5.2.3.5.1. Les données archéologiques

Au nord-est du vallon le plus au nord (Pl. 21) s’élevaient les vestiges en élévation d’un encadrement de porte en pierre, de style et d’époque achéménide. Ces restes architecturaux, aujourd’hui disparus, étaient encore en place à l’époque où E. Herzfeld a pris la direction des fouilles de Persépolis733. Un sondage a alors été ouvert à leur emplacement, dont les limites sont clairement visibles sur une photographie aérienne pris par E.F. Schmidt734. Les résultats des ces fouilles n’ont cependant jamais été publiées. Les principales conclusions concernant cet aménagement sont évoquées par E.F. Schmidt en une dizaine de lignes735 : le réemploi d’un encadrement de porte d’un bâtiment de la terrasse dans une construction post-achéménide ne semblerait pas faire de doute. Concernant la présence éventuelle d’édifices dans le secteur nord, il faut également noter la présence au sud-ouest d’un petit tepe s’élevant à environ 5 m au-dessus du vallon. La terre constituant ce petit relief est de couleur rouge ; E. Herzfeld décrit sur ses pentes la présence de nombreux éléments d’architecture et de fragments de briques cuites glaçurées736. La surface de ce site est aujourd’hui quasiment vierge de tout artefact, si ce n’est quelques fragments de céramiques très érodées, qui pourraient éventuellement être achéménides/LPW. La couleur du tepe ainsi que les fragments de briques ont amené E.F. Schmidt à interpréter ce site comme les vestiges d’un four à brique achéménide737. Cette hypothèse est à nouveau évoquée et discutée au cours de l’interprétation de la carte magnétique du vallon738. Enfin, lors de nos visites, nous avons constaté la présence, dans la partie occidentale du vallon, de nombreux blocs calcaires parallélépipédiques taillés à l’ouest du vallon, l’érosion causée par un des talwegs faisant apparaître les fondations d’un mur739. Il s’agit des seuls indices connus de présence de constructions dans le vallon nord.

Les autres indices d’occupation correspondent pour la plupart à des traces rupestres présentes en grand nombre sur les escarpements rocheux. La grande majorité de ces traces rupestres est liée à l’exploitation des affleurements rocheux entourant le vallon nord pour en extraire de la pierre. Le secteur nord concentre en effet plusieurs secteurs de carrières. W. Kleiss, le seul archéologue à avoir publié une carte de situation des carrières au nord de Persépolis, relève deux zones principales d’extraction, l’une située au niveau de l’angle nord-ouest de la terrasse740, l’autre sur les pentes nord du petit vallon sud741. Une troisième est située autour des deux chapiteaux inachevés à protomés de taureaux localisés sur les pentes orientales entre les deux petites vallées. Lors de nos reconnaissances sur le terrain, ainsi que sur les photographies aériennes à haute résolution, nous avons pu observer des indices d’extraction au-delà des seules zones de carrières mentionnées auparavant. Une prospection fine sur l’ensemble du vallon nord pourrait probablement révéler l’exploitation de l’ensemble des affleurements de calcaires du secteur nord. Comme le montreront les résultats des prospections du piedmont du Kuh-e Rahmat entre Persépolis et Istakhr742, l’extraction de la pierre n’était pas concentrée sur un nombre limité de carrières mais obéissait à une stratégie plus large d’exploitation des affleurements rocheux tout au long des pentes nord-ouest du massif. En ce qui concerne la chronologie de ces exploitations, les techniques d’extraction n’évoluant que très lentement, il est difficile de dater les carrières à partir des seules traces d’outil743. La période d’activité principale des carrières du secteur nord est cependant probablement à dater de la période achéménide. D’une part, elles sont situées à proximité de la terrasse, dont le chantier de construction a demandé un énorme volume de pierre744. D’autre part, les deux chapiteaux inachevés restés sur place étaient certainement destinés au chantier de construction des bâtiments du secteur royal745. Les affleurements rocheux situés à proximité de ces carrières ont également révélé la présence de plusieurs inscriptions grecques, à relier très probablement à l’exploitation de la pierre par des carriers ioniens746.

D’autres traces rupestres ont été relevées sur les petites falaises d’une dizaine de mètres de hauteur qui délimitent le vallon vers le nord. Au nord-est, il s’agit d’une petite niche rupestre non datée, apparemment isolée747. Au nord-ouest, les falaises présentent diverses traces d’aménagements rupestres, de longs sillons horizontaux et des séries d’encoches, qui devaient probablement servir de calage pour une construction adossée à la falaise748. L’ensemble domine un abri sous-roche qui devait servir encore récemment à accueillir des bergers ou des nomades comme le prouve la présence d’alignements de petites pierres en surface. Plus à l’ouest, on relève la présence d’une fosse et d’une niche rupestre creusée dans un bloc isolé de la falaise749. La datation de ces divers aménagements se révèle difficile, et rien ne prouve qu’ils se rapportent à la période d’occupation achéménide750.

Les données archéologiques disponibles concernant le vallon nord ne semblent donc pas indiquer une fonction résidentielle. L’activité à l’époque achéménide, dans ce secteur, se concentre sur l’artisanat de la pierre, et très hypothétiquement sur la cuisson de briques. L’accès à la terrasse depuis le vallon serait possible via une petite porte située au niveau de l’angle nord-ouest de la plateforme. Cette porte a d’ailleurs été appelée « porte des artisans » par certains auteurs751. L’occupation de cette zone dépendrait donc bien de l’activité de construction dans le secteur royal et s’y rattache donc directement, mais n’était probablement pas destinée à abriter des bâtiments administratifs ou résidentiels. Cette hypothèse se trouve renforcée par les résultats de la prospection magnétique.

Notes
733.

Herzfeld 1929 : 33

734.

Schmidt 1940 : plate 2, le calque d’interprétation indique l’emplacement de la fouille au nord-est du vallon nord.

735.

Schmidt 1953 : 55-56

736.

Herzfeld 1929 : 33

737.

Schmidt 1940 : plate 2, sur le calque d’interprétation de la photographie aérienne de Persépolis, le tepe correspond à un point nommé « achemenian brick kiln ».

738.

Cf. § 5.2.3.5.2

739.

Les quelques observations évoquées au cours de cette partie viennent de visites très rapides du secteur qui n’ont pas donné lieu à une documentation précise. Dans l’optique de mettre en place des prospections géophysiques, le secteur nord ayant été prospecté par le P.P.R.F., son étude n’a en effet pas fait partie de nos priorités. Un relevé archéologique complet et précis de tous les indices archéologiques, en particulier de toutes les traces rupestres, demanderait un temps de travail important que nous ne pouvions consacrer à l’étude de ce seul secteur.

740.

Kleiss 1992a : 156-Abb.2 publie un plan schématique de la carrière

741.

Les deux sont localisées sur le plan de Kleiss 1980 : 210-Abb.9

742.

Cf. § 5.5.4.2

743.

Cf. § 5.5.4.2.2

744.

Kleiss 1992a : 157-158

745.

Schmidt 1953 : 57 et fig. 18 (D-E), il estime que ces chapiteaux devaient être destinés au chantier de la porte inachevée au nord de la « salle du trône » ; Kleiss 1993a : 98-Abb.16

746.

Carratelli 1966 : 31-35

747.

Kleiss 1976 : 139 et 139-Abb.10 décrit cette niche rupestre et publie un dessin schématique en coupe ; sur les problèmes de datation des aménagements funéraires rupestres le long des piedmonts du Kuh-e Rahmat au nord de la terrasse royale, cf. § 5.5.4.3.2

748.

ibid. : 139 et 139-Abb.10 indique la présence d’une carrière, mais à cet endroit les traces rupestres ne ressemblent pas à celles laissées par l’extraction de la pierre dans les autres zones d’exploitation.

749.

Kleiss 1976 : 139 et 139-Abb.10 décrit et donne un plan schématique de la niche

750.

La question des nombreuses niches et fosses rupestres est développée plus loin, cf. § 5.5.4.3

751.

Schmidt 1953 : 64 ; Mousavi 1992 : 208-209, ce dernier estime qu’un second accès pouvait avoir existé au niveau de l’angle nord-est ; Kleiss 1992a : 157-158 et 157-Abb.3 décrit et donne un plan schématique de la « porte des artisans » (Werktor).