5.2.4.1.2. Choix des méthodes de prospection

Le P.P.R.F. a entrepris à partir de 2003 des prospections magnétiques réparties en plusieurs secteurs tout autour de la terrasse de Persépolis, sur une surface totale d’une quarantaine d’hectares. Une partie des ces prospections a été effectuée sur une zone d’environ 4 ha, s’étendant au sud-ouest et au sud de la terrasse. Elle inclut le sud de l’esplanade située devant la façade occidentale de la terrasse royale, ainsi qu’une partie de la surface libre entre la façade méridionale et les premiers vestiges du Barzan-e Jonoubi.

La carte du gradient magnétique obtenue (Fig. 5-4) est très fortement perturbée par la présence importante de métal à la fois en surface et dans le proche sous-sol. Il s’agit de fortes anomalies ponctuelles dues aux déchets métalliques et aux lampadaires, ou de longues anomalies linéaires. Ces dernières correspondent certainement à des réseaux modernes enfouis : réseaux électriques pour la partie nord de la carte, car elles sont reliées à l’emplacement des lampadaires installés sur l’esplanade ; réseaux de canalisations au sud ayant pour origine une station de pompage installée au nord-est du secteur de Barzan-e Jonoubi. La présence de ces aménagements modernes perturbe fortement les résultats de la prospection magnétique, en masquant la présence de réponses de plus faible intensité pouvant être liées à la présence de vestiges enfouis.

Figure 5‑4 : Carte du gradient magnétique obtenue au cours des prospections entreprises par le P.P.R.F. au sud-ouest de la terrasse royale de Persépolis
Figure 5‑4 : Carte du gradient magnétique obtenue au cours des prospections entreprises par le P.P.R.F. au sud-ouest de la terrasse royale de Persépolis

Entre les fortes perturbations métalliques, quelques anomalies de plus faible intensité sont néanmoins visibles. Elles paraissent toutefois correspondre au tracé d’aménagements modernes, routes ou fossés, et aux contours de l’emprise des fouilles anciennes. L’absence manifeste de réponses liées à une occupation ancienne du site pourrait traduire l’incapacité de la méthode magnétique à les détecter, à cause des importantes perturbations modernes. Des traitements du signal plus poussés, destinés à mettre en valeur les plus petites variations du champ magnétique et à atténuer les influences des éléments métalliques, pourraient éventuellement permettre de faire apparaître des anomalies de plus faible amplitude. Ne disposant pas des données brutes, il nous est impossible de tester de tels traitements. Ces prospections confirment néanmoins que les couches superficielles ont dû être largement bouleversées par les aménagements récents autour du site. Elles permettent également de localiser avec précision le tracé des réseaux souterrains, qui peuvent également induire des anomalies au cours des prospections géophysiques avec d’autres méthodes. D’un point de vue méthodologique, les prospections magnétiques entreprises par le P.P.R.F. avec la méthode magnétique démontrent enfin la nécessité de mettre en œuvre, au pied de la terrasse, d’autres techniques d’investigation géophysique.

Figure 5‑5 : Vue aérienne oblique, vers le sud, de l’esplanade au pied de la terrasse de Persépolis (cliché BNC, printemps 2004) montrant les différents types de surface présents : terre argileuse végétalisée au pied de la terrasse ; gravier vers l’est ; dalles de bétons devant l’escalier monumental.
Figure 5‑5 : Vue aérienne oblique, vers le sud, de l’esplanade au pied de la terrasse de Persépolis (cliché BNC, printemps 2004) montrant les différents types de surface présents : terre argileuse végétalisée au pied de la terrasse ; gravier vers l’est ; dalles de bétons devant l’escalier monumental.

Parmi les autres méthodes géophysiques existantes, le choix devait donc se tourner vers des techniques qui permettent de prospecter le sous-sol en dessous des couches superficielles fortement remaniées, à des profondeurs allant du demi-mètre à plus de 2 m. La méthode radar-sol766 rassemble en théorie l’ensemble de ces critères. Son principal avantage est pouvoir contrôler les profondeurs d’investigation, la résolution des cartes radar-sol diminuant toutefois avec l’augmentation de la profondeur. Au pied de la terrasse, les vestiges recherchés peuvent être enfouis sous d’épaisses couches de remblai, mais sont a priori de grandes dimensions : le radar-sol pourrait donc permettre de les détecter. Les possibles vestiges plus superficiels pourraient également être repérés, a priori avec une bonne résolution. La nature du proche sous-sol dans les environs immédiats constitue toutefois le principal frein à la prospection radar-sol. Le terrain est en effet très probablement formé de colluvions provenant des pentes du Kuh-e Rahmat, mélangées à des sédiments argileux issus de l’érosion des bâtiments de la terrasse. Cette nature argileuse peut ainsi laisser craindre de fortes déperditions de l’énergie portée par l’onde électromagnétique émise dans le sous-sol. Pour pallier ce problème, nous avons opté dès le départ pour l’utilisation d’une antenne émettant une onde à basse fréquence, permettant d’atteindre des profondeurs d’investigation de l’ordre de 2 m, un maximum théorique considérant la nature argileuse du sol. La perte de résolution horizontale liée à l’emploi d’un tel dispositif est acceptable du fait de la taille supposée importante des vestiges recherchés.

Au pied de la terrasse, il était également possible d’envisager la mise en œuvre des méthodes électriques de mesure de résistivité apparente des sols767. Les sols étant pour la plupart recouverts de gravier ou de goudron, effectuer ces mesures par l’intermédiaire d’électrodes plantées dans le sol est impossible. Nous avons donc décidé de tester l’emploi du M.P.U.768 sur une très petite surface recouverte de larges dalles de bétons devant l’entrée principale occidentale. La surface du test est restée volontairement très limitée, la profondeur maximale d’investigation du M.P.U. est en effet assez faible, de l’ordre du mètre. De plus, pour obtenir de bons résultats, le contact entre les électrodes du M.P.U. et le sol doit être optimal, ce qui n’est pas le cas pour les différents types de surface au pied de la terrasse de Persépolis (Fig. 5-5) : au pied, la terre est à nu mais présente une végétation éparse ; 40 m plus à l’ouest, la surface est recouverte de gravier grossier. Bien qu’entrepris sur une surface limitée, l’intérêt de ce test est triple : méthodologique, en appui des données radar-sol ; géomorphologique, pour obtenir des données sur la nature sédimentaire du proche-sous sol devant la terrasse ; archéologique, pour détecter d’éventuels aménagements anciens destinés à filtrer, réguler ou protéger l’accès au site par la porte monumentale.

Notes
766.

Cf. § 3.3.2.2

767.

Cf. § 3.3.2.3

768.

Cf. § 3.3.2.3.2