief qui surplombe la terrasse627 (Pl. 19). Outre une meilleure connaissance du plan des fortifications, ces travaux ont montré qu’elles avaient connu de profondes transformations, au moins à la fin de la période d’occupation achéménide. Le fouilleur note par exemple que les meurtrières ont été bouchées à une époque indéterminée628. Ce point est tout à fait intéressant à souligner et peut signifier deux choses : soit une réfection du rempart, soit son abandon. Les données stratigraphiques, qui auraient pu permettre de préciser la chronologie de l’évolution du rempart oriental, n’ont cependant pas été publiées. Les différentes sections fouillées des remparts ont révélé un matériel abondant se rapportant à l’aspect militaire des constructions, mais démontrant également que les fortifications pouvaient servir de lieu de stockage629. Cette fonction est attestée par la découverte des archives administratives stockées dans les fortifications au nord-est de la terrasse630. Une récente prospection systématique des pentes du Kuh-e Rahmat, avec ramassage de tessons repérés au sein d’un carroyage, a de plus montré de fortes concentrations de céramiques tout au long du rempart631. C’est donc l’ensemble des remparts du Kuh-e Rahmat qui aurait pu servir au stockage.

Le rempart de brique crue qui entoure les pentes du Kuh-e Rahmat à l’est de la terrasse mesure environ 1,8 km de long et délimite un secteur de 18 ha. Mis à part les deux tombes royales attribuées à Artaxerxès II et III, l’occupation de cette vaste zone reste mal connue. Les pentes sont assez raides, allant de 50% au pied du relief, à environ 30% au sommet, et rendent difficile la construction de bâtiments. Le seul article paru sur les différents vestiges repérés dans les pentes est dû à W. Kleiss632. Il relève la présence de multiples drains, creusés dans la roche et destinés à protéger les tombes du ravinement et à canaliser l’eau de ruissellement lors de fortes pluies. Outre ce système de canalisation, dont il donne un plan très schématique, et que nous avons en partie repris sur le plan d’ensemble (Pl. 18-en ligne pointillée), l’auteur relève la présence de blocs architecturaux isolés et à mi-pente d’un terrassement formé de gros blocs de calcaire633. W. Kleiss ne donne cependant que très peu de détails sur cette terrasse ; sur son schéma d’ensemble, il semble l’avoir repéré sur toute la largeur du versant protégé par les fortifications. Or, sur le terrain, ou même sur les photographies publiées dans l’article, la longueur de cette terrasse paraît beaucoup plus modeste. Selon W. Kleiss, cet aménagement atteste la présence d’un long mur qui aurait partagé la partie du Kuh-e Rahmat protégée par le rempart oriental en deux zones distinctes, une forteresse haute et une forteresse intermédiaire 634. Dans le schéma proposé, la terrasse royale et son système de fortification constituent la partie basse de cette  forteresse. Si la présence de ce mur de terrassement situé à mi-pente prouve la volonté de régulariser le terrain pour y installer des constructions, il paraît difficile, sans donnée archéologique plus précise, de confirmer la présence d’un rempart intermédiaire. A l’intérieur de ce périmètre de 18 ha des pentes du Kuh-e Rahmat, nous retiendrons d’une part la présence des sépultures royales, et donc une fonction de nécropole royale ; d’autre part, l’important réseau de drainage et de récupération de l’eau de pluie en direction de la citerne creusée dans la roche située entre les deux tombes635 ; enfin, la présence éventuelle de quelques constructions éparses, probablement très érodées, ainsi que le prouverait la présence de murs de terrassement.

Notes
625.

Herzfeld 1929 : 21

626.

Schmidt 1940 : plate 2

627.

Tadjvidi 1970, 1973 et 1976 : 187-213 ; Mousavi 1992 : 223-224 publie un résumé des principaux résultats des fouilles iraniennes sur les travaux menés par A. Tadjvidi au sud de la terrasse cf. § 5.2.3.1

628.

ibid. : 224, Mousavi 2002 : 243

629.

Par exemple Schmidt 1953 : 211 a retrouvé des pointes de flèches lors des fouilles des fortifications adjacentes au quartier des gardes. Le matériel retrouvé était cependant peu abondant, l’intérieur de la tour ayant été apparemment remblayé ; Tadjvidi 1976 : 209-fig. 172 a également retrouvé des pointes de flèches ; le matériel mis à jour paraît cependant très varié et comprend des éléments de parure, des sceaux cylindre ou encore des empreintes de bulles.

630.

Sur la découverte des tablettes des Fortifications et les questions que pose leur stockage dans une des tours des fortifications voir Razmjou 2008 : 51-55

631.

Prospection mise en œuvre dans le cadre d’un master d’archéologie par M.T. Ata’i’i, ayant donné lieu à deux publications en persan : Ata’i’i 2004 concernant l’étude des céramiques, Ata’i’i 2006 sur les silex, datés par l’auteur entre le paléolithique et la fin de l’Age du Bronze. Sur Ata’i’i 2004 voir les commentaires de Boucharlat 2005c où il estime que ces ramassages de surface ont essentiellement permis de mieux connaître la dynamique d’occupation des pentes du Kuh-e Rahmat au- dessus de Persépolis. On note en effet la présence de céramiques pré-achéménides qui proviendraient du sédiment ayant servi à fabriquer les briques du rempart, et celle de tessons post-achéménides témoignant d’une fréquentation probable des lieux par des bergers après l’abandon du site.

632.

Kleiss 1992a : 159-167

633.

ibid. : 161

634.

ibid. : 159-160, 159-Abb.6, 160-Abb.7-8, les termes employés pour désigner ces deux parties sont respectivement « Oberburg » et « Mittelburg »

635.

Schmidt 1953 : 212