5.2.3.3. Fonction et chronologie des bâtiments du Barzan-e Jonoubi

5.2.3.3.1. Fonction

Du fait de l’absence d’étude architecturale détaillée, la question de la fonction et de la chronologie des constructions du secteur méridional reste largement énigmatique. Lorsque, dans les descriptions de Persépolis, la présence de ces édifices est mentionnée, les différents auteurs s’accordent uniquement sur le caractère prestigieux de l’architecture. Ces constructions, en partie en pierre, présentant portiques et salles hypostyles, seraient donc destinées au moins à l’élite si ce n’est au Roi et à sa cour684. Outre ces considérations d’ordre général, l’éventuelle fonction de ce quartier n’est généralement pas plus discutée. Parmi les huit bâtiments ou ensemble de bâtiments dégagés au sud de la terrasse, trois ont fait l’objet de commentaires plus détaillés.

Le bâtiment E, le plus proche de la terrasse, présente les vestiges les plus imposants du secteur sud685. Il a été fouillé par E. Herzfeld puis par A. Sami. Du fait de la similitude du plan, sur une surface toutefois beaucoup plus réduite, avec l’Apadana, il fut donc appelé « Small Apadana » 686. Il s’agit en effet d’un bâtiment à trois portiques entourant une salle centrale hypostyle dont les colonnes en pierre sont surmontées par des chapiteaux sculptés à protomé de lion. Les points communs relevés avec le plan de la grande salle d’audience de la terrasse amènent à supposer que le bâtiment aurait pu posséder la même fonction de manière temporaire en attendant la fin de la construction de l’Apadana687. Les dimensions du bâtiment E sont cependant beaucoup plus petites et le plan présente de nombreuses différences par rapport à celui de l’Apadana. Le bâtiment C, situé à l’extrémité sud du Barzan-e Jonoubi, présente un plan similaire, les trois portiques étant cependant soutenus par deux rangées de colonnes. Il a été en partie fouillé lors de la dernière campagne de fouille dirigée par E. Herzfeld688. Un socle en pierre a été retrouvé dans la pièce centrale, élément à partir duquel E. Herzfeld restituait un temple du feu. Par extension, il pensait que le secteur sud contenait plusieurs temples du feu et implicitement faisait de ce quartier une sorte de zone cultuelle689. Avec raison, E.F. Schmidt met en doute cette analyse, les données à disposition étant considérées comme trop lacunaires pour démontrer cette hypothèse690. Etant donné leur plan, E et C doivent toutefois correspondre à des bâtiments officiels ou publics, de fonction indéterminée, et non à des habitats privés.

Le bâtiment H, situé au sud-est du Barzan-e Jonoubi (Pl. 19), a également fait l’objet de descriptions plus détaillées691. Les résultats des fouilles de ce grand édifice de plus de 3000 m² composé essentiellement de petites salles hypostyles paraissent particulièrement riches. La fouille de l’une d’entre elle a permis la mise au jour de nombreux restes de bois carbonisé692, ainsi que de bases de colonnes inscrites attribuant la construction de ce bâtiment (Tachara) à Xerxès693. On note également la présence d’éléments de décors peints694, de blocs architecturaux en pierre, ainsi que de fragments de brique cuite et d’un dallage en carreaux de terre cuite. En ce qui concerne le mobilier archéologique, A. Tadjvidi donne un aperçu des trouvailles au cours de son rapport, et publie des photographies de poteries, de vases en pierres ou encore de pièces de monnaie malheureusement inédites695. Le bâtiment H pourrait donc correspondre à un complexe luxueux à vocation plutôt résidentielle. Il pourrait en être de même pour les bâtiments B et G, de superficie plus réduite mais de plan comparable. Enfin les enfilades de salles étroites du bâtiment A pourraient correspondre à des magasins696.

Notes
684.

Schmidt 1939 : 6 ; Schmidt 1953 : 55 note la présence de vestiges architecturaux en pierre comparables à ceux de la terrasse ; Wilber 1969 : 2 ; Sami 1970 : 89 ; Roaf 2004 : 406 ; Allen 2005 : 80 ; Shahbazi 2009

685.

Herzfeld 1929 : 32 et fig. 52

686.

Mousavi 2002 : 237

687.

Mousavi 1999 : 150-n.9

688.

Sami 1970 : 91 souligne la poursuite des fouilles sur le bâtiment E commencées en 1935 ; voir aussi Mousavi 2002 : 231

689.

Herzfeld 1941 : 231

690.

Schmidt 1953 : 55, le plan détaillé du bâtiment E présentant entre autre l’emplacement du piédestal est reproduit p. 48-fig.14 ; Roaf 2004 : 406 doute également de cette fonction cultuelle supposée par E. Herzfeld.

691.

Sami 1970 : 89-90 ; Tadjvidi 1976 : 140-176 ;

692.

Sami 1970 : 89-90 ; Mousavi 2002 : 243

693.

Sami 1970 : 89 ; Tadjvidi 1976 : 107- fig. 102 et 103, 108 pour la traduction des inscriptions et la description ; Mousavi 2002 : 237

694.

Sami 1970 : 90.

695.

Tadjvidi 1976 : 112-n.5 les pièces retrouvées ont été montrées à D. Stronach qui les aurait datées autour de 300 av. J.-C.

696.

Boucharlat 2010a : 435