5.2.5. Conclusion : organisation du quartier royal et perspectives de recherche

5.2.5.1. La difficile détermination des limites du quartier royal

La question des limites du quartier royal peut trouver quelques éléments de réponse basés essentiellement sur la prise en compte des données archéologiques connues. Les prospections géophysiques n’ont effectivement pas mis en évidence d’éléments nouveaux sur le sujet.

La question des remparts est cruciale pour permettre de mieux délimiter le quartier royal 773 . Si la fortification de la terrasse est bien attestée et assurée en premier lieu par le haut mur de soubassement, le système de défense présente des faiblesses. Les remparts sur les pentes du Kuh-e Rahmat complètent toutefois le dispositif, mais ils paraissent essentiellement être construits pour protéger le versant qui paraît peu occupé car difficilement constructible. D’après la restitution du système défensif proposé par A. Mousavi (Pl. 18), la terrasse et le rempart du Kuh-e Rahmat formaient une seule ligne de défense774. L’hypothèse de l’existence d’un second rempart repose avant tout sur la description de Persépolis par Diodore de Sicile, et sur le constat de la nécessité de renforcer les défenses des différents édifices du quartier royal. En cela, l’existence d’un second rempart englobant la terrasse et le Barzan-e Jonoubi serait séduisante, car elle permettrait de délimiter nettement le quartier royal. Il existerait quelques témoignages archéologiques de l’existence de cette enceinte. Ils correspondent aux trois sections de mur mis au jour par A. Tadjvidi à une centaine de mètres à l’ouest de la terrasse. Cependant, les données archéologiques sont pour l’instant loin de pouvoir attester de manière certaine de l’existence de ce second rempart, et son tracé reste largement énigmatique malgré les hypothèses de restitution publiées par A. Mousavi775. Il faut donc pour l’instant se baser sur d’autres critères pour tenter de déterminer les limites du quartier royal.

La définition de ce quartier royal pourrait se faire sur des bases architecturales et fonctionnelles. Dans ce cadre, de nombreux points de comparaison existent entre la terrasse royale et le Barzan-e Jonoubi au sud776 (Pl. 19). Tous deux ont été construits sur le piedmont du Kuh-e Rahmat après d’importants travaux de terrassement, entrepris probablement de manière quasi-simultanée. L’orientation des différents bâtiments des deux secteurs est à peu de chose près parallèle. Le programme architectural est comparable dans le deux cas : il témoigne de la présence de bâtiments luxueux, à caractère ostentatoire. La comparaison architecturale s’arrête bien entendu au fait que les bâtiments de la terrasse sont plus vastes et probablement plus prestigieux. Enfin, la connexion entre les deux secteurs était assurée par la présence d’une porte, qui a été rebouchée à une date indéterminée. Prises en compte dans leur ensemble, ces données pourraient montrer que le quartier royal a pu être conçu dès le départ comme un projet cohérent à deux terrasses portant les bâtiments royaux les plus prestigieux de Persépolis.

Toutefois, la question des limites se pose à nouveau. En l’état actuel des connaissances, la partie nord du Barzan-e Jonoubi ne paraît pas construite, et il est impossible de déterminer une continuité de l’occupation entre la terrasse royale et ce groupe de bâtiments au sud. Plus au sud, la définition des limites du Barzan-e Jonoubi est également assez floue, puisque la fouille des vestiges d’un pavillon à 600 m au sud-ouest de la tombe inachevée, et plus au sud d’au moins une base de colonnes sur un vaste tepe, pourrait laisser penser que les édifices du Barzan-e Jonoubi ne sont que l’extrémité nord d’un plus vaste ensemble de constructions luxueuses. Ce constat pose par conséquent le problème de l’existence d’un rempart partant au niveau de la tombe inachevée puisque celui-ci couperait en deux cet ensemble. Malgré cela, les arguments en faveur d’une connexion étroite, au moins jusqu’à l’abandon de la porte sud, entre la terrasse royale et le secteur du Barzan-e Jonoubi, jusqu’à la tombe inachevée, paraissent fondés.

Le rattachement du vallon nord à l’ensemble quartier royal (Pl. 21), étudié sur les bases de la restitution du tracé du second rempart proposée par A. Mousavi777, semble plus problématique778. Il ne peut pas, comme pour la Barzan-e Jonoubi, se faire sur la base de comparaisons architecturales, car le seul bâtiment attesté, où est réemployé un encadrement de porte achéménide, est daté du post-achéménide. Le vallon nord, d’après la carte géophysique issue des prospections magnétiques entreprises par le P.P.R.F. et les données archéologiques, ne paraît pas avoir connu une occupation se traduisant par d’importants travaux de nivellement ou la présence d’un bâti dense. L’activité dans le vallon nord semble s’être surtout concentrée sur l’exploitation de la pierre le long des affleurements calcaires délimitant le secteur. Les carrières du vallon nord sont très certainement destinées à alimenter les chantiers de la terrasse royale en matériaux de construction, comme le prouve la présence des deux chapiteaux inachevés. L’existence d’une porte au niveau de l’angle nord-est de la terrasse pourrait de plus avoir servi à relier directement les chantiers de construction aux carrières. Lors de l’exposé des résultats des prospections menées le long du piedmont du Kuh-e Rahmat, au nord de la terrasse de Persépolis, nous verrons que cette activité d’exploitation de la pierre s’étend bien au-delà du seul vallon nord779. Dans ce dernier, il faut toutefois noter que l’extraction paraît plus importante, du fait de la proximité du quartier royal. D’un point de vue fonctionnel, le vallon nord serait plutôt à relier au vaste secteur d’exploitation extensive de la pierre le long du Kuh-e Rahmat qu’au quartier royal.

La question des limites du quartier royal doit également prendre en compte les autres édifices royaux dans la plaine, à Dasht-e Gohar ou encore à Naqsh-e Rustam. Les alentours immédiats de la terrasse ne concentrent en effet pas la totalité des constructions à caractère royal, et il est possible que l’ensemble de ces sites dessine les limites d’une plus vaste portion de la plaine, la zone d’occupation de Persépolis, sur laquelle les souverains achéménides ont souhaité imprimer leur marque780.

Notes
773.

Cf. § 5.2.1

774.

Mousavi 1992 ; Boucharlat 1997 : 222-n.9 en fait deux lignes de défense indépendantes.

775.

Mousavi 1992

776.

Cf. § 5.2.3

777.

Mousavi 1992

778.

Cf. § 5.2.3.5

779.

Cf. § 5.5.4.2

780.

Cf. § 5.1.3.1 et 5.7.3