5.4.1.1.2. La carte de l’occupation achéménide autour de Firuzi

Au cours de leurs fouilles et de leurs prospections, les architectes italiens relèvent à l’est de Firuzi, dans le secteur de Bagh-e Firuzi, la présence d’un regroupement d’au moins cinq bâtiments présentant des éléments d’architecture en pierre887. Les points communs, stylistiques et techniques, entre les différents sites leur permettent de supposer l’existence d’édifices monumentaux, à caractère aristocratique, construits avant l’édification de la terrasse de Persépolis888. Lors de la publication des données, les différents sites ont été désignés par des lettres de l’alphabet. Les cinq sites évoqués correspondent à ceux désignés par les lettres B à F sur la carte de répartition qui accompagne les descriptions (Pl. 25). Les sites H et G889 sont situés plus à l’est. Ils présentent des indices d’occupation datés de la période achéménide de nature différente des autres sites et ne sont pas explicitement intégré à l’ensemble de site de Bagh-e Firuzi.

W. Sumner va s’appuyer sur ses propres données de prospection et sur celles publiées par les italiens pour définir un secteur d’occupation achéménide beaucoup plus large autour de Firuzi. L’archéologue américain regroupe dans ses descriptions un ensemble de douze sites situés à proximité village. Il s’agit, vers l’est, des cinq sites qui définissent d’après A.B. Tilia le secteur de Bagh-e Firuzi. Il ajoute quatre sites plus à l’est, correspondant aux sites G et H publiés par A.B. Tilia plus un quatrième situé plus au sud. Enfin, il étend son étude au sud du village de Firuzi, à un ensemble de trois sites étudiés au cours de ses prospections. Parmi ces douze sites, W. Sumner estime que neuf, peut-être dix, présentent des indices d’occupation achéménide890. W. Sumner a numéroté les sites de 1 à 12, chacun portant le nom de Firuzi suivi d’un numéro (Pl. 26). Pour la suite de notre étude, nous avons décidé de reprendre cette nomenclature. Pour les sites évoqués en commun dans les publications de W. Sumner et de A.B. Tilia, le numéro est parfois suivi du code alphabétique appliqué par l’équipe italienne. Enfin, lorsque le nom vernaculaire du site est connu, nous l’avons également ajouté au nom du site donné par W. Sumner.

La surface de la zone d’occupation de Firuzi définie par W. Sumner mesure plus de 600 ha891. En l’absence de limites physiques naturelles précises, l’étendue du secteur de Firuzi est difficile à déterminer, si ce n’est vers le nord où le lit du Pulvar définit une frontière évidente. Si l’on compare la carte ancienne du secteur publiée par W. Sumner (Pl. 26) à la topographie actuelle du terrain (Pl. 27 et 28), le secteur de Firuzi serait actuellement délimité au sud par la double voie reliant Persépolis à Marvdasht. Vers l’ouest, cette limite correspondrait à un large canal d’irrigation de direction nord-est/sud-ouest. La route menant à Istakhr depuis le village de Madiyeh matérialiserait la frontière orientale.

Le petit nombre de sites, rapporté à la surface, amène W. Sumner à considérer le secteur de Firuzi comme peu densément occupé mais représentant toutefois, à l’échelle de la plaine, une région unique où se trouvent rassemblés des sites achéménides de nature très différente : constructions luxueuses, habitat plus commun et ateliers de production artisanale892. Toutefois, la faible densité de sites pourrait s’expliquer par la présence de plusieurs demeures aristocratiques entourées de jardins893. Par comparaison, le secteur de Persepolis West, caractérisé par un ensemble dense de tepes, correspondrait plus classiquement aux vestiges d’une ville densément construite894. Bien que d’un point de vue archéologique tout semble les opposer, l’ensemble formé par Persepolis West et Firuzi pourraient correspondre, d’après W. Sumner, aux vestiges d’une seule et même agglomération, Matezzish, dont Firuzi constituerait le quartier résidentiel de l’élite895. Ce faisant, il faut remarquer qu’il met de côté les vestiges d’occupation plus ordinaires évoqués précédemment et qui, comme nous allons le voir, se trouvent plutôt concentrés au sud de Firuzi.

Notes
887.

Tilia 1978 : 80-85

888.

ibid. : 84, 90-91

889.

Sur la carte de répartition des sites (Pl. 25), la lettre G désigne un ensemble de deux sites proches.

890.

Sumner 1986a : 8

891.

Estimation reprise de ibid. : 12-Table 1

892.

ibid. : 9 et 12

893.

ibid. : 28

894.

ibid. : 9. Notons que nos prospections magnétiques à Persepolis West, entreprises sur des surfaces limitées, ont permis de détecter de possibles zones bâtis sans toutefois permettre d’obtenir l’image d’un secteur densément construit, cf. § 5.3.3.3, 5.3.5.2.2. Le secteur de Persepolis West a toutefois connu de nombreux terrassement récents qui ont pu détruire les vestiges archéologiques, cf. § 5.3.3.3.2.2.

895.

Comme le remarque Tuplin 1996 : 89-n.36 W. Sumner semble changer d’interprétation au cours de son article entre le début où il estime que Firuzi est une partie de la ville de Matezzish (Sumner 1986a : 9 et 23) alors qu’à la fin il semble en faire un site à part destiné à l’élite (.ibid. : 28, le nom de Matezzish n’est effectivement associé explicitement qu’au site de Persepolis West). Néanmoins, cette différence peut faire sens lorsque l’on étudie la dernière partie de son article. W. Sumner s’essaie alors à une tentative de restitution des dynamiques de l’occupation achéménide aux alentours de la terrasse royale à partir de sa fondation. L’archéologue américain pense qu’avant cette époque Firuzi et Persepolis West/Matezzish correspondaient à deux secteurs très différents puis avec la construction du quartier royal la ville populaire a pu connaître une croissance importante et s’étendre jusqu’à Firuzi. W. Sumner décrit en effet le processus comme suit « When Darius ordered the construction of Persepolis, Matezzish suddenly became a boom town, host to hundreds of foreign workers, brought in with their families for the great project. […], the peaceful quiet of the Firuzi gardens was shattered by the crack of masons' hammers and the roar of kilns firing ornamental glazed bricks. » (ibid. : 28). , cf. § 5.1.2.3 et 5.7.2.2.