5.4.4.2.3. La question des aménagements périphériques au tepe rectangulaire

5.4.4.2.3.1. Un possible fossé périphérique

D’après W. Sumner, le tepe central serait entouré sur trois côté d’une enceinte dont les vestiges s’élèvent au maximum à 2 m au-dessus de la plaine. Aujourd’hui, les vestiges de cet aménagement ont très largement disparu, sur le terrain rien ne permet de restituer la présence d’une telle enceinte. Dans un premier temps, il est donc nécessaire d’étudier la documentation cartographique contemporaine des prospections de W. Sumner, pour tenter de reconstituer le tracé de cet aménagement qui entourerait le tepe rectangulaire central.

L’identification de cette enceinte sur la carte de 1966 pose problème. Si l’on étudie la carte, les courbes de niveau dessinent effectivement autour du tepe une variation topographique du terrain de forme rectangulaire ouverte du côté nord-ouest (Fig. 5-47). Ses dimensions correspondent à celle publiée par W. Sumner pour l’enceinte. Néanmoins, ces lignes de niveau ne dessinent non pas les contours d’un relief mais ceux d’une dépression. A l’angle nord-est, où les restes de l’enceinte devaient mesurer 2 m de haut d’après W. Sumner, les courbes de niveau traduisent bien l’existence d’un dénivelé de 2 m mais au-dessous de l’altitude moyenne de la plaine Une représentation en relief du secteur de Bagh-e Firuzi Est a été construite à partir d’une numérisation des lignes de niveau reportées sur les cartes de 1966 (Fig. 5-51). Elle permet de visualiser la topographie originelle, et en particulier la fosse qui entoure le tepe central sur trois côtés. L’étude de ces cartes ne permet donc pas de restituer les vestiges d’une enceinte tels qu’ils sont décrits succinctement par W. Sumner. L’existence de cet aménagement pourrait résulter d’une erreur d’interprétation des données cartographiques.

Figure 5‑51 : Modèle numérique de terrain de la partie occidentale de Bagh-e Firuzi construit à partir de la topographie relevée sur les cartes au 1:5000 levées en 1966 (échelle colorimétrique : vert sombre 1608m à rouge 1614m, distance entre Tol-e Jangi et Tol-e Jangi B : 950 m)
Figure 5‑51 : Modèle numérique de terrain de la partie occidentale de Bagh-e Firuzi construit à partir de la topographie relevée sur les cartes au 1:5000 levées en 1966 (échelle colorimétrique : vert sombre 1608m à rouge 1614m, distance entre Tol-e Jangi et Tol-e Jangi B : 950 m)

Malgré cette possible erreur d’interprétation de la topographie, W. Sumner n’a pas pu avancer l’hypothèse de la présence d’une enceinte autour de Firuzi 5 sans que cela n’ait aucune réalité sur le terrain. Dans le Gazetteer, l’entrée correspondant à ce site n’intègre que le tepe central et ne signale la présence d’aucune enceinte. Il semble donc qu’il n’a pas constaté de lui-même son existence. Au cours de sa description de Firuzi 5, il indique que ses informations proviennent de ses propres archives de prospections mais aussi de celles de T. Cuyler-Young960. C’est donc probablement ce dernier qui a relevé sur le terrain les vestiges d’une enceinte autour du tepe. W. Sumner, à partir de ces données indirectes, a pu chercher à restituer le tracé de cette construction sur les cartes, commettant alors une erreur de lecture en prenant la large fosse pour les restes de l’enceinte. La question se pose alors de la nature des observations qui l’ont conduit à supposer l’existence d’une enceinte à Firuzi 5.

L’étude d’images satellites CORONA prises au cours de l’année 1970961, soit quelques années seulement après les prospections de W. Sumner, permet effectivement de visualiser la présence d’un grand aménagement entourant le tepe rectangulaire central (Fig. 5-52). Du fait de la faible résolution du cliché, il est toutefois difficile de distinguer la nature de cet aménagement. Les traces périphériques plus sombres devraient plutôt correspondre à des zones plus humides, donc plutôt au tracé d’anciens fossés. Une superposition des données des cartes de 1966 et de l’image satellite permet de constater une correspondance partielle entre la large fosse visible en topographie et les traces plus sombres sur la photographie. Par exemple, le côté sud-ouest de la fosse se superpose parfaitement à une large bande plus sombre. Pour les côtés sud-est et nord-est de la fosse, la correspondance entre les deux documents est moins évidente. Sur l’image CORONA, une limite est visible, correspondant à une légère variation de la couleur des sols sans pour autant que cette interface soit marquée par des traces plus sombres. Il faut enfin noter que le côté nord-ouest est marqué sur l’image CORONA par une bande plus sombre alors qu’à cet endroit la carte ne permet pas de restituer une continuité de la dépression.

Figure 5‑52 : Topographie de Firuzi 5 extraite de la carte au 1:5000 surperposée sur une image satellite CORONA centrée sur le site et tracé des aménagements périphériques visibles sur la vue aérienne (prise de vue datée du 25 mai 1970)
Figure 5‑52 : Topographie de Firuzi 5 extraite de la carte au 1:5000 surperposée sur une image satellite CORONA centrée sur le site et tracé des aménagements périphériques visibles sur la vue aérienne (prise de vue datée du 25 mai 1970)

La prise en compte de l’image CORONA permet donc de constater à nouveau l’existence d’un aménagement périphérique entourant l’ensemble du tepe rectangulaire central, suggérant également sa continuité au nord-ouest. La nature de cet aménagement est difficile à déterminer précisément puisque les traces relevées sur l’image CORONA sont de nature différente. Toutefois si l’on croise les différentes données, la topographie montre que le tepe est entouré d’une large dépression sur au moins trois côtés à l’est et l’image satellite permet de supposer l’existence d’un ancien fossé au sud-ouest et au nord-ouest marqué par des bandes plus sombres. L’ensemble de ces observations pourrait donc indiquer la présence d’un ancien fossé tout autour du tepe rectangulaire et non d’une enceinte.

Notes
960.

ibid. : 8-n.7

961.

Cf. § 3.1.1