5.3.5. L’occupation ancienne du secteur de Persepolis Nord-Ouest : bilan des prospections

5.3.5.1. La question de la préservation des vestiges archéologiques

5.3.5.1.1. Des couches superficielles très remaniées

Si les prospections à l’ouest de la terrasse royale ont mis en évidence un plan d’occupation ancien à l’échelle du secteur de Persépolis Nord-Ouest 849, les différents résultats ne permettent que difficilement de déterminer la nature et l’organisation des aménagements à l’intérieur de ce vaste parcellaire.

Une première explication peut venir de la mauvaise préservation des vestiges archéologiques. Aujourd’hui, l’ensemble de la région est en effet intensément cultivé. La mise en culture des alentours du quartier royal est probablement largement antérieure à l’époque moderne, comme le prouve l’existence de réseaux de qanat longeant la limite occidentale de la terrasse royale. Ces qanat sont aujourd’hui remblayés, mais sont bien visibles sur les photographies aériennes prises en 1936 par E.F. Schmidt850. Ces mêmes images montrent de plus que des champs bordaient le quartier royal à la fin des années 1930 (Fig. 5-34). A cette époque, l’agriculture était toutefois peu mécanisée et les labours devaient rester superficiels. Depuis ces quarante dernières années, les modes de production agricoles modernes ont profondément modifié le paysage de la plaine851. La pratique de labours mécanisés a perturbé une épaisseur de sol importante. A cela s’ajoute également le creusement de réseaux de canaux d’irrigation dans les champs. La succession de ces cycles agricoles a amené d’importants remaniements des premiers décimètres de sol.

Parallèlement, de nombreux indices montrent que les dynamiques géomorphologiques de recouvrement sont très faibles dans le secteur depuis l’abandon de Persépolis852. D’un point de vue géomorphologique, le secteur de Persépolis Nord-Ouest se trouve assez loin da la rivière Pulvar, et à plus de 15 m au-dessus de son lit : elle a donc dû être protégée des crues et de l’apport de sédiments alluviaux. L’apport de matériaux depuis les pentes a dû être limité, puisque les versants étaient déjà en grande partie mis à nu avant le Ier millénaire. Les données archéologiques récoltées au cours de nos travaux montrent également que les niveaux d’occupation anciens doivent affleurer. Les vestiges des différents monuments du Barzan-e Jonoubi, au sud de la terrasse royale, ou encore, au nord-ouest, l’édifice du Temple des Fratarakas, affleuraient avant leur fouille. L’observation peut être étendue aux deux tepes Tol-e Bakun A et B (Pl. 20), au sud-ouest de la terrasse royale, dont les niveaux d’occupation du chalcolithique dominent la plaine de plusieurs mètres, prouvant que depuis cette époque les recouvrements sont faibles. A ces observations, il faut ajouter la présence sur l’ensemble du secteur de Persépolis Nord-Ouest de nombreux éléments architecturaux, par exemple au sud-ouest du parking ouest. Pour la plupart, ils ne sont pas en place, car ils ont été probablement déterrés au cours des labours. Leur présence prouve toutefois qu’ils devaient être peu profondément enfouis. Enfin, il faut revenir à la coupe stratigraphique relevée dans le secteur de Persepolis West, où sous la couche superficielle de labours, de 20 à 40 cm d’épaisseur, apparaissent immédiatement les niveaux archéologiques.

La perturbation des niveaux archéologiques affleurants pourrait expliquer en grande partie l’absence de résultats précis concernant les plans des différents aménagements sur les cartes magnétiques, en particulier dans les zones de fort magnétisme. La prospection magnétique permet d’obtenir des informations sur les derniers niveaux d’occupation, les anomalies créées par ces derniers masquant celles des couches plus profondes853. Les cartes obtenues dans le secteur de Persépolis Nord-Ouest témoignent donc de l’état des premiers décimètres de sol, largement remaniés par la succession des labours. L’absence d’anomalies organisées, liée à la présence d’éventuels vestiges de construction, peut donc s’expliquer par leur arasement. Les couches de terrain superficielles pourraient toutefois renfermer d’importantes concentrations de matériaux, issus de la destruction des différents aménagements anciens, et potentiellement plus magnétiques que le sédiment naturel. L’étude de la coupe à Persepolis West a également révélé des couches très cendreuses, correspondant très probablement à des rejets de fours ou de foyers situés à proximité. Ces déchets, ainsi que les débris des structures de combustion, sont très magnétiques, et leur présence dans le proche sous-sol pourrait expliquer les fortes valeurs de gradient enregistrées sur certains secteurs.

Notes
849.

Cf. § 5.3.5.2.1

850.

Schmidt 1940 : Plate 2

851.

Cf. § 2.6.3

852.

Cf. § 2.3 et 2.5.2

853.

Cf. § 3.3.2.1.1