5.4.4.3.2. Résultats de la prospection magnétique sur et aux alentours de Tol-e Ajori

5.4.4.3.2.1. Prospections magnétiques sur Tol-e Ajori

La majeure partie de la surface du site a pu être prospectée (Pl. 29 et Fig. 5-59), la topographie ne présentant pas de difficulté pour la progression de l’opérateur. La prospection magnétique dans la partie nord-ouest du tepe a cependant été interrompue par la présence du fossé. Les prospections ont pu être reprises dans les champs situés plus au nord, de l’autre côté du fossé, incluant ainsi la limite nord-ouest du site. Le canal en béton construit le long de la limite sud a été franchi mais les anomalies qu’il induit, en particulier à l’endroit où ont été installées des vannes en métal, perturbent fortement la carte magnétique. Par voie de conséquence la détection d’éventuelles structures archéologiques périphériques au sud a été rendue difficile. Les champs situés au sud et au nord-ouest du tepe, étaient libres lors de notre mission d’automne 2005. Nous avons donc pu étendre les surfaces prospectées au-delà des seules limites du site : une surface de 1,5 ha a pu être couverte au sud de Tol-e Ajori  ainsi que 0,5 ha au nord-ouest (Pl. 29 et Fig. 5-59). Les champs étaient hersés et ne présentaient pas d’obstacles à la mise en œuvre des prospections. Néanmoins des casiers et des canaux d’irrigation étaient par endroit déjà aménagés. Ils peuvent produire des anomalies rectilignes de faible amplitude sur les cartes magnétiques.

La carte magnétique obtenue sur Tol-e Ajori est très peu perturbée par des aménagements modernes. Le tracé courbe du canal moderne en béton, au sud du tepe, apparaît distinctement (Fig. 5-59–en jaune sur le schéma d’interprétation). Au sud-est, une très forte anomalie ponctuelle correspond à l’une des vannes en fer destinées à réguler le débit de l’eau. Elle masque en partie les anomalies liées aux structures archéologiques. Toutefois les perturbations produites par ce petit canal sont très limitées.

Figure 5‑59 : Carte du gradient magnétique sur et autour de Tol-e Ajori, en insert agrandissement de la carte du gradient magnétique (en haut) et schéma d’interprétation (en bas)
Figure 5‑59 : Carte du gradient magnétique sur et autour de Tol-e Ajori, en insert agrandissement de la carte du gradient magnétique (en haut) et schéma d’interprétation (en bas)

La carte magnétique permet de détecter assez nettement les vestiges des fondations, en brique cuite, d’un bâtiment, produisant de très fortes anomalies magnétiques977, qui s’organisent suivant un plan de forme carrée de 40 m de côté dont les angles pointent en direction des points cardinaux (Fig. 5-59-en rouge sur le schéma d’interprétation). Les anomalies correspondant aux murs extérieurs du bâtiment sont très larges et dépassent 7 m. Bien que les murs de cette construction puissent être très épais, ils ne doivent toutefois pas atteindre une telle dimension. En effet dans la coupe, les sections de mur en brique cuite font environ 1 m de large. La forme des anomalies peut s’expliquer de deux façons. D’une part lors de l’effondrement des constructions, des briques ont pu tomber de part et d’autre des assises du mur et former ainsi un large amas de briques. D’autre part, les murs construits en brique cuite produisent généralement ce type d’anomalies irrégulières, c'est-à-dire un signal très brouillé, formé d’une multitude de réponses d’orientation et d’amplitude différentes978. Cette réponse particulière est liée au fait que chacune des briques produit un champ magnétique propre acquis au moment de la cuisson et dépendant de l’intensité et de l’orientation du champ magnétique terrestre au moment de leur fabrication. Si ces briques sont orientées de manière différente lors de la construction, ou éparpillées du fait de l’effondrement des élévations, les champs individuels produits par chacune s’ajoutent ou se soustraient. La structure produit alors une anomalie magnétique complexe. Les anomalies magnétiques dues aux murs ne sont donc pas parfaitement linéaires et il est de ce fait difficile de déterminer le plan précis du bâtiment.

Le mur sud-ouest du bâtiment est le seul à apparaître sur toute sa longueur. Les trois autres murs sont en partie coupés par le fossé. Le mur nord-ouest est coupé par le fossé dans le sens de sa longueur ce qui peut expliquer les importantes concentrations de briques cuites que nous avons relevées tout au long de la coupe de la paroi sud du fossé. Dans cette même coupe, l’emplacement des deux sections de fortes concentrations de brique coïncident exactement avec le tracé des murs nord-est et sud-ouest du bâtiment visible sur la carte magnétique. Rappelons que 40 m séparent les deux sections de mur repérées dans la coupe, distance qui correspond à la longueur du côté de la construction carrée détectée. Ces concentrations de briques en coupe se présentent de plus sous la forme d’amas désorganisé (Fig. 5-57) ce qui peut expliquer en grande partie l’aspect des anomalies associées aux vestiges de murs en brique cuite.

A l’intérieur des limites du bâtiment carré, une organisation interne apparaît sur la carte magnétique mais il reste difficile d’en donner le plan. Aucune partition interne de l’espace central n’est visible. Donc l’édifice pourrait être constitué d’une seule pièce centrale. Au centre de l’édifice, on remarque cependant la présence d’une concentration de fortes anomalies comprises dans un espace de forme carrée, mesurant 12 m de côté. Cette petite zone pourrait correspondre à un amas de brique. Vu que le bâtiment semblerait constituer d’une pièce centrale unique, ces anomalies pourraient correspondre à l’emplacement de soubassement en brique de colonnes destinées à soutenir un toit.

Au nord-ouest, de l’autre côté du fossé et la route, la limite du tepe est marqué par une anomalie rectiligne, de gradient positif, parallèle à l’orientation du mur nord-ouest du bâtiment carré. L’amplitude du gradient est beaucoup plus faible que celle des murs en brique cuite, il s’agit donc d’une structure de toute autre nature : un fossé, une construction en terre ou en brique crue. Il pourrait s’agir d’une enceinte ou d’un fossé périphérique qui serait située une vingtaine de mètres de distance de la construction en brique cuite. Du fait des anomalies provoquées par le canal en béton, la continuité de cet aménagement ne peut pas être confirmée dans les autres parties du site.

Enfin, il faut souligner qu’aucune anomalie pouvant se rapporter à la présence d’un four de cuisson des briques cuites n’a pu être repéré sur la carte magnétique. Ce type de vestige produit le plus souvent une forte anomalie magnétique et peut facilement être détecté avec la prospection magnétique. De ce fait, il est permis d’écarter l’hypothèse émise par A.B. Tilia et reprise par W. Sumner de faire de ce site un atelier de production de briques cuites. Les briques cuites utilisées pour construire les fondations du bâtiment de Tol-e Ajori n’ont donc probablement pas été fabriquées in situ. La présence de fragments de briques cuites avec une couche de glaçure vitrifiée pourrait toutefois démontrer que les décors étaient fabriqués sur place.

Notes
977.

Cf. § 3.3.2.1.1 concernant les fortes anomalies produites par les structures en argile cuite.

978.

Bevan 1994