5.3.5.2. Le plan d’organisation ancien de Persépolis Nord-Ouest

5.3.5.2.1. Les vestiges d’un parcellaire ancien ?

Les différentes prospections magnétiques menées à Persépolis Nord-Ouest ont permis de mettre en évidence un réseau cohérent de longues anomalies linéaires, correspondant très probablement aux vestiges d’un ancien plan d’organisation du secteur (Pl. 24).

Sur l’ensemble des cartes magnétiques obtenues, ce plan se caractérise par la présence de longues lignes orientées suivant deux directions perpendiculaires. Les longues anomalies présentant une orientation moyenne de 20° vers l’ouest par rapport au nord géographique correspondent le plus souvent à des lignes doubles, parallèles, espacées de 5 m environ. Elles présentent une valeur de gradient négative, en cela elles sont probablement liées à la présence de fossés. En effet, les restes de fossés produisent souvent des anomalies négatives, car il a été nécessaire d’enlever de la terre pour les creuser, et ce déficit de sédiment se traduit par une plus faible valeur du gradient. Par conséquent, l’espacement entre les deux anomalies signifierait qu’il s’agit de deux fossés parallèles. Ils pourraient, par exemple, encadrer les deux bordures des chemins, dessinant ainsi l’existence d’un réseau viaire à l’échelle de Persépolis Nord-Ouest.

Les longues anomalies perpendiculaires présentent une orientation moyenne de 70° vers l’est par rapport au nord géographique. La nature des grandes lignes nord/sud est donc différente de celles orientées est/ouest. Elles correspondent toutes à une ligne simple, de gradient le plus souvent négatif. Dans leur grande majorité, il pourrait s’agir à nouveau de fossés. Certaines de ces anomalies présentent toutefois une amplitude positive, par exemple au nord-ouest du parking857. Elles pourraient traduire la présence de vestiges de constructions858 et non plus de simples fossés creusés dans le sol.

L’ensemble de ces anomalies dessine un maillage irrégulier qui pourrait définir un schéma d’organisation conçu à l’échelle de Persépolis Nord-Ouest (Pl. 24). Il se matérialiserait essentiellement par un ensemble de chemins, de fossés de drainage ou d’irrigation. La taille des cellules est généralement importante, par exemple au nord du parking elle peut aller de 5000 m² à un peu plus de 1000 m² pour les plus petites plus au nord. Les surfaces délimitées sont vastes, il s’agirait donc des vestiges d’un ancien parcellaire et non du plan d’une ville.

Si les orientations moyennes des limites de ce parcellaire sont globalement identiques, il peut toutefois exister des décalages, par exemple sur le secteur de Persepolis West où les anomalies est/ouest présentent toutes une orientation vers l’est supérieure à 70°. Pour l’ensemble des prospections menées dans le secteur de Persépolis Nord-Ouest, les lignes nord/sud présentent par contre une orientation remarquablement stable, de 20° par rapport au nord, avec seulement un ou deux degrés d’écart. L’espacement entre ces différentes anomalies nord/sud paraît également plus régulier que celui des lignes est/ouest. Dans le premier cas, il est compris entre 50 et 70 m, alors que dans le second cas il va de 10 à 50 m. Les axes nord/sud ont donc pu être implantés avec plus de régularité, et leur tracé aurait subi moins de transformations que les limites est/ouest. S’il s’agit bien de chemins, il est possible qu’ils aient constitué la base du parcellaire, les différents fossés ou aménagements est/ouest venant ensuite prendre appui sur le réseau viaire. La régularité de l’espacement entre ces éventuels chemins peut s’expliquer par la volonté de mettre en place un réseau viaire bien structuré, permettant de circuler sur l’ensemble du secteur de Persépolis Nord-Ouest.

Figure 5‑34 : Comparaison entre les orientations du parcellaire ancien détecté sur les cartes magnétiques du secteur de Persépolis Nord-Ouest et celles des champs apparaissant sur une photographie aérienne datée de 1936
Figure 5‑34 : Comparaison entre les orientations du parcellaire ancien détecté sur les cartes magnétiques du secteur de Persépolis Nord-Ouest et celles des champs apparaissant sur une photographie aérienne datée de 1936

Une fois ce parcellaire caractérisé, son ancienneté reste à démontrer. Il pourrait effectivement s’agir d’une organisation abandonnée très récemment. Toutefois, plusieurs observations permettent de prouver l’ancienneté de ce parcellaire.

En premier lieu, une même anomalie rectiligne peut traverser plusieurs champs. Ces grandes lignes ne sont donc pas liées à des travaux agricoles entrepris dans les limites actuelles des parcelles. L’orientation générale du parcellaire moderne est de plus généralement différente. Au sud de Persépolis Nord-Ouest, le long de la route actuelle d’accès à la terrasse de Persépolis, les champs présentent une orientation de 70° vers l’est par rapport au nord, alors qu’elle est ici parallèle aux longues anomalies est/ouest. Toutefois, plus au nord, le parcellaire moderne change complètement d’orientation et les champs s’alignent sur deux larges canaux d’irrigation, orientés suivant une direction de 45° par rapport au nord (Pl. 22). Le réseau détecté grâce à la prospection géophysique est donc plus ancien que le plan d’organisation actuel

Il paraît également intéressant de comparer ce parcellaire aux documents cartographiques les plus anciens dont nous disposons pour la région. Il s’agit des photographies verticales de la terrasse de Persépolis prises par E.F. Schmidt au cours de ses campagnes de prospections aériennes859 (Fig. 5-34). Bien que centrées sur le quartier royal, elles laissent entrevoir une partie de ses environs, qui en 1936 étaient déjà largement cultivés. L’orientation des parcelles à cette époque est en décalage de 15° vers l’ouest par rapport à celle des longues lignes détectées grâce à la prospection magnétique. Le parcellaire qui apparaît sur les cartes magnétiques ne correspond donc pas à une organisation récente du territoire. Son ancienneté reste pour l’instant toute relative, le parcellaire ancien pouvant tout à fait dater des périodes islamiques. Cette question de sa datation précise sera abordée ultérieurement, en prenant en compte l’ensemble des données issu de nos prospections860 et des fouilles récentes d’une mission irano-italienne.

Notes
857.

Cf. § 5.3.3.2.2.2

858.

Voir les données récentes des sondages pratiqués au nord du parking, cf. § 5.3.3.3.3

859.

Schmidt 1940 : Plates 1-6

860.

Cf. § 5.3.5.2.3 et 5.3.5.3